LES LOGES SUR BRECEY
  CC 32.09 DU VAL DE SEE
   
  HISTOIRE
         
 

Les Loges-sur-Brécey Xfigpower — Travail personnel

 
         
 

Avranchin monumental et historique

Par Édouard Le Héricher 1865

 

Eu 1809, lors d'une forte marée, deux écoliers, Pierre Hus, mort vicaire aux Ioges-sur-Brecey, et l'auteur de ces rimes, s'amusaient à se faire battre les talons par la barre ou premier flot de la mer, au-devant de laquelle ils étaient allés près d'une demi-lieue au-dessous de la Bicqueterie, se trouvèrent, en arrivant à ce village , cernés par la mer. Le jeune Hus, qui savait à peine faire quelques brasses, allait se noyer. Son camarade fut assez heureux pour le sauver.

 (N. d'une Lèg. en vers in., par M. B.J

 

La commune des Loges-sur-Brecey offre la figure d'un triangle coupé en deux triangles par le ruisseau des Lardières qui est une des branches de la rivière de Bieu. Le ruisseau la Pisse la limite à l'ouest, celui du Bois-Gateblé à l'est. Une ligne idéale la sépare de Saint-Martin-le-Bouillant et de l'arrondissement de Mortain. L'église et le village des Loges sont posés sur une montagne, dans un pays boisé et désert, d'un aspect sauvage. Le ravin sous la montagne de l'église est remarquable par sa profondeur ténébreuse. — Angusti fauces aditusque matigni. —

 

Cette humble commune, à part son site montagneux et boisé, n'a rien qui appelle les regards, ou qui éveille des souvenirs.

 

Les Loges-sur-Brecey sont appelées Casa Bresseyanœ par Robert Cenalis, et Casœ suprà Breceium, dans la Nomenclature de 1735. Ce nom de Loges signifie habitation seigneuriale et s'est conservé dans le nom actuel de Logis. On trouve encore dans l'Avranchin les Loges-Marchis. Il y a une trentaine de localités de ce nom en France, la plupart en Normandie.

 

Ce qu'il y a de plus intéressant dans son église, après son site dans les montagnes et son isolement derrière les bois, est son portail. Son porche présente à sa voûte de belles nervures prismatiques, une ogive obtuse extérieure aux bords canaliculés, deux beaux contreforts à ses angles. La tour a été refaite, la zône inférieure se rapporte à l'époque du porche, c'est-à-dire au ;me siècle. L'édifice considéré dans sa disposition générale affecte la forme d'une croix grecque. Le chœur n'a pasdefenêlre orientale, contrairement à l'usage presque universel. Des deux transepts, celui qui est formé par la tour présente une chapelle en harmonie avec le porche: c'est une partie en style prismatique. Les murs sont peints de croix de Jérusalem et de foliations diverses. On remarque une pierre tombale à inscription gothique, une ancienne boiserie, un baptistère à deux piscines, l'une ronde, l'autre carrée, dont le couvercle peint offre les fleurs du xvni'siècle. Toutes les fenêtres sont carrées et appartiennent au siècle dernier. Il y a dans le cimetière une croix hexagone et des débris d'une autre semblable.

 

La cure de Saint-Pierre-des-Loges-sur-Brecey appartenait au duc d'Orléans, le seigneur.

 

Dans l'impôt royal de 1522, la cure des Loges paya 3 Iiv. et le trésor 17 sous.

 

Un Mss. sur la Tenue des Synodes diocésains, sous François Péricard (1596, 97—98) mentionne cette paroisse sous le nom de Sanctus Petrus de Logis super Breceyum.

 

En 1628, à l'époque où fut imprimé le Pouillé de tons les évêchés dépendant du siége archiépiscopal de Rouen, l'église des Loges-sur-Brecey , qui avait pour patron le seigneur du lieu, rendait un revenu de 400 liv.

 

En 1764, cette paroisse, qui appartenait à l'élection de Mortain et à la sergenterie de Roussel, comptait 98 feux». Une localité de cette commune porte un nom qui rappelle celui d'un savant mathématicien qui naquit aux environs: c'est le Bois-Gâtebled, contigu à la commune de Saint-Martinle-Bouillant. Christophe Gadbled naquit en cette dernière commune, selon M. Pluquet, ou comme nous inclinons à le croire, aux Loges, au Bois-Gâtebled, en 1734. Il fut professeur de mathématiques et d'hydrographie dans l'université de Caen. Il releva l'étude de l'analyse tombée depuis Varignon. Il forma des élèves distingués, au premier rang desquels brille La Place. Gadbled mourut à Caen le 11 octobre 17824. Il a laissé quelques manuscrits et est l'auteur des deux ouvrages suivans: 1° Exposé de quelques-unes des vérités rigoureusement démontrées par les géomètres et rejetées par l'auteur du Compendium physique, imprimé à Caen, 1775 ; Amsterdam (Caen) 1779, in-8°; 2° Exercice sur la Théorie de la Navigation, 1779.

