TIREPIED
  CC 32.14 VAL DE SEE
   
  HISTOIRE
         
 

Tirepied collection LPM 1900


 
 

Avranchin monumental et historique

Par Édouard Le Héricher 1865

 

Gaufriitus Durèrent de hominibtts de valk Scie dcbet

 (notulideScacc. Fin du xu«siècle.)

Caria d» Crndi».

 (Livre Vert, xiii' siècle.)

 

Ce qui frappe d'abord à la vue du plan de Tirepicd, c'est l'insertion de la commune semi-circulaire de SainteKugienne, projetée dans son territoire, dont elle brise la régularité. Ainsi fait, le plan de la commune de Tirepicd est difficile à caractériser : c'est en général un hexagone dont la ligne serpentine de la Sée forme la base méridionale ; le côté de l'est est une ligne mi-naturelle, mi-conventionnelle ; celui du nord est tracé par des vallons ; celui de l'ouest est tracé par un chemin et le ruisseau du Chéne-au-Loup : les deux autres qui encadrent Sainte-Eugienne sont l'un purement artificiel, l'autre déterminé par la rivière du Prieuré de Saut-Bcsnon. Deux vallées et un vallon sillonnent son terrain et descendent â angle droit dans la Sée : le vallon du Chêne-au-Loup, la vallée de la rivière de Saut-Besnon qui afflue au Bas-Limon, et la vallée de la Viette.

 

Une étymologie populaire, qui a encore beaucoup de vraisemblance , dérive plaisamment le nom de Tirepied de la difficulté de se dépêtrer de la boue tenace de cette localité. Robert Cenalis tire son interprétation de sa fertilité qui est triple de celle des autres lieux: « Aiunt Tirepied, alias Tierspied, ob loci fertilitatem eo quàd tel una tripedaneam in aliis locis terrœ mensuram superet *. » Dans le Livre Vert, cette commune est écrite Tirepie, Tyrepié, Tirepeium et Tirepeyum 2. M. Cousin, qui écrit Tirrepeium, assure avoir vu cette orthographe : « Je puis bien assurer que ceux qui écrivent Tirpied n'ont point lu ni entendu lire le Livre Blanc3 qui est à l'Évêché d'Avranches , on trouve dans ce livre Tirrepeium, il faut donc écrire Tirrepied*. » On peut faire beaucoup d'hypothèses sur ce nom d'une explication difficile. Est-ce tertius pes, ou troisième mille sur la voie romaine d'Avranches à Vire? Cette hypothèse s'allierait avec la remarque de M. de G etrille relative aux noms ainsi terminés qui indiquent un passage sur une voie romaine , comme Taillcpicd. Tertius lapis est une hypothèse de la même portée. Pour nous, autorisé par l'orthographe des manuscrits, qui est la plus authentique, Tirepeium, nous inclinons à faire rentrer ce mot dans l'analogie des noms en é et en ey, et à y voir un nom d'homme.

 

Avant l'ouverture de la route royale de Vire, Tirepied était une halte très-fréquentée entre cette ville et Avranclres '', On montre devant l'église les ruines d'une maison que l'on appelle la Grande-Auberge, où s'arrêtaient, dit-on, les caravanes des muletiers. Près de cette maison est celle qu'on appelle le Manoir. C'est une habitation très basse, avec le caractère plutôt d'une ferme ou d'une prison que d'une résidence féodale. Deux jolis cintres inégaux, une porte et une portelette percent la façade; les fenêtres sont petites et grillées. Cette construction offre une particularité rare dans l'arrondissement, c'est une cheminée hexagone5. En face sont le presbytère, les ruines de la grange décimale et l'église paroissiale. La construction de cette église est de trois époques. La fin du xvr siècle ou le commencement du xvir a vu bâtir son transept septentrional, la petite porte cintrée, remarquable par sa base à moulures, avec ses doucines et son revêtement de larges dalles. Son arcature intérieure, formée de deux travées à quatre arcs transversaux, se perd dans un gros pilier qui soutient deux arcades ogivales plates, ou retombe sur une colonnette engagée. Le pignon de ce transept a été détruit en partie par l'érection de la tour actuelle sur ses murs et sa voûte. Il reste encore un fragment de ce pignon. Il est probable que cette tour a été élevée en même temps que le pilier et les deux arcades du transept méridional daté de 1683, qui sont une imitation des mêmes parties dans l'autre transept. Le reste de l'église, chœur, autel et nef, est du commencement du xvitr siècle, de 1719. Une des croix du cimetière , dont la date de 1600 est écrite à rebours, des tombes de 1576, de 1599, la pierre qui est auprès de l'if et qui a porté quatre petites croix, sont des contemporaines de l'origine de cette église ou de celle qui l'a précédée.

