LES CHAMBRES
  CC 33.12 GRANVILLE TERRE ET MER
   
  HISTOIRE
         
 

Les Chambres Xfigpower — Travail personnel

 
         
 

Avranchin monumental et historique, Volume 2

 Par Edouard Le Hericher 1845


Novcr'a universitas vestra nos patronafum me-

   diclatis ecclesic S.Salvatoris de Cambris Dei

  wnare votuntate gratuUa et unanimi assentu

   dileclis in Christo fitiis Abrlnc. dcdisse,

                      (Livre Vert).

In Gripone decïmam de omnibus reddilibus ad

  dominum castri pertinentibus et unum bur-

  gensent.

 

(Charte de Henri II, roi d'Angleterre).

 

La paroisse des Chambres réunie à celle du Grippon forme une annexe de Champcervon, et leur territoire forme une commune. Son église dut être, dans l'origine, une simple chapelle que représente la' nef actuelle qui a été allongée par une tour et un chœur dans le siècle dernier, et un campanier couronnait sans doute son pignon, comme au Grippon. La chapelle primitive était une construction romane dont il reste deux vestiges remarquables: ce sont deux pans de maçonnerie en optts spicatum dans la côtière du midi. Les angles rongés des pierres, les vides de leurs interstices leur donnent un caractère de haute antiquité. Un objet curieux qu'on peut rapporter au XVe siècle, d'après le style flamboyant de ses ornements d'architecture, est une Trinité en marbre blanc d'un travail très - délicat, d'après une disposition assez commune au Moyen-Age : malheureusement ce groupe a été trèsmutilé. Le Père tient devan lui le Fils crucifié : on voit encore dans sa barbe la queue de la Colombe, qui, selon l'usage, était placée sur son sein, entre sa tête et la croix. Un charmant dais, véritable orfèvrerie de marbre, couronne le groupe. D'ailleurs il a été reproduit plus grand dans un groupe en pierre du maître-autel. Le grand tableau du retable représente le même symbole avec quelques différences qui annoncent que la tradition hiératique était altérée : au-dessus d'une crucifixion plane le Père et dans l'espace intermédiaire vole une colombe. L'église était sous l'invocation de la Trinité et de saint Sauveur. Deux fenêtres trilobées se rapportent au xvn« siècle. Au xvnr se rapportent la tour, le chœur, la refonte de la nef, et une chaire au dais fleuronné. Il n'y a, dans l'intérieur, qu'une pierre tombalc: elle est du xvr siècle, et porte cette épitaphe: « Cy gist P. Le Roy de l’an mil vcc et xvi" en la place de la Boucetièrc '. » On remarque encore, dans cette pauvre église, une ancienne statue de saint Clair. Les fonts sont une énorme cuve, dont la cuvette se voit dans le cimetière, et probablement ils remontent à l'époque de la fondation de l'église. Il faut peut-être reporter à cette époque la croix ronde du cimetière, dont le fût hardi est terminé par un croisillon au centre duquel s'ouvre une niche vide trifoliée.

 

L'église des Chambres appartenait dans l'origine à l'abbaye de Saint-Sever, fondée et enrichie par les vicomtes d'Avranches. La moitié du patronage fut donnée à la fin du XIIeme siècle au chapitre d'Avranches par l'abbé et les religieux de cette abbaye. La charte confirmative fut insérée dans le Cartulaire del'Évêché: « Universis Will. Deigratia Abrinc. episcopus, noverit universkas vestra r/uod nos donacionem fuctam capitula Abrinc. a dilectis in Cliristo ab abbate et conventu S. Senerii super patronatum medietatis ecclesie de Cambrisconfirmamus. Jamdictamecclesiemedietatemcapitulo Abrinc. misei•icorditer concessimus. »

 

Ce don était fait dans un esprit d'union et de fraternité, et pour resserrer des liens qui existaient depuis long-temps entre ce monastère et ce chapitre. La charte de l'abbé de SaintSever respire une douce et touchaute charité : « Noverit.... JSichil in eodem patronatu retinentes volumus eciam et concedimus charissimo in Christo patri Domino episcopo et Capitulo Abrine. ut honoribus et bonis abbatie nostre nobiscum participes sint et consortes; ad augmentum. vero familiaritatis et amoris quem de cetera volumus esse inter nos, jam dictis Domino episcopo et canonicis Abrine. concessimus ut iIuum de morte quolibet eorumnobis innotuerit, et aliquorum obitus sit nunciatus, pro mortuo orabimus et sicut pro uno monachorum nostrorum consuevimus. »

 

Plus tard, en 1255, un différend s'éleva entre le chapitre «t le curé: « Rie. Abr. episcopus salutem. Cum contentio verteretur inter Decanum et Capitulum Abrine. ex una parte €t Rie. de Parco rectorem ecclesie des Chambres ab altera super decùnis et rebus aliis eidem ecclesie que decime de consensu partium diu fuerant sequestrate, tandem in nos consenserunt siare haut et bas ordinationi a nobis faciende. Nos vero de prudentium virorum consilio taliter ordinavimus videlicet quod Ricardus et successores eidem qui pro tempore eruni persolvent Decano centum sol, tur. vel currentis monete..... dation 1250.

