LE TANU
  CC 33.11 BASSIN DE L'INTERCOM DE VILLEDIEU
   
  NOIRPALU
         
 

Noirpalu, Le Tanu, L'église Saint-Jean-Baptiste. Xfigpower — Travail personnel

 
     
 

Avranchin monumental et historique

Edouard LE HERICHER, 1845


Quartam partem de molendino de Nigrapalude

Bulle du pape Innocent, 1213

 

Le Nigra Palus, qui avec ses parties desséchées donna son nom à cette commune, est à une de ses extrémités, sous l’église de Bourguenolles. C’est une prairie très humide, à laquelle les prêles, les potaniot, les joncs, les alisma donnent une teinte sombre et d’où s’échappe un petit tributaire de l’Airou. On y trouve un arbrisseau odorant très rare, le Myrica gale. La forme générale de la commune est une ellipse très allongée dirigée du nord-est au sud-ouest, coupée au milieu de sa longueur par une vallée ou la Vallette, et déterminée par des lignes généralement arbitraires. Au dessous de son église, au Fougeray, commence un cours d’eau qui, avec celui du cimetière de La Mouche, donne naissance au Thar. Vers le milieu de Noirpalu coule un affluent de l’Airou, le ruisseau de l’Ecluse. Un village porte le nom de la Blanche-Pierre.

 

L’église est au bord de la voie Montoise, abritée par deux ifs magnifiques, plus élancés que ne l’est ordinairement cet arbre des cimetières, étalant sur leur fût, qui ressemble à un faisceau d’arbres, une riche ramure, et, de même que le tilleul, apparaissant comme le type de l’architecture chrétienne. Mais ces deux piliers antiques et superbes écrasent la jeunesse et l’humilité de l’église, et font penser à celle qui fut leur contemporaine et dont il ne reste sans doute qu’une croix encastrée dans la sacristie et quelque chose d’un calvaire composite, carré à la base, prismatique au centre et coordonné au sommet. Viennent ensuite la tour, à la base en talus, aux fenêtres trifoliées, et quelques tombes dont une de 1613. Le chœur a été fait en 1771 et la nef en 1828. L’intérieur est blanc et propre et les murs sont couverts d’inscriptions bibliques. L’église de Noirpalu était une chanoinie de la cathédrale d’Avranches. En 1648, elle rendait 100 livres ; en 1698, 200 : la paroisse renfermait alors 40 taillables qui payaient 207 livres. Cette paroisse est quelquefois citées dans les chartes. Au XII° siècle l’abbaye de la Luzerne reçut une terre dans cette paroisse et la quatrième partie du moulin. Dans le même siècle un Pelevillain lui fit aussi des aumônes dans cette localité.

 

Il y a dans cette commune, dans la voie Montoise elle-même, qui avait été sans doute une voie romaine, un monument singulier, objet de terreur et de superstition, et portant ce nom si commun de Montjoie, affecté généralement aux hauteurs que l’on consacrait à Jupiter, et que le christianisme donna généralement à Saint-Michel. Comme le Montjoie de Noirpalu n’est point une hauteur, et offre la forme d’un tumulus de l’espèce dite Galgal, il faut lui chercher une autre origine. Or, il n’y a guère que deux hypothèses : ou c’est une de ces buttes d’expiation du Moyen-Age, et un de ces tertres artificiels surmontés d’une croix, qui jalonnaient les routes lesquelles quelquefois même s’appelaient des Montjoies, ou c’est un tumulus gaulois ou normand. Du reste, c’est un problème que les fouilles seules pourraient résoudre. Ce tertre, couvert d’arbres, fait de terre et de cailloux, est consacré par la superstition : « Relligio patidos terrebat agrestes dira loci ». Il recouvre des trésors, et plus d’une fois, pendant la nuit, le paysan a essayé d’en interroger les profondeurs. De grandes chasses, d’énormes lévriers blancs, des chasseurs silencieux, des sangliers passent, rapides comme l’éclair, le long du chemin devant la butte-Montjoie. Le nom de cette commune, son intérêt hydrographique, la brièveté de son chapitre justifieront peut-être ici l’insertion de la plupart des vocables topographiques de l’Avranchin, dérivés des eaux.

 

Les Lud et les Palu ont été expliqués ailleurs ; les Douets, les Douetils en Plomb, les Hauts-Douetils en Saint-Jean-des-Champs, le Douetil en Vessey, la Doueterie en Sartilly, la Doitée en Tirepied, dérivent de Ductus : le ruisseau de Changeons est appelé dans une charte Ductum de Changons ; les Noes ou Nocs, qui signifient un conduit artificiel, se trouvent dans les Noes en Courtils, la Noe en Argouges, le Pré-des-Noes en Macey, la Noe en la Croix, les Noelles en Montjoie, les Basses-Noes en Macey ; la Vâtre, dérivée de Water, est le nom d’une mare en Lolif ; la Gase, espèce de canal, est usité en Pontorson, et se trouve dans la Gase en Précey ; les Viviers sont nombreux ; les Mares se retrouvent partout, spécialement dans les Mares à Avranches, les Marettes en Saint-Planchers, la Marelle en Sacey ; les Bec, communs dans la Haute-Normandie, le sont moins dans la Basse, et l’Avranchin n’en a qu’un, le Filbec en Saint-Planchers  ; le Bieu, altération du mot Bief, est commun : la rivière de Bieu à Vernix, le Bieu à Villedieu ; les Ruet, altération de ruissel, ruisseau, se rencontrent fréquemment, par exemple, le Grand-Ruet à Chausey, le Ruet en Saint-Senier-de-Beuvron ; les terrains bourbeux donnent les Bouillons, les Bouillonnières, les Limons ; les sources donnent les Surdens, la Sourdière, la Sourderie , et tous les dérivés du verbe sourdre.