 

En 1648, l'église de Tirepied, qui était à la présentation de MM. du chapitre de Notre-dame-de-Cléry, rendait 800 liv.

 

En 1698 elle ne valait plus que 400 liv. Elle avait quatre prêtres outre le curé, la paroisse renfermait 380 taillables et payait 2600 liv. Les personnes nobles étaient alors Henri et Guillaume Barète, Pierre Billevist et la veuve de Faucon de Bordes, Thomas Erard, de La Broise, et la veuve de François Gouvets.

 

A la fin du xve siècle , Montfaut avait trouvé noble à Tirepied Léon Cholet.

 

En 1452 , l'évêque d'Avranches, Martin Pinard, obtint du roi le personnat de Tirepied, pour l'entretien d'un maître de musique et de cinq enfans de chœur dans sa cathédrale. Le Livre Vert renferme la charte de Louis xi et celle de Charles vu sur l'octroi du personnat, ou selon le langage des chartes, du personnage du patronage de Tirepied.

 

« Loys par la grace de Dieu savoir faisons que des tan mil quatre cent cinquante deux a {occasion de ce qu'il ny avait aucune fondacion pour laliment substantacion et entretenement des cinq enfans de cueur de leglise d'Avranches et de leur maistre ordonné pour les apprendre conduire instruire et gouverner, feu nostre très honore seigneur et père que Dieu absolve, voulu ordonna consenty et ottroia que le personnage de Tirepie situez assiz au diocèse d'Avranches feust annexe uny et incorpore au corps de ladicte eglise d'Avranches sitôt et deslors quil soit vacant fust par la mort ou resignacion de maistre Jehan Basset lors possesseur dice- luy benefice ou personnage..... et deslors en avons convertiz et employez a usage nourrissement et entretenement desdits cinq enfans de cueur et de leur dict maistre. »

 

A cette charte succède celle de Charles vu dont nous citerons quelques détails fort intéressans:

 

« Charles ....nous avons reçu l'humble supplication de nos bien amez le doicn et chapitre de leglise d'Avranches contenant que eulx et leurs predecesseurs pour la decoration et plus honorable entrete- nement du service divin en la louenge de Dieu et accroissement de la devocion du peuple et ensuivant les belles et notables ecresmonies des autres cathédrales de notre royaume ont de longtemps en ca eu et detenu cinq enfans de cueur en ladite eglise et aussi ung maistre pour les enseigner et instruire tant en grammaire et musique comme aussi pour les gouverner et reduire en bonnes meurs... Que jamais ny a eu fondacion expressément a ce ordonnee et que toutes foies a esté et est de tout temps communément en autres eglises cathcdrales de notre royaume a laquelle cause ladite eglise qui a longtemps este comme du tout destruicte et desolee a loccasion des guerres qui par lespace de trente troys ans ont eu continuellement cours en notre pays de Normandie ou ladite ville d'Avranches est située... et comme il soit ainsy que ung nommé maistre Jehan Basset tenant et possedant de present le personnage de Tircpie duquel personnage le droict de patronnage et presentacion nous appartient toutes et quantes fois que le cas escheit a cause et par raison de notre terre et seigneurie du Val de Sée estant des appartenances de notre domaine de la vicomte dudit lieu d'Avranches...Lesdits doien et chapitre seront tenus faire et celebrer une anthienne verset et oraison du Saint Esprit a genouz devant le grand autel dicelle eglise pour la prosperite de nous et de notre royaume... Lande grace mil cccc cinquante deux et de notre règne le trentiesme. »

 

