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Église Saint-Léger,, Saint-Jean-des-Champs Xfigpower — Travail personnel |
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SAINT LEGER Avranchin monumental et historique, Volume 2 Par Edouard Le Hericher 1845
Ecclesia S. Leodegar'U patronus dominai de Musca. Rector percipit altalagium et in garbis circiter x tib. Abbat de Monte residuum et valet xzv lib. (Livre Noir).
UN triangle curviligne dessine la forme générale de cette petite commune : elle couvre le flanc élevé du coteau du Thar, et une partie du plateau : aussi l'appelle-t-on quelquefois, pour la distinguer des nombreux Saint-Léger, Saint-Léger-sur-Thar. Comme elle est en face de la Luzerne, dont on voit les ruines pittoresques du haut de sa montagne, elle s'appela anciennement : « B. Leodeg. super Lucernam. »
Elle tire son nom de son patron, S. Leddegarius, évêque d'Autun au VIeme siècle, qui fut ami de saint Ouen, et qui, pour cela sans doute, devint le patron de plusieurs églises de Normandie. Ce nom a été altéré en Leutgar, Leudger, Ligaire et Leguier.
L'église est située à mi-côte d'un versant du bassin du Thar, et, de son clocher, la vue se promène sur sa vallée humide et boisée où s'élève, au milieu d'une ellipse de rivières et de coteaux , la belle tour de l'abbaye de la Luzerne , qui fait rêver au calme et au bien-être des monastères. Cette petite église, assez insignifiante à l'extérieur, où elle n'arrête le regard que par la vieille maçonnerie du côté du nord, par le bas de sa tour, par une fenestrelle bouchée et la fenêtre orientale, renferme trois vrais joyaux d'artiste et d'antiquaire, ses fonts, son dais, sa Passion. Le baptistère, en calcaire de Caen, a la forme d'une pyxide ou saint ciboire. Sur sa base sont sculptés des diables, sur son fût octogone est brodée une ceinture de feuilles de vigne, l'arbre mystique. Le fût s'élargit en une cuvette, aux quatre angles de laquelle sont suspendus des anges, qui ont probablement tenu des croix. Cette piscine est remarquable d'art et de signification. Le bas-relief de la Passion, en marbre blanc, peint bleu, rouge et or, ne manque pas de valeur comme art, mais il est un curieux modèle de la naïveté et des anachronismes de la sculpture du xve siècle. C'est une scène en cinq tableaux ou en cinq compartiments; c'est la forme accoutumée du diptyque, quoique la partie centrale ait été transportée sur un autre autel. La première scène est celle du Jardin des Oliviers : des soldats, en panoplie du Moyen-Age, portent des lanternes, Judas embrasse le Christ, et un soldat porte la main sur lui, Malchus est étendu par terre, saint Pierre remet l'épée dans le fourreau. La deuxième représente la Flagellation : pendant que quatre bourreaux flagellent, un cinquième, dont le fouet est passé à sa ceinture, regarde le Christ avec l'expression de l'insulte et de l'ironie. La troisième, c'est la Crucifixion. Elle offre une particularité intéressante : les deux larrons sont attachés à leur croix; un ange reçoit l'âme du bon larron, un diable celle du mauvais. Ces âmes sont figurées par deux petits abrégés de l'homme, deux corps d'enfants qui sortent de leur bouche ; mais l'un est blanc et joli, l'autre est laid et noir : c'est une âme d'ange , c'est une âme de démon '. La scène quatrième est l'Ensevelissement. La dernière est la Résurrection. Le Christ s'élance en posant le pied sur le ventre d'un des gardes, qui sont horriblement laids ; il porte sa croix, des anges balancent l'encensoir. Le dais est un objet assez rare :il est en cuir, fleuri de dorures, et doit être fort ancien. Il y a encore dans cette église un joli bénitier qui se rapproche du genre du baptistère, et un grand tableau à effet, mais assez grossier, venu de l'abbaye, et qui d'ailleurs n'a plus sa perspective. Il représente la crèche de Bethléem : dans le ciel des anges bouffis soutiennent une croix; aux côtés sont saint Jude et saint Charles, en pied. Deux bustes, l'un d'une femme tenant une épée, l'autre d'un homme, y représentent, dit-on, le peintre et sa femme.
Cette église a, dans le Livre Noir, son article dont nous avons fait notre épigraphe. Le dais est le seul objet actuel que l'on pourrait considérer comme contemporain de l'édifice dn XIIeme siècle. Elle était ainsi constituée au XIVeme « Johannes de Musca est patronus ecclesie B. Leodegarii super Lucernam. Taxata est ad quinque libras. Rector ejusdem percipit decimam feodi Noel et feodi dicti domini de Musca. Item percipit terciam garbam decime in feodo de Gastigneyo et abbas et conventus S. M. in periculo maris percipiunt duas partes in dicto feodo. Ibi est quedam ocra terre elemosine vel cocirca'. » Au Moyen-Age, elle avait pour patron le seigneur et jouissait d'un revenu de 19 liv.a En 1648, elle rendait 600 liv. a
L'Inventaire des chartes du Mont Saint-Michel, dressé au commencement du XIVeme siècle, renferme plusieurs titres relatifs à cette paroisse: « Carta de Hoel de mouta S. Leodegarii. — Carta Nie. Grehalc de sex. quart, fr. in prochia S. Leodegarii.—LitteraJ. de Muscha de frumento S. Leod.— Carta donationis monte in prochia de S. Ligerio. — Littera P. de Boscho armig. in prochia S. Leodeg. de terra quam dedit abbatie de Lucerna »
L'abbaye de la Luzerne avait aussi quelques biens en SaintLéger : ils sont mentionnés dans l'histoire de ce monastère.
Il y avait un Saint- Léger à la Conquête, Rob. de SaintLéger, qui reçut des biens dans le comté de Sussex. Mais comme il y a en Normandie une douzaine de communes de ce nom, il est difficile de le localiser avec précision. D'un côté, comme l'a remarqué M. de Gerville, il n'y a dans notre Saint-Léger ni château, ni souvenir de château; mais d'un autre côté, un auteur, qui ne cite pas ses autorités, mais dont nous avons plus d'une fois vérifié les assertions, dit que Robert de Saint-Léger était au nombre des seigneurs du Cotentin et qu'il était à la Conquête à la tête de ses vassaux. Ensuite d'après les noms dont le sien est avoisiné dans la Liste de Brompton, on peut incliner à placer ici le berceau du soldat de la Conquête:
Crenawel et Seint Quentin, Deveroux et Seint Martin Seint Mor et Seint Leger Seint Vigor et Seint Per Arenel et Paynel.... Beauchamp et Beaupel.
On peut dire aussi qu'il est difficile de localiser les Saint-Léger des Rôles de l'Echiquier. Mais la citation suivante donne presque la certitude qu'il s'agit d'un seigneur de la commune dont nous faisons l'histoire : Ballia Constane. ÎVill. de S. John. c. so. pro plegio Rob. de Sto Leodegario. 1201. » Les seigneurs de la Mouche possédèrent longtemps cette paroisse. Toutefois des seigneurs à Saint-Léger s'appelaient les du Bosc ou Dubois, vers le XIIeme et le XIVeme siècle. En 1302, Petrus de Bosco armiger de S. Leodegario fit des dons à la Luzerne. S'il n'y a pas de château en Saint-Léger , à sa limite est celui de la Sanguinière, possédé par M. de La Broise de Saint-Léger. Ce château de la Broise est sans doute sur l'emplacement de celui des anciens seigneurs. |
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Saint Leger, collection CPA LPM 1900 |
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