LE GRAND-CELLAND
  CC 32.06 DU VAL DE SEE
   
  HISTOIRE
         
 

CPA collection LPM 1900

 
     
 

Avranchin monumental et historique

Par Édouard Le Héricher 1865

 

Selanit. — Land tur Sée,

Rie. Silvanus r. cp. de Pelra de Setlanf.

  ( Hutul. de Scaccario. — Pro BalliS de Moretonio. .in. iigS.)

Cum cpitcopui Abrincemis vendcret tosciim suum de Sellant,

 (Olini du Parlement. 1171.)

Phnnum Sti MeJarJi in talel/rls, gattlct de Cellant.

 (RoB. CiniLis, Hierarch. Nctistriw.)

 

Le Grand-Cclland, limité au sud par la grande roule de Mortain, qui marque la ligne des plateaux intermédiaires entre les deux grands bassins de l'arrondissement, s'étend sur le flanc de celui de la Sée, vers laquelle afllucut ses trois ou quatre vallées profondes et rocailleuses. Sa forme générale est un carré , dessiné partout par des lignes artilicicllos , excepté du côté de l'ouest. Le bois de la Sourdière couvre le sommet et les flancs d'un de ses plateaux. De la Butte-Julien on jouit d'une vue très-étendue et très-variée. Le paysage tire un caractère particulier des sapins dispersés dans la campagne et généralement plantés auprès des habitations.

 

Fanum Sancti Mcdardi Cellantiensis, vel Cellanticum majus. Quand on traverse les vallons et les coteaux boisés— juga nemorosa — dans lesquels s'abritent et se cachent les habitations des deux communes de Celland, on se rend a la poésie, sinon a la vérité de l'étymologie que donne de leur nom Robert Cenalis : « Fanum Sancti Mcdardi in latebris, gallicè de Celland , nam locus ille, cian sit eminens, bb sylvescentes arbores latebrosus est, idebque appellatur de Celland » « Sunt tamen qui aliter vocant Seriant, superquo cum nemine contendere velim. » Nous avouons n'avoir vu qu'une fois l'expression de Seriant: c'est dans le Rôle de l'Echiquier de 1195, où nous trouvons, à l'article de Richard Silvain , in balliâ de Moretonio, l'expression de Seriant et de versus les Serlandeis '. Les Ollm du Parlement écrivent Sellant et Cellant1, le Livre Vert orthographie Cellant. L'étymologie la plus probable est tiréede la topographie du lieu: situées sur le versant du bassin de la Sée, les deux communes du Celland justifient parfaitement l'étymologie de Terre sur la rivière, land, terre, et Sée, rivière. Aussi l'avons-nous latinisée ailleurs Landa super Seiam

 
   
 

Le Grand-Celland L'église Saint-Médard.Ikmo-ned — Travail personnel

 
 
 
 

L'église du Grand-Celland est généralement moderne et dénuée d'intérêt monumental. Elle est du siècle dernier : le chœur date de 1732. De rares vestiges attestent une construction antérieure : c'est un pan de mur avec quelques briques dans la côtière méridionale de la nef, la croix du cimetière, une statue de sainte Barbe, des tombes, l'une de 1513, l'autre de 1558, et deux bénitiers. La croix du cimetière est un croisillon sculpté, à son centre, d'un côté d'un Christ, de l'autre de la Vierge, et légèrement tripartie à ses extrémités. Elle est portée sur un long fût monolithique à angles abattus, ayant, au lieu des nœuds, de petits culs-de-lampe ou encorbellemens. Le dé est carré à la base, ayant à ses quatre angles deux têtes humaines, une fleur de lis et une coquille. C'est une croix du XVeme siècle. La statue de sainte Barbe , en tufleau, n'est point remarquable en elle-même, mais sa tour est une jolie miniature d'une forteresse du XXeme siècle. L'église ne représente pas bien la croix latine, les transepts étant presque au centre. La tour carrée, à toit conique, est à la face occidentale et forme porche. Les transepts sont larges et ont à leurs flancs une fenêtre carrée, rayée d'une accolade. Toutes les autres fenêtres , excepté une, sont en anse de panier. Le chœur est pentagonal. Le portique grec du grand autel encadre un tableau médiocre imité de la Descente de Croix do Rubens. Le devant d'autel est du xviti" siècle; c'est sa végétation fantastique, brillante et arrondie en volutes épanouies.

 

En 1648, cette église rendait 400 liv. et son patron était le seigneur du lieu.

 

En 1764, le Grand-Celland était dans l'élection de Mortain etle Petit-Celland dans celle d'Avranches : partie de la sergenterie de Roussel, il comptait 201 feux.

 

Près de l'église est une croix basse appelée la Croix-Perrée. Elle a été faite en 1698 , et n'a rien de remarquable, mais elle a recouvert un trésor. Il y a environ quarante ans la croix fut renversée , son petit dé arraché : une excavation avait été faite et le trésor avait été levé. Plus loin , sur la route de la Guerinière est la croix du bois de la Geraudière.