À peu de distance de l'église, en face du camp du Châtellier, existe encore l'emplacement d'une forteresse, détruite , dit-on, par Louis XI: c'est la forteresse du Val-deSée. L'habitation et la ferme s'appellent encore le Val-deSée. Des fossés profonds entourent encore la motte de ce château de tous côtés, excepté du seul où probablement était le pont-levis, et où la douve a été comblée. La base des murailles existe même en quelques endroits : c'est une maçonnerie d'un ciment très-dur qui a généralement plus d'un mètre d'épaisseur. Le plan est elliptique ou circulaire et la motte offre encore un aspect très-fort du côté de l'est : il faut voir dans ces ruines les restes d'une véritable forteresse normande, que ses dépendances plaçaient au bord de la Sée, en face du Châtellier. Des souterrains se dirigeaient, dit-on , de cette forteresse vers ce camp en passant sous la rivière. La croyance à des trésors cachés dans ses ruines est encore forte et répandue. Malgré son importance matérielle, ce château n'a pas laissé d'histoire : il était du domaine royal, d'après la charte précédente, et dépendait de la vicomté d'Avranches; la tradition seule conserve le souvenir de sa destruction et l'attribue à Louis XI, probablement pour un acte de félonie, car elle ajoute que les arbres du seigneur furent tous décapités. Toutefois le Val-de-Sée est souvent cité dans les Rôles de l'Echiquier: « Mainfredus de Faite Seie debet x. so. pro simili.» — Godefroi Duredent, prévôt d'Avranches, « Debet de hominibus de Valle Seie vi. li. pro defectu recognitionum, » — Osmundus du Valle Seie. —

 

Les moulins de Tirepied furent donnés, au commencement du XIIIeme siècle, au chapitre d'Avranches par Foulques Paynel, celui-là même qui soutint un siége dans son château de la Haye contre les troupes de saint Louis'. — Voici la charte de donation:

 

« Carta Fulconis Paganelli super donationem unius quarterii frumentiin molendinode Tyrepie. Universis Fulco Paganellus salutem in Domino: noverit universitas vestra me pro amore Dei dedisse Roberto de Aquila decano et Capitulo Abrincensi unum quarterium fru menti in molendinis de Tirepie annuatim reddendum in festo Sancti Michaelis per manummeam aut per mamim servientis mei illius loci. Itaque quamdiu ego aut heredes mei prestita molendina possideremus predictus decanus predictumque Capitidum amplius quam predictum quarterium in predictis molendinis non petet. Quod si possessionem aut dominium dictorum molendinorum ad heredes Henrici de Sancto Petro defunctiaut ad ipsorum alium exceptis me et heredibus meis pervenire contigit, decanus et capùulumjus quodpriusha.bebant in eisdem molendinis erga illos persequi poterunt, ita erga me aut heredes meos ex tune ratione donationis predicte nichil poterunt reclamare. »

 

Quand, au XVIIeme siècle, l'archidiacre Bragelongne visita l'église de Tirepied , il y trouva huit prêtres outre le chapelain de Crux. Cette paroisse était le centre d'un doyenné dont le doyen était alors René Le Prieur, curé de la Gohannière, un des trois fondateurs du séminaire d'Avranches. Dans l'Impôt royal de 1522, Tirepied avait payé 19 liv.

 

Tirepied renferme encore les restes d'un château dont les seigneurs furent célèbres et les dépendances considérables, le château de Crux. Les seigneurs de Crux sont souvent signalés dans les chartes et la commune est couverte de ses dépendances, Crux, le Ilaut-Crux, leBas-Crux, la Barrière-Crux, la Vesserie-de-Crux. La forme moderne de ce nom ne répond pas à l'orthographe des manuscrits, comme on le verra plus loin.

 

L'habitation seigneuriale est une maison du siècle dernier dans laquelle on voit des vestiges d'une construction antérieure, par exemple les pierres des angles et probablement les deux corbeaux qui transpercent le mur et montrent à l'extérieur deux têtes sculptées en forme de modillons. Par derrière , à l'angle du pavillon , dit Pavillon à la Demoiselle, et du corps principal, s'élevait une tourelle dont la base , qui existe encore, est la partie la plus ancienne de la maison. On remarque trois portes cintrées, dont une a quelque intérêt par sa force et sa chambranle arrondie chapitée. Le logis de Crux n'est pas sur un terrain élevé : on ne voit pas de traces de fossés, mais le sol a été considérablement baissé du côté de la basse-cour où l'on voit un colombier et des cintres rustiques du XVIeme ou duXVIIeme siècle. Il existe une tradition locale qui donnerait une haute idée de la puissance des seigneurs de Crux, c'est qu'ils avaient le droit d'entrer à cheval dans l'église de Tirepied pour y entendre la messe.

