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Cuves, CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||
Avranchin monumental et historique Par Édouard Le Héricher 1865
LA situation du bourg de Cuves au fond d'une vallée explique, selon les gens du lieu et Robert Cenalis, le nom de la commune: sans beaucoup de peine la métaphore pouvait caractériser plus exactement la localité; du moins la propreté locale ne permet pas de dire que ce soit une cuve où l'on fasse la lessive. La forme du terrain n'autorise pas cette étymologie. Cuves n'est point dans une vallée encaissée , arrondie , dans une houle : elle est sur le rebord peu élevé de la vallée de la Sée, en face des Cresnays, situés sur l'autre rive. Ce coteau présente trois vallons parallèles qui se déversent dans la vallée de la Sée : l'oriental est baigné par la Breberie, qui sépare la commune d'avec Brccey ; le central par la jolie et pure rivière de Glanon , torrent pittoresque sous la Haguc du Mont-Robert en Saint-Poix, et dont les bords sont semés de végétaux intéressans et rares; l'occidental par un ruisseau qui, dans sa course , s'appelle le ruisseau du Gué-Besnier, de la Croix-Fossé et de la Hastellerle. Enclave de l'arrondissement de Mortain ', et entourée par quatre de ses communes, Cuves figure un hexagone irrégulier, divisé en deux moitiés par le Glanon , et dont le grand côté est formé par la ligne tortueuse de la Sée. Le sol est schisteux, et près de la Ponterie, le schiste offre une disposition lamelliforme telle qu'on pourrait l'employer en ardoise. Cuves est appelé, dans la Nomenclature de 1735 , Fanum Sti Dyonisii de Cupis, Cupœ. Robert Cenalis, acceptant l'étymologie populaire, l'explique ainsi : « Le doyanney de Cuves.... sic dictus qaod tota loci figura hinc et indè prominentibus collibas cava sit et aquis irrigua magnâ sut parte ad modum vasit quod Cupam appellant. » On trouve le nom de Cuves, Cuvis, dans le Grand Rôle de l'Echiquier pour l'année 1198, comme on le voit dans nos épigraphes. Ce mot est quelquefois contracté en Cuis, comme il est écrit dans la liste des seigneurs qui défendirent le Mont Saint-Michel au xve siècle. Il y a dans le Domcsday plusieurs noms propres qui peuvent rendre raison de cette double forme. Il y a un de Cus, sous-tenant dans le comté de Suffolk après la Conquête. Trois possesseurs d'avant la Conquête portent un nom dont la contraction se résout à peu près dans le nom de Cuves : ils s'appellent Cudulfus et Cuulf. Il y a encore un Cudulfus dans le comté de Wilts. Cuver est un nom normand : il y a quatre Cuverville en Normandie. Cuve ou Cuver est le nom d'une localité du Dauphiné. Il y a un Cuves en Champagne et un en Dauphiné. La commune que nous étudions s'appelle quelquefois Cuves-sur-Sée.
Sur la route de Brecey à Cuves on trouve quelques plantes intéressantes, entre autres la Mauve musquée '. La Peplide Pourpier3 y est très-abondante. Sur les bords du Glanon , qui donne son nom à ua village de Caves, nous avons trouvé, mais en Saint-Poix, les Rossolis à feuilles rondes et à feuilles allongées3, VEpilobe tetragone *, les Scuiellaires 5, une variété du Lotier », le Jonc des marais 1J le Scirpe setacé. Le quartier de Cuves est reconnu comme très-fertile8.
L'église de Cuves est entièrement moderne. C'est un assez vaste vaisseau que domine une tour en bâtière, revêtue de grand appareil, accosté de deux transepts, avec un portail au côté septentrional de la nef. C'est en vain que l'archéologue cherche des traces de l'église antérieure : il ne trouve guère, pour consacrer le souvenir du passé, qu'une asser belle madone, en style Moyen-Age, et deux autres statues, l'une de saint Ortaire, et l'autre de sainte Anne ; mais la première vient d'une chapelle détruite située à l'endroit appelé Servon, dans laquelle se tinrent des Synodes et de célèbres retraites de Bonnes-Sœurs; les deux autres ont été tirées d'une chapelle particulière qui se trouvait au village du Champ-Doley. La destruction de ces deux oratoires nous permet de généraliser notre pensée et de dire que la chapelle a été l'élément le plus périssable du passé , et que , dans l'Avranchin , elles sont presque toutes détruites ou abolies. Il y a dans l'église quelques pierres tombales ; mais elles sont récentes. On n'y retrouve point celles des seigneurs de Cuves, les d'Auray, les Doisnel, à moins que l'on ne voie leur sépulture dans deux tables tumulaires qui sont sous la grille du chœur; mais elles sont muettes : entièrement piquées, elles rappellent la réaction démocratique de la Révolution. Le cimetière offre un genre de clôture propre aux enclos de ce pays de granit : c'est une enceinte formée de blocs allongés, plantés debout: les antiquaires de l'avenir la prendront peut-être pour un cercle de menhirs, un cromlech, ou un draconinm'.
