GAVRAY
  CC 34.02 BOCAGE COUTANCAIS
   
  FAITS HISTORIQUES   -1/2
         
 

Gavray CPA collection LPM 1900

 
   
 

Revue monumentale et historique de l’arrondissement de Coutances

Renault, « Annuaire du département de la Manche »

1854 et additifs de 1861

 

— On ne voit figurer aucun seigneur de Gavray sur les listes des barons normands qui accompagnèrent Guillaume, en 1066, lorsqu'il alla échanger si glorieusement, sur les champs d'Hastings, son manteau ducal contre la couronne des rois, et son titre de Bâtard contre celui de Conquérant. La raison en est que le château de Gavray dépendait du domaine ducal.

 

Après la mort du Conquérant, Henri, qui, d'après les volontés de sou père, ne devait avoir que les trésors qu'il lui avait laissés et une pension de 8,000 livres que ses frères, Guillaume et Robert, devaient lui payer, finit par se faire céder le Cotentin, qui appartenait à Robert. Alors, il fortifia les principaux châteaux de son domaine, et notamment celui de Gavray , qui était d'une grande importance, et il en fit une place en état de résister.

 

Robert engagea son duché de Normandie pour 10 000 marcs d'argent , afin d'entreprendre le voyage de Jérusalem, et d'aller à la conquête du tombeau de Jésus-Christ. Ce fut son frère, Guillaume-le-Roux, qui lui prêta cette somme pour cinq ans.

 

Comme un chef puissant entraînait toujours à sa suite des chevaliers, avides de gloire, et que d'ailleurs ce voyage, au pays d'Orient, parlait vivement au cœur des barons, Robert partit avec grant foison de chevaliers, barons et aultres gens de Normandie.

 
   
 

Gavray CPA collection LPM 1900

 
     
 

A son retour, Robert, avec la dot de Sybille, sa femme, dégagea son duché, et Henri, auquel il disputait la couronne d'Angleterre, lui paya, à titre de dédommagement, 3 000 marcs d'argent de pension annuelle, et lui céda toutes les places et tous les fiefs qu'il possédait en Normandie. Gavray rentra ainsi sous la domination du duc Robert.

 

Sous le règne de Henri II, roi d'Angleterre et duc de Normandie, plusieurs seigneurs devaient le service militaire au château de Gavray. Ou distingue entre autres Roger de Montaigu, Raoul de Ver et Thieuville du Mesnil-Garnier.

 

On trouve que plus tard, sous le règne de Philippe-Auguste, roi de France, Raoul de Thieuville, le seigneur de Montaigu, Agnès de Valencé et Guillaume de Ver devaient, en temps de guerre, faire leur service militaire à la principale porte; du château de Gavray.

 

L'état des fiefs de l'élection de Coutances, dressé en 1327, nous apprend que les possesseurs des mêmes fiefs continuaient leur service militaire, ce qui nous fait voir quelle était encore alors l'importance du château de Gavray, qui dépendait du domaine du roi.

 

Philippe-Auguste accorda à Gavray les privilèges de la commune : ainsi, les habitants eurent le droit de porter des armes, d'avoir une bannière, de régler leurs impôts, de garder leur enceinte, et de marcher à la défense de l'Etat sous des chefs nommés par eux.

 

Pendant que le roi Jean fut duc de Normandie, il nomma commandant (capitaneus) du château de Gavray Robert de Tregoz qui avait toute sa confiance.

 

Philippe-le-Bel fit enfermer dans le château de Gavray Blanche, femme de son fils Charles, convaincue d'adultère . Elle avait déjà passé sept ans de captivité dans le château Gaillard. De Gavray, elle fut conduite à l'abbaye de Maubuisson, où elle termina sa carrière.

 
   
 

Gavray CPA collection LPM 1900

 
 

 

 
 

En l'année 1328, Jeanne de Navarre, mère de Charles-le-Mauvais, devint maitresse de Gavray, qu'elle obtint à titre d'indemnité. Peu de temps après, le roi de Navarre en fit augmenter les fortifications, et Gavray, entre ses mains, devint une des plus fortes places de la Normandie.

 

Guillaume-aux-Epaules, Guillelmus ad Humeros, qui commandait la bastide des ponts d'Ouve, fut nommé, par le roi de Navarre, capitaine de la ville et chastel de Gavray.