 

Mais ce qu'il y a de plus vieux, ce sont quelques parties de la chapelle : on y remarque une jolie piscine du xnr ou du xive siècle, sous laquelle on voit une statuette décapitée, d'un caractère gothique. Deux modillons intérieurs sont plus anciens et probablement rapportés. Leur caractère roman en ferait des témoins de la chapelle primitive dont un historien a fixé l'origine au xe siècle3. Ce sont deux têtes grimaçantes dont une porte des oreilles'. La porte*st un cintre décapité. Les deux fenêtres n'ont rien d'intéressant.

 

Lors de la visite de l'archidiacre Bragelongne, au commencement du XVIIeme siècle, maître Bertrand Badier était accolyte titulaire de la chapelle de Motrc-Dame-de-Crux.

 

Nous lisons dans un Registre de l'Évêché :

 

« Capella seu capellania Sanctœ Mariœ de Crux ad prœsentationem

nobilis viri Sancti Pétri de St Denys. »

 

Cette chapelle est citée dans la Statistique de M. Foucault faite en 1698, avec un revenu de 100 liv.4 On montre encore une construction, qui tient de la ferme et de la maison5, qu'on appelle le Presbytère, et qui servait de logement au chapelain du logis.

 

D'après Dumoulin, Renaud de Crues fut un des seigneurs qui accompagnèrent le duc Robert à la Croisade. D'après Duchesne, Renaud de Crus était au nombre des chevaliers bannerets du XIIeme siècle. Il est bien probable qu'il s'agit du même personnage. A la fin de ce siècle est mentionné Cruces au nombre des châteaux que prit Geoffroi d'Anjou; mais il paraît, d'après M. de Gerville, que c'est une altération de Cérences8. Au milieu du xra* siècle existaient un Richard de Crux , et un Robert de Crux , de Crudis, mentionnés dans sept chartes insérées dans le Cartulaire de l'Évêché. A la montre qui se tint à Pontorson en 1371 figura Hervé de Crux. Dans les comptes de Jean Flamant , trésorier des guerres, figurent au XIVeme siècle Robert de Crux et deux Jean de Crux. Au XVeme siècle , à l'époque de l'occupation anglaise, les biens de Henri de Crux, chevalier, furent donnés à Thomas Bonnet, et le roi d'Angleterre manda au bailli du Cotentin de le laisser jouir,l'hommage ayant été fait le 3 mai 1419, l'an va du règne. En 1535, F. de Crux, sr de la Huberdière en Ponts, souscrivit à l'Aveu des biens de l'Évêché. En 1614, Gédéon de Crux, seigneur d'Audillon , abjura le calvinisme dans la chapelle épiscopale, en présence de Robert de Crux, seigneur de Crux, et de Pierre de Mathen, seigneur de Pierreville.

 

« Carta ex concessione decqni et Capituli Abrincensis Ricardo de Crudis.

 

» Decanus et Capitulas salutem in Domino notion facimus quod nos concedimus et volumus quod si non poterimus garantizare Ricardo de Crudis nutricio* Roberti de Crudis clerici et suis heredibus illud quod feodaliter tradidimus in parochia de Brafais. Donum sexaginta sol. tur. annui redditus quod predictus Robertus fecit nobis ipsi Ricardo suisque heredibus dimittemus pacifiee solutis prius nobis xxv lib. tur. ab eisdem nec aliud excambium a nobis exigere poterit aut habere. Datum anno Domini M. ce. L vw. »

 

« Carta ex promissione Rob. de Crudis Capitulo Abrincensi.

