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Ruines du chateau de Hambye1825Atlas, Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie | ||||||||||||
Revue monumentale et historique de l’arrondissement de Coutances Renault, « Annuaire du département de la Manche » 1854 et additifs de 1861
Le château de Hambye et sa forteresse ont complètement disparu. Lorsque je visitai l'emplacement où ils s'élevaient, je ne reconnus plus que l'orifice d'un puits creusé à une grande profondeur, dans une roche de grès schisteux. En parcourant ces lieux, où se trouvait jadis un des plus grands châteaux du pays, une des forteresses les mieux défendues, on se sent vivement impressionné au souvenir de tous ces sires, de tous ces barons de Hambye, qui, en France comme dans les pays lointains, furent l'honneur et la gloire du nom normand.
Le château était placé sur un tertre, à l'extrémité du bourg de Hambye, qu'il dominait. Il était de forme carrée, d'après ce que me dirent des personnes âgées, et qui en avaient encore vu une partie. Le donjon avait plus de cent pieds de hauteur; son sommet était garni de créneaux, et il avait à chaque angle une petite guérite en pierres, soutenue par des consoles. On prétend qu'il fut terminé par Louis d'Estouteville et Jeanne Paynel. Comme le château de Hambye paraissait être du XIV° siècle, et en avait sans doute remplacé un autre qui remontait au X° ou XI° siècle, il est possible que, dans le XV° siècle, Jeanne Paynel et Louis d'Estouteville aient fait exécuter des travaux à cette forteresse, et en aient augmenté les moyens de défense.
Presque tous les appartements étaient voûtés.
On avait établi des citernes destinées à recevoir et à conserver les eaux pluviales, parce que sans doute on craignait que celles du puits fussent insuffisantes pour les besoins de la garnison. La chapelle était placée au rez-de-chaussée du donjon. Sous l'escalier de ce donjon et près de la chapelle, il existait une basse-fosse.
Une des tours se nommait la tour de Moyon. On sait que, dans le XIV° siècle, les Paynel possédaient la baronie de Moyon et celle de Hambye; celui des membres de cette famille qui fit construire cette tour lui donna le nom de sa seigneurie de Moyon.
Une légende ou histoire merveilleuse se rattache au château de Hambye, et j'en dois le récit; car tout ce qui est relatif au moyen-âge, tout merveilleux que cela soit, est souvent de l'histoire. Dans l'antique château de Hambye vivaient un preux chevalier et une châtelaine d'une grande beauté. Le chevalier partageait son amour entre sa dame et ses armes, tant était grande son ardeur pour la gloire des combats. Un soir, à la veillée, pendant que la châtelaine faisait à l'aiguille une tapisserie, un de ces rapsodes ou ménestrels qui parcouraient les manoirs et les châteaux redisait au châtelain les malheurs des habitants de Jersey, dont un énorme serpent ou dragon ailé désolait l’ile. Aussitôt le sire de Hambye forme le projet d'aller combattre ce monstre. Le lendemain, on le vit échanger avec la châtelaine un gage de souvenir, se revêtir de son armure, s'élancer en selle, suivi d'un seul écuyer. Le pont-levis s'abaissa pour le laisser passer, et, après un dernier regard d'adieu donné à la châtelaine, qui se tenait à l'une des fenêtres du vieux manoir, on le vit s'éloigner dans la plaine.
Le sire de Hambye, arrivé à Jersey, se fait indiquer l'endroit où se trouve le serpent. Bientôt il l'aperçoit roulant son corps sinueux sur le gazon. Il s'élance aussitôt, la visière baissée et la lance en arrêt, contre ce redoutable ennemi. Le fer de la lance se brise contre la dureté des écailles. Le chevalier tire son épée; mais le cheval, qu'une morsure du serpent a empoisonné, tombe frappé de mort. Le sire de Hambye se dégage de ses étriers, et un combat à mort s'engage entre lui et le serpent. L'écuyer effrayé s'enfuit, abandonnant lâchement son chevalier. Après un rude combat, le monstre enfin expire percé de coups. Alors l'écuyer revient près de son maître, qui, épuisé de fatigue, se débarrasse de son armure et s'endort.
Le lâche écuyer, voyant son seigneur et maître livré au sommeil, conçoit l'affreuse pensée de l'assassiner. Il va ensuite trouver les habitants de l’ile, et leur fait un récit mensonger. Le serpent a tué le noble chevalier, et lui, pour venger sa mort, a plongé son épée dans la gueule béante du monstre. Le sire de Hambye fut enterré dans le lieu témoin de sa victoire, et les trop crédules habitants attestèrent comme vrai le récit faux qui leur fut fait.
Muni de ce témoignage, l'écuyer revient au château de Hambye, et s'y présente comme le vengeur de l'époux de la châtelaine.
Lorsque le deuil de la dame de Hambye fut passé, le criminel écuyer ne craignit pas d'aspirer à la main de celle qu'il avait rendue veuve. Les parents paraissaient agréer cette union ; la châtelaine seule éprouvait une répugnance invincible.
Le ciel frappa le coupable écuyer d'un châtiment exemplaire. Partout il lui semblait voir son maître devant lui. Un jour, il entre dans l'appartement qu'occupait la châtelaine, et aussitôt il aperçoit le sire de Hambye auprès de celle dont il venait demander la main. Un autre jour, invité à un festin que donne la famille, c'est encore son maître qu'il trouve à la place même qui lui est destinée. Alors il quitte la salle, poussant des cris affreux, et, dans un accès de délire, il avoue son crime. Aussitôt il fut arrêté, et, après jugement, dégradé de l'ordre sacré de la chevalerie, et pendu en dehors de l'enceinte du vieux manoir de Hambye.
La dame de Hambye fit élever un tombeau à la mémoire de son noble mari, dans l'ile de Jersey, sur une colline qu'on nomme encore aujourd'hui Hougue-Bie, c'est-à-dire Colline de Bie.
Hambye est un ancien bourg qui dépendait de l'élection de Saint-Lô et de la sergenterie de Gavray. Aujourd'hui il fait partie du canton de Gavray. Il s'y tient dans l'année plusieurs foires, et un marché chaque semaine. | ||||||||||||
Route de Villebaudon Hambye , CPA collection LPM 1900
Hambye, CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||