 

La terre de la Guerinière présente des constructions remarquables et d'un intérêt historique, un prêche et un corps d'habitation du xvr siècle, qui appartenaient à la famille Tesson. Le prêche est un vaste vaisseau, sans contrefort, ressemblant beaucoup aux granges décimales du pays. Seulement, outre sa grande porte, il présente deux petites portes cintrées qui étaient réservées au ministre. La maison présente trois cintres d'une grande pureté, une porte , une portelette, une fenêtre: une lucarne est carrée et grillée. Dans le plant de cette habitation on voit trois pierres disposées en triangle, dont deux semblent être les fragmens d'un même bloc. Rapprochées , comme elles ont dû l'être, elles formeraient une espèce de table enterrée. Cette disposition symétrique ne doit pas être l'effet du hasard. Une autre pierre plus remarquable se voit dans le pré contigu , sur un petit coteau. Elle a toute l'apparence d'un menhir. C'est une pierre levée de forme générale triangulaire, libre à sa base, autant que nous avons pu sonder, et dont le sommet revêtu de lierre semble de loin couronné de guirlandes. Cette roche surplombe d'un côté, et elle a été étayée en-dessous par des blocs: ce qui confirme son déracinement. Elle a deux mètres et demi dans sa plus grande hauteur, et deux mètres dans sa plus grande largeur. Ce monolithe pyramidal a dû être élevé par la main humaine. Son caractère, sa position, son voisinage du camp du Châtellier, et peut être aussi d'une voie romaine, sont de fortes présomptions en faveur d'une origine druidique. Le menhir et le dolmen de la Guerinière peuvent peut-être s'ajouter aux monumens celtiques du pays.

 

Cette commune a une foire qui existe de temps immémorial, et se tient le 22 septembre.

 

Une des mentions les plus anciennes que nous connaissions du Celland est celle des Rôles de l'Echiquier pour la fin du x»e siècle: « Rie. Silvanus r. cp. de Petro de Sellant '. » Ce Richard Silvain, bailli de Mortain, descendait de Richard Silvain qui fut tué à Saint-Pair ou à Saint-Poix et qui donna son surnom à ce dernier lieu2 ; on y trouve ce nom sous la forme de Seriant, souvent dans ces Registres, et de là vient sans doute l'expression de versus le Serlandcis, dans le bailliage de Mortain3. Le Petit-Celland est plus souvent cité dans les Chartes, comme appartenant à l'évêque d'Avranches.

 

A l'extrémité occidentale du Grand-Celland, à sa limite du côté de la Chapelle-Urée, sur le bord de la grande route est un village et un champ du nom de Long-Champ. Ce champ fut, en 1793, le théâtre d'un combat entre les chouans et les républicains , les premiers an uombre de 800, les autres au nombre de 1,000. Les républicains qui venaient de Ducey, étant entrés dans la maison de M. de La Broise, s'étaient emparés de lui, et, suivant l'usage de cette guerre d'extermination , l'avaient condamné à être fusillé dans la cour de son habitation. M. de La Broise demanda à être fusillé ailleurs. On le conduisit dans son pré qui est en face du Chêne-Robin, et que longe la grande route. En ce moment parurent les chouans qui, par une décharge, firent lâcher aux bleus leur prisonnier. Le combat, engagé en ce lieu, fut reporté, par l'arrivée des soldats des deux partis, dans le Long-Champ où eut lieu le fort de la mêlée. Les chouans furent vainqueurs. Environ cinquante cadavres furent enterrés dans le LongChamp. Les maisons du village portent encore la trace des balle.

 

Un bloc de granit curieux par lui-même et par sa légende, appelé la Pilièrc, situé entre les deux Celland, a donné son nom au village où il se trouve. Il est placé dans l'alignement d'une haie, entre un dé foui et un pré au bas duquel coule un ruisseau fondrier. Il est profondément enterré : on a creusé plus d'un mètre sans découvrir de solution de continuité. Il s'élève d'environ deux mètres au-dessus du sol : la pensée, en y joignant la partie souterraine et la partie inexplorée, peut se représenter une hauteur de plus de trois mètres. Au rez du sol, la pierre a environ deux mètres d'épaisseur, au sommet un mètre et demi. La forme générale est un cône très-obtus, un tumulus de pierre, et si l'on y voyait un caractère celtique, ce que nous n'osons affirmer, quelque chose d'intermédiaire entre le dolmen et le menhir. On remarque plusieurs entailles dans cette pierre, un trou dans lequel passe un hart de la barrière, des coches comme en font les carriers pour fendre les pierres, et une rigole irrégulière plus ancienne qui part du sommet du bloc pour ruisseler sur son flanc. La Pilière, qui a peut-être été moins enfouie autrefois qu'aujourd'hui, a dû frapper les imaginations par sa masse et son isolement. Elle a donné son nom au village, et a reçu une origine surnaturelle. Quand Satan bâtit le monastère du Mont Saint-Michel, il alla dans la forêt de Saint-Sever chercher les trois pierres fondamentales de l'édifice. Il les mit dans un bissac, les chargea sur ses épaules , et s'achemina vers les grèves. Quand il fut arrivé entre les deux Celland , le bissac se déchira et une des pierres tomba sur le sol où elle s'enfonça profondément. C'était la Pilière. Satan s'efforça de la reprendre, enfonça ses ongles dans le granit qui en porte encore l'empreinte, mais il ne put la relever. Il partit donc avec les deux autres dont il fit les pierres angulaires du monastère. Mais l'édifice n'a jamais été solide : s'il subsiste encore, c'est par une grâce toute céleste, car il chancelle souvent sur sa base,quand lèvent gronde et que le tonnerre mugit. En effet, il lui manque quelque chose, c'est la troisième pierre qui devait assurer son assiette. On a voulu adosser un four contre la plus large face de la Pilière, mais, comme on le comprend bien, le pain n'y a jamais été cuit. Pourquoi cela? Un paysan quelque peu philosophe disait que le refroidissement causé par la pierre produisait cet effet. Quelques noms topographiques éveillent des souvenirs: la Bruyère-au-Seigneur; l'Anglaicherie rappelle ironiquement l'occupation anglaise, les Costils indiquent un coteau, Beau Soleil un terrain découvert et élevé , le Châtel rappelle un camp romain , la Moinerie un fief d'abbaye. Beaucoup de îionis locaux sont tirés de diverses essences d'arbres.