L'église de Saint-Denis-de-Cuves avait pour patron le Chantre de Mortain, et rendait 300 liv. en 16482. Quand Robert, comte de Mortain , après la Conquête dans laquelle il avait eu la plus riche récompense, eut fondé la collégiale de Mortain, il y attacha la prébende de Cuves. En 1698, M. Foucault écrivait dans sa Statistique : « Cuves, autre bourg sur la rivière de Sée, contenant 229 familles et 1,300 âmes. René Douennel en est le seigneur, et le Chantre de Mortain présente au bénéfice. Tous les mardis de chaque semaine , il y a dans ce bourg un marché et une juridiction tenue par le vicomte et les officiers de Mortain3. » Cuves était le centre du doyenné de ce nom. En 1522, l'église du lieu paya 21 liv. dans l'impôt royal'. En 17ôft , cette paroisse , de la sergenterie de Roussel, comptait 214 feux2.
Cette commune a trois foires qui existent de temps immémorial.
Principale paroisse du doyenné de ce nom, situation assez intermédiaire entre Avranches et Mortain, les deux grands centres de diocèse, Cuves servit plus d'une fois à la réunion des Synodes, au moins à la fm du x vr siècle, quand la salle synodale de l'Évêché eut été ruinée par l'artillerie royale. Le Synode d'hiver de 1596 fut tenu dans le doyenné d'Avranches, — « in aulâ decanali propter ruinant aulœ Episcopatûs3. » Le Synode d'hiver de 1598 fut tenu à Cuves: « Synodushieinalis tenta fuit Cuppis per dominum Fortin, vicarium generaient. » Ce vicaire-général était un homme fort distingué: c'est le même qui est appelé par François Desrues, son contemporain: « homme des plus célèbres et des plus parfaicts de ce temps*. » Il dit ailleurs: « Et entre iceux chanoines y en a quatre qui sont comme les quatre lumières, sçavoir maistre Fortin, docteur en la Sorbonne de Paris, doyen et grand-vicaire du seigneur Evesque d'Avranches s. » Le Gallia Christiana le cite dans sa liste de Aliquot Decani Abrincenses, et le fait mourir à St-Laurent-de-CuvesB. Nous croyons que les Synodes et plus tard les Retraites des Bonnes-Sœurs se tenaient dans la chapelle de Servon. | ||||||||||||
Église Saint-Denis de Cuves CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||
Église Saint-Denis de Cuves Xfigpower — Travail personnel | ||||||||||||
Il y a eu à Cuves une habitation seigneuriale, probablement forte, d'après l'importance de la localité et d'après l'illustration de ses seigneurs. Elle était au bord de la rivière, sur un terrain peu élevé. Dans les derniers temps, elle s'appelait le Logis; mais elle a disparu, et son souvenir est conservé par la Ferme-du-Logis. Une localité s'appelle la Motte.
Le comte de Mortain paraît avoir été le seigneur de Cuves. Robert, le frère du Bâtard, donna cette paroisse à la collégiale qu'il fonda après la Conquête.
La plus ancienne mention que nous connaissions des seigneurs de Cuves se trouve dans l'Echiquier, à la date de 1198. On y trouve les noms de Fournel ou Fourneaux et de Robert de Cuves: « Forneals^de Cuvis x. so. pro vino Sr vend. — Rob. de Cuvis r. cp. de. c. so.' » Un Fourneus était à la Conquête2.
C'est peut-être ce même Robert qui, au commencement da xin° siècle, prêta serment de fidélité à Philippe-Auguste, qui venait de conquérir la Normandie. Duchesne cite Robert de Cuves dans le Registre des fiefs de Philippe-Auguste3.
En 1266, sous Saint-Louis, le bois de la Busardière, en Cuves, fut l'objet d'une contestation relatée dans les Ollm du Parlement de Paris, dans lesquels on lit: « Inquestâ factâ, de mandato Regis, per baillivum Constantiensem ad sciendum utrùm antecessori Johannis de Cupis vendiderat, tempore retroacto, nemus suum quod vocatur nemus de la Busardière Nihil inventum est per istam inquestam *. »
L'ancêtre de Jean de Cuves était probablement Robert de Cuves.
G. de Cuves ou de Cuës était un des défenseurs du Mont Saint-Michel au xve siècle. Ses armes sont de sable à deux barres d'argent, l'une avec trois angons de sable5.
Les d'Auray furent seigneurs de Cuves.
En 1698, René Douesnel était le seigneur de cette paroisse.
Les habitans de ce canton, c'est-à-dire ceux des environs de Brecey, Mortain, Juvigny , St-Poix, sont appelés Ventres pelés, « à cause de la grande abondance de cerises qui croissent dans cette contrée, et qu'ils cueillent en les mettant dans leurs chemises, tout autour d'eux, autant qu'il y en peut, ou à cause du grand nombre de tripes et de fraisures de bœufs et de vaches qu'ils mangent, et dont ils font un déjeûner délicieux tous les dimanches en buvant de l'eau-de-vie | ||||||||||||
Cuves, CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||