 

Dans la suite la moitié du patronage fut cédée au seigneur par l'abbaye de Saint-Sever. Aussi en 1648 la présentation alternait entre le seigneur et le Chapitre3. En 1698, la cure valait 300 liv. ; la taille était de 159 et le nombre des taillables de 40. En 1765, cette paroisse, de la sergenterie de Herault, comptait 15 feux.

 

Bien que cette paroisse n'ait ni manoir, ni logis, parce qu'elle a généralement dépendu des seigneurs du Grippon , cependant son nom se trouve assez souvent dans les anciens titres.

 

En 1104, Hugues des Chambres souscrivit, au Mont Saint Michel , à la charte relative à Servon et au Luot, et il fit des conventions relatives à ce monastère avec Thoma» de Saint Jean.

 

En ce siècle, Guillaume de Chantepie aumôna à l'abbaye deux masures dans les Chambres , et la Luzerne reçut la sixième partie du moulin de cette paroisse.

 

Cette paroisse donna un abbé au Mont Saint-Michel, le dix-neuvième, Thomas des Chambres, Thomas de Cameris. Ce fut un des plus obscurs; il gouverna au commencement du xtir siècle : « Pietati maxime, orationi et solitudini addictus ad superos evolavit » Dom Huynes a tracé de lui une de ces images suaves, qui le caractérisent, et qui nous rappellent les douces estampes des premiers temps ou les suaves peintures des artistes du xve siècle : « Preferant les delices de la solitude aux appasts trompeurs du grand monde il tascha plus de se rendre agreable a Dieu par ses vertus vrayment religieuses quaux hommes par lesclat de ses actions et conduisant son troupeau dans une grande retraitte il prit Dieu seul pour tesmoing de ses obligations. Son ame quittant le corps alla jouir au ciel des grandeurs preparees a ceulx qui ont voulu paroistre petits en terre. »

 

Dans la grande charte confirmative des dons des Saint-Jean à la Luzerne, rendue par le pape Innocent, en 1213, on lit: « Reddition quem habetis apud Cambas et quem habetis in feodo S. Severi apud S. Severum. »

 

En 1255 eut lieu entre Richard du Parc, curé des Chambres et le Chapitre d'Avranches la transaction citée plus haut.

 

Au temps de la Recherche de Montfaoucq, à la fin du xv siècle, Jean de Chantepie des Chambres fut déclaré roturier, mais sa noblesse fut reconnue plus tard par Roissie:

 

Vers la fin du xvn" siècle vécut, dans le presbytère de cette paroisse, un prêtre distingué, Etienne Dervis , qui fut successivement curé des Chambres, doyen rural de Tirepied, et pénitencier d'Avranches. Il était frère de René Dervis, docteur en Sorbonne, et aumônier du cardinal d'Estrées.

 

Le nom des Chambres est d'une étymologie assez obscure. Si on trouve Cambœ, dans un manuscrit, le nom le plus général est Cambra et Camerœ. Il est probable que ce mot signifie une mesure agraire : « Camera modus agri » , dit Ducange qui cite les exemples suivons: « Tres Cameras de vinea... Camera de vinea... Unam Chameram terre... Juxta tameram Riperti quœ camera fuit depredicta terra...."1 »

 

A quelques pas est le château du Grippon : ce n'est plus aujourd'hui qu'une belle ferme d'un aspect féodal, conservant ce nom de château, qui, avec le castrum des chartes, atteste en ce lieu l'existence d'une forteresse. S'il tirait sa force de ses constructions , il la tirait aussi de sa position, presque au milieu des eaux '. Il ne reste d'ancien qu'un colombier tout revêtu de lierre , un escalier dont le grand repos est porté sur deux colonnes à base élégamment taillée, et une vaste cheminée dont le manteau est relevé d'un écusson étoilé.

 

En 1648 , l'église Saint-Barthélemy du Grippon , qui était à la présentation du seigneur, rendait 300 liv.2 En 1698 , la cure valait 150 liv.; la taille était de 174 liv., et le nombre des taillables de 323. En 1765 , le Grippon , de la sergenterie de Heraut, comptait 14 feux.

 
     
 

Ancienne église Saint-Barthélémy du Grippon

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