 

» Robertus de Crudis rector ecclesiœ de Tirepie prO media porcione promisit Decano et Capitulo Abrincensi et obligavit eisdem se procuraturum inspecturis litteras Roberti de Molta militibus habentis dominium in molendino de Brafais ad bladum pro toto aut pro parte ut dicitur continenter quod -dictus miles ratum habebit... Si continget quod rector dictus Decano et Capitulo Abrinc. non tradet Hueras dicti militis ut dictum est aut equivaknter securitatem non prestaret tencrctur persolvere xx lib. tur. infra octavam Nativitatis... Hœc procuranda fideliter et implenda ab codem p'omisit coratn nobis fide ab eo prœstita corporali ann. eodem. »

 

Plusieurs localités de Tirepied ont des noms intéressans et apportent leur contingent dans le trésor de mots que les archéologues recueillent ou pour expliquer le passé ou pour enrichir l'avenir: Cherruey, rappelle le carruca et le carrucata des Chartes et du Domesday, il rappelle le Cherrueix de Bretagne, et le Charruel de Sacey, castrum quod vocatur Carrucas. Le Buse ou le Bois est la vraie souche debosquet, de bocage, de s'embusquer; la Houlerie s'unit à la Houle de Granville et à celle du Val-d'Oir pour rappeler le hole saxon. Les Surdentss, ou les eaux jaillissantes, sont un enfant légitime du verbe sourdre ; la Ferrée localise la voie romaine d'Avranches îr Vire ; après son Château et son Logis, Tirepied à son Mes, le Mès-Leudri; il a son village du Bouet ou la Douctée: ses coteaux du nord sont appelés les Champs-Monts, le Hauts-Monts, et sa vallée méridionale et bourbeuse, le BasLimon; il a son fief royal dans la Reaute

 
     
   
  TIREPIED
  CC 32.14 VAL DE SEE
   
  EGLISE NOTRE-DAME
         
 
 
 
 
 

Abbé LECANU,

Histoire du diocèse de Coutances et d’Avranches

Coutances 1878

L'église de Tirepied


Le patronage de l’église appartenait à Notre-Dame-de-Cléry. L’église est sous le vocable de Notre-Dame. L'église du XVIIe siècle, abritant une Vierge à l'Enfant, est classée.

 
 
         
 

L’évêque d’Avranches, Jean Boucart, obtint de Louis XI, en 1452, le personnat de la chapelle royale du château et forteresse du Val-de-Sée, pour fonder une psallette à la cathédrale en faveur de cinq enfants de chœur. Le titulaire de la chapelle s’appelait Jean Basset. On appelait personnat la mise en commande d’un bénéfice, avec attribution des revenus au commandataire, sous condition de faire desservir par un ecclésiastique rétribué à cet effet. Les enfants admis dans une psallette y recevaient l’entretien et l’instruction jusque et y compris la langue latine.

 

La forteresse du Val-de-sée était tombée entre les mains du roi par confiscation après la réduction de la Normandie, et ainsi la présentation appartenait au roi. C’est donc ce droit de présentation auquel il renonça en faveur de l’évêque. Louis XI fit démanteler le château.

 

Outre cette chapelle dont il ne reste plus de traces, il y eut au manoir seigneurial celle deparoisse, et qui était estimée à huit cent livres

 

Quelques clochers de la Manche

 
 

de revenus en 1752 ; c’était alors un prêtre de Saint-Notre-Dame-de-Crux, à la présentation du seigneur, qui avait les deux tiers de toutes les dîmes de la Lazare qui en était titulaire. La chapelle de Crux est un édifice d’architecture romane. La chapelle Notre-Dame de Crux, détruite en 1974, servit de lieu de culte pendant la Révolution.

 

Siège du prieuré de Saut-Besnon relevant de Sainte-Croix de Saint-Lô (à Sainte-Eugienne)

 
     
   
  TIREPIED - SAINTE-EUGIENNE
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  HISTOIRE
         
 

Tirepied Église Sainte-Eugienne.Ikmo-ned — Travail personnel

 
     
 

En 1972, Tirepied (668 habitants en 1968) absorbe Sainte-Eugienne (62 habitants)


Avranchin monumental et historique

Par Édouard Le Héricher 1865

 

Stu/icr fortes processif in aclus.

 (Aviis, Poem. de Virgin.)