 

L'étude d'une petite commune perdue dans les bois, loin des villes, est bientôt faite ; mais son nom appelle et autorise une digression sur les noms locaux qui renferment l'idée d'habitation.

 

En première ligne se présente le Château ou Châtel, dérivé du simple campement ou Châtellier. Nous comptons une dizaine de Châtelliers dans l'arrondissement, et autant de Châtels. Ils se trouvent sous d'autres formes: les Châtelets en Saint-Laurent-de-Terregatte, le village Castrcl dans la Luzerne. Au-dessous du château se placent le Manoir, ensuite son diminutif le Mesnil, dont la forme abrégée le Més se trouve partout dans l'Avranchin et souvent dans les chartes. Robert Cenalis a bien reconnu cette distinction: « Major mansus Manerinm dkitur, angustum verà Mesnilum '. » Nous ne localiserons pas ces expressions : elles sont trop communes, et il n'y a guère de commune qui n'ait son manoir, ses mesnils et ses més. Nous ne citerons que la forme Mesnie, qui est appliquée à un village de la Haye-Pesnel, et qui se trouve dans la langue romane.

 

Le Logis indique encore une espèce de manoir. l'Hôtel a la même signification : il est très-commun dans le canton de Villedieu. L'Hebergement, Vhebergamentum des chartes n'est pas rare. La Loge, la Logerie, la Mazure, la Mazurie, le Mazurage, les Mazurics, la Mazère, dérivés de Mansura, indiquent toutes une habitation seigneuriale.

 

Le Ham est un mot saxon qui signifie aussi habitation et par suite village : aussi le Ham est-il très-commun : nous le trouvons sous sa forme pure et primitive en Vessey et en Brecey, sous la forme de Hamelets a Champeaux, diminutif de sa forme française Hamel: ce mot a donné Hamelin, d'où la Hamelinaie; de là encore la Hamelotière, en Vessey.

 

Les Moitiers signifient une terre louée par moitié, d'où Métairie, pour Moitérie.

 

Les Tôt ne sont pas très-communs, cependant nous avons en Saint - Planchers Prestot et Catertot. Nous n'avons pas de Hal. Le Hou ou House ne se retrouve guère que dans la Boullouse ou maison de Bollon. Les villes sont rares dans l'arrondissement et communes dans le reste de la Normandie.

 

La Reauté signifie, en roman, terre royale. Il y a plusieurs Réautés: il y a celle de la Rochelle et celle de Tirepied.

 

La Vesquerie, signifie terre de l'évêque ou Vesque en roman : il y a celle de la Rochelle, et la Petite-Vesquerie dans les Chambres. Il y a l'Archevequerie en Fleury. On ne manque pas non plus de Moineries, de Nonneries, de Clergeries.

 

Le Lieu, comme le Lieu-Beauscnt en Mesnil-Drey, s'emploie quelquefois avec un nom d'homme.

 

La Salle, comme la Salle en Argouges, et la Basse-Salle en Mont-Joie, est synonyme d'habitation.

 

La Fertè, lieu fortifié0, se trouve en la Trinité.

 

La Cour est un mot encore usité pour signifier la ferme d'un manoir. Il nous semble dérivé des Corte et Cortis, dont une des plus anciennes mentions est dans l'acte de mariage d'Adèle avec le duc Richard, inséré dans le Spicilege d'Acheri.

 

Les Hebergements, déjà cités, sont assez communs dans le territoire de l'ancienne baronnied'Ardevon. Nous trouvons dans le Livre Terrier du Mont Saint-Michel: l'Hebergement Sirois, l'Hébergement Godard, l'Hebergement Bevel, —Hebergamentum de Plumbo. —

 

La commune des Loges est contiguë à celle de Saint-Martinle-Bouillant, dans le nom de laquelle Robert Cenalis a vu l'idée de Bouleau — Sanctus Martinus Betulaceus. —Or, on sait que ce mot signifie Saiut-Martin-le-Chaud ou Saint-Martind'Été. Aussi Froissard dit, en parlant de la rencontre des Français et des Anglais entre Montebourg et Cherbourg: « Cette deconfiture fut entre Montebourg et Cherbourg le jour Saint-Martin-le-Bouillant, l'an 1379. » (Le 4 juillet.)