 

Le roi Jean, mécontent du roi de Navarre, qui était pour lui un ennemi redoutable, voulut se saisir de toutes les places fortes que ce prince possédait dans le Cotentin. Gavray refusa d'ouvrir ses portes; Mortain, Cherbourg et Avranches imitèrent sa résistance. Le roi de France, trop faible pour mettre son projet à exécution, fut obligé de conclure un traité qui assura à Charles-le-Mauvais toutes les possessions qu'on lui avait enlevées ou confisquées. Bientôt la captivité du roi Jean permit au roi de Navarre de nuire impunément à la France.

 

La victoire de Cocherel, remportée dans les premiers temps du règne de Charles V, rendit les Français maîtres de la Normandie. Du Guesclin assiégea et prit plusieurs places dans le Cotentin; mais, appelé en Bretagne, il vit s'interrompre le cours de ses succès. La France perdit la bataille d'Auray, et du Guesclin fut fait prisonnier. La paix qui se conclut à Saint-Denis rendit au roi de Navarre toutes les places qu'il avait perdues dans le Cotentin. Gavray, qui sans doute, n'avait été ni pris ni assiégé, ne figure pas au nombre de ces places.

 

Charles-le-Mauvais ayant formé un complot contre la vie du roi de France, du Guesclin fut envoyé pour s'emparer des forteresses de ce prince. Il en prit plusieurs sans peine. Gavray fit une longue résistance. Son château était un des plus beaux et des plus forts de Normandie. Un Espagnol, nommé Ferrando, qui s'était enfui d'Evreux quand l'armée de Charles V s'y était présentée, s'était retiré à Gavray . Le roi de Navarre le nomma capitaine et gouverneur du château, où étaient ses trésors.

 
   
 

Gavray CPA collection LPM 1900

 
   
 

Ferrando résolut de garder le château de Gavray et de s'y défendre jusqu'à la mort. Le siège traînait en longueur, et du Guesclin n'eût pas facilement réussi à s'en rendre maître, quand un accident fit ce que la force n'aurait peut-être pas fait. A cette époque, on n'en était encore qu'aux premiers essais de la poudre à canon . Un jour, le gouverneur Ferrando, visitant imprudemment avec une lumière un appartement situé dans l'une des tours, et où des poudres étaient déposées, laissa tomber sur elles un lumignon. L'explosion qui s'ensuivit fit sauter les murs de la tour, et tua le gouverneur avec les hommes qui l'accompagnaient. Cet accident jeta la consternation dans la garnison, qui, n'ayant d'ailleurs aucun espoir de secours, capitula et se rendit.

 

Le château de Gavray, où séjournait souvent le roi de Navarre, renfermait les trésors de ce prince. On y trouva des pierreries, deux couronnes en or massif et 60 000 pièces en or, qui furent très-utiles à Charles V pour continuer ses opérations. On remit ce trésor au sire Bureau de la Rivière, qui le desiroit fort, dit le chroniqueur. La forteresse de Gavray fut démantelée, et le roi fit Geoffroy de Couvrant gouverneur du château.

 

Peu de temps après, les troupes du roi de France, commandés par Thomas de Graffard, rasèrent les fortifications de Gavray , et les grands baillis de Caen et du Cotentin s'y prêtèrent avec empressement.

 

Le château de Gavray, devenu presque sans défense, fut pris facilement par les Anglais en 1418. Pendant leur occupation, ils rétablirent une partie des fortifications; mais cette place ne résista pas longtemps contre les troupes du roi de France, que commandait le comte de Richemont, qui, en l’année 1449, s'empara presque sans coup férir du château et de la forteresse de Gavray.

 

Charles VII, voulant récompenser le comte de Richemont, connétable de France, des services qu'il avait rendus au pays, lui donna, par lettres-patentes datées de Tours, en 1450, les villes, terres, seigneurie et vicomté de Gavray, mais pour en jouir seulement pendant sa vie . Depuis, on ne voit pas que ce château ait été en état de résister. Alors, sans doute, il fut complètement détruit, et aujourd'hui en trouve-t-on à peine quelques traces

 
         
 

Ruines du château de Gavray, CPA collection LPM 1900