 

Un plateau et le flanc d'une vallée , une disposition en un croissant: telle est la topographie de celte petite commune , dont le terrain est très-accidenté, et dont le plus joli site est le vallon de Saut-Besnon au pied de la bruyère des Chàtcaux-Turbolins.

 

Le nom de sainte Eugienne est l'altération du nom de sainte Eugénie dont on célèbre la fête le 25 décembre.

 

La vie de sainte Eugénie, vierge martyrisée à Rome, qui vivait aux IIIeme et IVeme siècles, transmise en grande partie par Avius dans son poème, est généralement fabuleuse, selon Baillet :

 

« Suivant ces fictions, dit-il, Eugénie nous est représentée comme fille de Philippes envoyé de Rome par l'empereur Commode pour être préfet d'Egypte, élevée dans les sciences des Grecs et des Romains, surtout dans la philosophie, savante, vertueuse, bel esprit, bien faite de corps, recherchée dès-lors, mais en vain, par des consuls et d'autres grands partis de la ville et de l'Empire, convertie depuis par la lecture des Épîtres de saint Paul, retirée et travestie dans un monastère d'hommes, devenue abbé et père de religieux, comme parle saint Avit:

 

Mulier fortes processif in aelus,

Cùm stipante ehoro sanciorum ficret abbas,

Atqut patrem comptons celaret tegmine matrem.

 

persécutée en Égypte, retournée à Rome, et couronnée par le martyre

sous les empereurs Valérien et Gallien. »

 

L'idéal du Moyen-Age fut la virginité : la beauté de l'âme ne s'associait qu'avec la pureté absolue du corps : aussi la Vierge eut-elle un culte général. Cette réflexion nous est suggérée par la vie de la patronne de cette paroisse et est confirmée par une poésie qui a quelques rapports avec notre sujet. Il s'agit d'une femme qui réalisa en partie cet idéal, et vécut vers le même temps que sainte Eugénie, et d'une poésie de notre pays, recueillie dans le Mont Saint-Michel par un prieur du xive siècle.

 

De sainte Gale qui ne se voult remarier Ou il est demonstre que l'on doit plus penser de la beaute de lame que du corps laquelle fait enorguillir soy priser et le corps folement desirer:

   

De hault lignage riche et belle

Gale fut par son nom nommée

Qui attourna cuer et pensée

A Dieu des son petit aage

 

A un Romain de grant lignage

Fut mariée en sa joueice

Mes pou «n dura la liesce


De son mari veuve devint

Et « son hostel sen revint

Triste plorcuse el adoule

 

Labit du secle delessa

Et au joug si son col plcssa

A St Père o les bonnes danica

Qui pour faire belles lours aines

Les corps forment enlaidissoicnt

Quai en abstinence vivoient

 

Or donc avoit en usage

Que près du lit ou el jesoit

Deux chandelles qui y ardoicnt

Quar ténèbres mal li faisoient

Une nuit gesoit moult grevée

Si vit entre les 11 lumières

Devant son lit saint Pierre ester

Que cognut bien sari arrêter

 

Comme sage et dévote ancelle

Quest ce meschir seigneur dist elle

Me sunt mes péchez pardonnez

 

Saint Père amioablement

le dist vienlen o moi en gloire

De tes péchez bien le peuz croire

E Jésus Christ plain pardon toctroye

Quo moi vienge seur beaccte

Cestoit une seur moult descrete

Sur toutes les autres lamoit

Et a saint Pierre reclamoit

Quel venist en sa compagnie

 

Et celle de quoi tu me proies

Vendra es pardurables joies

Dedens xxx jors vreaiment

Apres ces mots isnellement

La vision sesvanoit.

