SAINT-JEAN-DES-CHAMPS
  CC 33.13 GRANVILLE TERRE ET MER
   
  SAINT-URSIN
     
 

Église Saint-Ursin, Saint-Jean-des-Champs Xfigpower — Travail personnel

 
     
 

SAINT URSIN

Avranchin monumental et historique, Volume 2

Par Edouard Le Hericher 1845

 

Nostram terram inter Thor et Tltarnetiam usque ad terram S. Ursinl.

 (Cart. du Mont Saint-Michel).

 

La configuration de cette commune est très-irrégulière: elle s'appuie au sud sur la ligne sinueuse du Thar, toute bordée par les bois de la Luzerne, qui semblent avoir projeté dans son sein quelques bouquets, comme des tiges vagabondes ; le reste de sa limitation est généralement idéal, ou déterminé par des lignes trop brisées et trop détaillées pour entrer dans une esquisse. Le village de Saint-Ursin est sur une hauteur, et son paysage se compose de trois élémens, les coteaux, les bois et les rivières. La commune consiste en deux plateaux , l'un côtoyé par le Thar et le Tharnet, l'autre qui est un faîte placé entre le Tharnet et plusieurs ruisseaux qui vont au bassin de la Saigue.

 

L'église de cette paroisse est sous l'invocation d'un saint qui figure sur certaines listes des évêques de Coutances. Demesurément longue, n'ayant pas de transepts, ajustant sur une même ligne sa nef et son chœur , elle ressemble plus à une galerie qu'à un édifice chrétien. Elle n'a de remarquable à l'extérieur que son portail roman qui s'enfonce dans un pignon, flanqué de deux contreforts, abrité par un if antique et monstrueux, merveille végétale du pays , qui ressemble à un faisceau d'arbres ou à un entrelacement de serpens , dont les bruissemens du vent dans son feuillage semblent être les sifflemens'. L'intérieur est blanc, propre et nu, comme il convient a une église moderne, dont les goûts juvéniles ne s'accommodent pas des vieilleries. Aussi y a-t-il peu d'objets anciens dans cette église : la tombe de messire Eustache Le Mercier, patron de Granville, Saint-Ursin, Mesnildrey, SaintLéger , décédé en 1733 , et son écusson constellé de six lunes et de six étoiles, un assez bon tableau venu de la Luzerne, représentant le baptême de Clovis par saint Eloi, des statues mutilées reléguées dans la sacristie, et une statue de saint Clair d'une pensée très-naïve3, tels sont les faibles vestiges du passé dans cette église implantée sur des fondations romanes. En 1648, cette église, patronée par le seigneur, rendait 400 liv.4 Au xiv e siècle, elle rendait 45 liv.5 Au xn", elle était ainsi notée au Livre Noir: « Ec. S. Ursini patronus dmis de Musca. Abbas S. Michaeiis percipit omnes garbas  exceptis l. quarteriis frumenti que percipit rector cum altalagio et valet lv. lib. »

 

Dans le cimetière, on remarque une croix polygonale et une tonnelle, reste du jardin de l'ancien presbytère, qui sert de reposoir aux processions.

 

A la limite de Saint-Ursin et de Saint-Léger est le Logis de la Sanguinière, bâti récemment sur l'emplacement d'un manoir. Il appartient à M. de La Broise de Saint-Léger, dans la famille duquel il est entré par son alliance avec celle des Le Mercier, qu'avait précédée, comme nous le croyons, celle des du Eor.îme. Au xive siècle, les La Mouche avaient le fief de Saint-Ursin, et G. de La Mouche devait un chevalier pour ce fief et celui de Mesnildrey. En 1165, Robert du Mont fit un échange avec G. de Saint-Jean, et il lui donna : « Nostram terram inter Thar et Tharnesiam usque ad terram S. Ursini et dédit in excambio pro feodo Alani de Buceio in quo sedit medium ecclesie et cimeterii Buceii3. » En 1283, le Mont Saint-Michel acquit des rentes en Saint-Ursin de Th. Le Roy, seigneur de la Pommeraye3. En 1152, G. de Saint-Jean avait donné à la Luzerne: « Tres ocras ad S. Ursinum.»

 

Le sol tourmenté de Saint-Ursin et la briéveté de son chapitre nous offrent une occasion pour énumérer les noms topographiques avranchinais dérivés des mouvemens et de la nature du terrain. Nous avons donné ailleurs les noms dérivés des hauteurs et des pierres5. La dépression du sol donne le Val, les Vaux, le Yaucel ou la Vaucelle en Subligny et en SaintLéger , la Valette en Saint-Pierre-du-Tronchet et en Noirpalu, les Basseries en la Haye, les Bessières en Juilley, le Bas avec un nom, la Houle, la Hiaule en Saint-Sénier-de-Beuvron; les mouvemens de la côte s'expriment par le Grouin, cap fendu , comme le Grouin-du-Sud en Vains, le Bec , cap aigu, comme le Bec-d'Andaine à Genêts, le Coin, comme le Coin-à-la-Carelle en Vains, le Pignon, cap très-élevé et massif, le Pignon-Butor, la Dune, nom celtique qui signifie hauteur ', les Hogues. Une anse arrondie dans les grèves de la baie s'appelle Port2. La nature du terrain se révèle dans les Mielles3; dans la Gravelle4, comme dans la Gravelle en Montjoie ; dans le Pratel en Saint-Sénier-de-Beuvron et les Préaux; dans les Freches , terre en friche ,-assez commun , par exemple, en Bacilly ; dans la Forière, lieu de pâturage, dérivé de Forium, Fodrium, qui se trouve en la Trinité; les Fonteny, les Fontenelles sont assez fréquens, et les Grenouillères s'appellent quelquefois Rainières , comme au Luot, ou Chanteraines, comme en Bacilly, ou Gargouilles, comme à Céaux.

 
     
 

Saint Jean des Champs, collection CPA LPM 1900