BRAFFAIS
  CC 32.03 DU VAL DE SEE
   
  HISTOIRE
         
 

Braffais CPA collection LPM 1900

 
   
 

Avranchin monumental et historique

Par Édouard Le Héricher 1865

 

Kogfrins de Brafct.

(Cartulairc du Mont Saint-Michel,XIIeme siècle.)

Brnfjays ager taccriosits

(KiEUi Cenalis.)

 

Cette commune affecte a peu près la disposition que les botanistes appellent Réniforme. Deux ruisseaux la limitent sur ses flancs, le ruisseau des Châteaux-Turbotins à l'ouest, celui de la Chaise à l'est. Divisée par le milieu parallèlement par le ruisseau de la Delinière, elle peut-être considérée comme formée de trois vallées et de deux plateaux. Les lignes du nord et du sud sont à peu près arbitrairement tracées.

 

Bradais, Brafitsium vel Brafœum. Une orthographe bizarre a sans doute altéré la forme primitive de ce nom qui devait rentrer dans la terminaison générale des noms de parois^e ey ou è. Braffais devait se dire Brafé ou Brafey, comme le nom presque semblable d'un quartier voisin d'Avranches, Baffe. M. Cousin a entrevu cette idée, et tout en obéissant à l'orthographe moderne en écrivant Braftesium, il a dit aussi Brafaum. Le Livre Vert, à une époque peu ancienne, écrit: « Parochia de Brafais. » Robert Cenalis écrit, selon l'orthographe du XVeme siècle, Braffays, et donne une étymologie puérile à ce mot clans lequel il trouve l'idée de bras: « Braffays, ager lacertosus, quasi dicas Brachiarins. » Nous croyons que ce mot devrait s'écrire Braffey, d'après l'analogie, et qu'il renferme probablement un nom d'homme. Du reste, ni ce mot ni ses analogues ne se trouvent dans le Domesday.

 

L'église de Braffais appartient presque en entier au siècle dernier: elle est bien de celte architecture sèche, rigide et régulière, qui respire plutôt le puritanisme que le catholicisme, et qui conviendrait mieux au prêche qu'à l'église. Le niur anguleux, la fenêtre en anse de panier, taillée à vive arête, la tour carrée, raide et massive, la maçonnerie sans l'architecture , le tailleur de pierre sans l'artiste, une bâtisse sans art et sans âme, voilà l'église rurale du xvnr siècle. Celle de Braffais reçoit la disposition cruciforme par l'accostement de sa tour, bâtie en 1714. Le chœur date de 1743. Il reste à l'extérieur quelques faibles vestiges de l'église primitive, des restes du pignon occidental et une fenestrelle trifoliée. Aussi est-ce encore un bonheur pour l'antiquaire et l'artiste de voir qu'il y a peu de nos églises rustiques qui n'aient gardé quelque membre, quelque pierre de l'origine ou d'un glorieux passé. L'intérieur est nu, triste à l'œil et froid au cœur. Mais il y a dans la sacristie , derrière le retable, qui masque cette curiosité, une jolie abside, à quatre arcs doubleaux , encorbellés assez bas pour qu'on croie que le sol a été exhaussé. Cette partie, précieuse en elle-même, et intéressante par contraste , semble, par ses nervures arrondies, nettes et élégamment profilées, annoncer le xma siècle. La fenêtre orientale possède quelques débris de vitraux assez bien enchâssés dans du verre blanc. On reconnaît en haut une Crucifixion, au-dessous l'Agneau, et, plus bas, déchirant son manteau, saint Martin, le patron de la paroisse. Ces vitraux sont peu remarquables et annoncent le xv e ou le xvr siècle,

 

La croix du cimetière, érigée en regard d'une plus vieille qui est hors de l'enceinte, s'élève sur une base carrée qui porte cette inscription: « J'ai esté donné par Cousin p. de ce lieu. »

 

La cure de Saint-Martin-de-Braffais était à la présentation du chanoine dit de Braffais. En 1648, elle rendait 400 l. » En 1698, elle valait encore 400 1. La paroisse avait quatre prêtres; elle payait 937 1. de taille et renfermait 129 taillables. En 1735, mourut en son presbytère Thomas Pinel, curé de Braffais et doyen rural de Tirepied. Le clergé du diocèse perdit en lui un de ses plus éloquens prédicateurs.

 

Les documens locaux ne parlent guère de seigneurs de Braffais, qui d'ailleurs était une propriété canonicale. Cependant un Roger de Braffais, Rogerius deBrafes, souscrivit, dans le xne siècle, à la charte relative à la terre du Fougeray en Bacilly5.

 

Richard de Crux, Ricardus de Crudis, donna vers le milieu du xnr siècle au chapitre d'Avranches:

 

« Qnod acquisiverat in parochia de Brafais, in feodo de la Guilleberdiere,

videlicet quidquid in feodo habebat Guillelmus Gillebertus. »

 

En Braffais sont deux anciens fiefs qui relevaient de l'évêché d'Avranches, celui du Domaine et celui de Cantilly. Robert Cenalis les cite dans son Aveu à François 1er, en 1535:

 

« Sanson Herault tient le fief du Domaine en Braffais pour un quart de chevalier.

Thebault le Mercier, ècuyer, tient le fief de Cantilly pour un quart de chevalier. »

 

Parmi les chevaliers défenseurs du Mont Saint-Michel contre les Anglais au xve siècle, se trouvait un seigneur de Cantilly. Il y avait d'ailleurs un autre fief de Cantilly en Bacilly.

 

Sur le flanc escarpé d'une bruyère de Braffais, dont le pied est baigné par une rivière, qui passe sous la vieille chapelle de Saut-Besnon2, se voit un vaste écroulement de rochers— ùigentem scopuli traxêre ruinam — affectant la disposition d'un triangle ouvert. Ce sont, dit-on , les restes d'un château bâti par les fées, les Châteaux - Turbotins, palais de la fée Turbotine. Shakespeare eût fait danser Titania ou Turbotine dans cette vallée profonde et sauvage où bruit une onde claire sur des roches tombées du palais gigantesque. On conçoit sans peine que l'imagination populaire ait poétisé cette nature pittoresque et ces amoncellemens mystérieux, et créé des êtres surnaturels pour expliquer ces roches dispersées comme par une certaine intention de la nature. Un bloc se dresse comme un menhir au milieu de ces blocs épars : si dans ce lieu le poète évoque la féerie , l'antiquaire peut y évoquer les Druides.

 

Une terre de cette commune s'appelle Trigalle: on conte qu'en ce lieu trois Gaulois arrêtèrent l'armée de César. C'était un exploit assez commun chez nos ancêtres, car nous connaissons d'autres Trigalles

 
   
 

Braffais CPA collection LPM 1900