 

L'église de Sainte-Eugienne est une croix mutilée par le retranchement du bras méridional : elle porte l'empreinte de trois époques. Sur sa face méridionale est une porte romane, bouchée, dont le cintre ne présente plus que la nervure la plus saillante : il s'appuie sur deux chapiteaux ornés de formes végétales, les colonnes ne se voient plus, la porte s'enfonce au-dessous du sol et atteste l'exhaussement que l'on constate dans les anciens cimetières. L'époque gothique est représentée par le transept du nord, dont la belle fenêtre associe les formes arrondies du slyle décoré avec les angles du style prismatique, et indique la transition de l'un à l'autre, c'est-à-dire le xiv e siècle. La fenêtre du chevet, simple, mais remarquablement élancée, est du xve siècle d'après son meneau bifurquéprismatique. La grande fenêtre divisée en deux meneaux trilobés, à colonnettes rondes engagées, portant un quinte-feuille angulaire , présente une particularité : le cordon arrondi qui encadre le plus intérieurement ses lobes et sa rose, et qui correspond aux colonnettes, ne descend pas jusqu'au bas de la fenêtre et s'encorbelle en cul-de-lampe à la hauteur des chapiteaux de ces colonnettes. Les parties modernes sont : le chœur réparé en 1663, la nef et la façade occidentale. Une tourelle carrée imbriquée de bois tronque l'angle aigu de cette façade. La nef est insignifiante. L'intérieur de cette église est très-pauvre, et c'est probablement à sa pauvreté qu'est due la conservation d'un bel autel en pierre placé dans la chapelle du xive siècle, chapelle dont la nudité transporte sans contraste dans le passé. C'est une large table de granit appuyée sur deux colonncttes basées et chapitées, et au milieu sur un bloc de maçonnerie cunéiforme, dont la pointe est tournée vers le célébrant et d'un effet très-disgracieux. Dans cette chapelle était un basrelief réformé par l'évêque '. Il représente le martyre de sainte Apolline : deux bourreaux entourent la sainte ; l'un exprime la raillerie et l'outrage, l'autre lui enfonce des tenailles dans la bouche. Il est peint et pourrait bien se rapporter à l'époque de la construction du transept. Un bel et vieux tableau, représentant la Madelaine au tombeau, a été donné récemment à cette église.

 

En 1648, cette église rendait 300 liv. selon le Pouillédu Diocèse.

 

En 1698 la cure valait 400 liv. : la paroisse payait 177 liv. de taille et renfermait 44 taillables.

 

La cure de l'église de Sainte-Eugienne était à la présentation du chapitre de Cléri. Dans l'impôt de 1522, elle paya 48 liv. 9 d.

 

En face de l'église, à peu de distance, est une maison ancienne qui fut probablement le Prieuré de Saut-Besnon. Sa face méridionale offre deux objets intéressans : sa porte cintrée, et surtout une fenêtre ogivale, étroite, trilobée, traversée a son milieu par une barre qui en fait une croisée.

 

Au bas de la lande des Châteaux-Turbotins, au bord de verdoyantes prairies , appelées les Prés-du-Pricuré, en face d'un colombier en ruines , est une chapelle délabrée qu'on appelle la Chapelle-du-Prieuré. Elle n'est pas ancienne et elle est percée de deux baies ogivales. Le bloc de l'autel existe encore, avec quelques statues de bois pourries par l'humidité du lieu. Les ronces pendantes comme des Dis,-à travers les crevasses du toit, et un lierre vigoureux embrassant le chevet, en arrêtent la chute.

 

« Le Prieuré de Saut-Bcsnon, dit le docteur Cousin, dépend de l'abbaye de Saint-Lo.

Elle possède à cause de ce Prieuré une terre de douze pistolesde revenu annuel laquelle terre est exempte de toute dîme. La chapelle du prieur de Saut-Besnon est sur la paroisse de Sainte-Eugienne. Ou dit qu'outre la terre dont on vient de parler, l'abbaye de SaintLo possède des biens considérables dépendant du Prieuré de Saut-Besnon ou de Saut-Bernon. »

 

Dans l'impôt de 1522, le Prieuré de Saut-Besnon paya 3 liv. sur la déclaration du trésorier de Saint-Lo.

 

Robert Cenalis en donne l'étymologie par sa propre latinité:

 

« Est et alius novissimus prioratus à Saltu Bernonis passim dictus Saultbernon,

qui etiam paret cœnobio Augustinianœ familiœ apud Divum Laudum s. »

 

En 1648, d'après le Pouillé du Diocèse, le Prieuré de S. Servan (sic) de Besnon rendait 1,000 liv.

 

En 1698, époque à laquelle M. Foucault publia sa Statis tique, le Prieuré de Saut-Besnon valait 100 liv. de revenu