|
||||||||||||
Chasseguey, Manche Xfigpower — Travail personnel |
||||||||||||
MÉMOIRES DE LA SOCIETE D'ARCHITECTURE DES ARRONDISSEMENTS D'AVRANCHES & DE MORTAIN Années 1892 — 1893 CHASSEGUÉ
Seigneurs de Chassegué
Réunie en 1790 au canton de Juvigny, la paroisse de Chassegué faisait autrefois partie du doyenné de Cuves et de l’archidiaconé de Mortain; pour le civil elle dépendait aussi de l'élection et vicomte de Mortain ; elle fut distraite de la vicomte de Mortain et réunie à celle de Saint-Hilaire-du-Harcouët de 1718 à 1749.
Chassegué se trouve à peu près toujours écrit de la même manière, et ce nom parait venir de chassa vadum ou chassa vadi. Chassa en basse latinité signifie chemin planté d'arbres, vulgairement chasse, et vadum signifie gué. Le chemin qui arrive à Chassegué est encore aujourd'hui planté d'arbres, et au bas de l'avenue actuelle passe la petite rivière d'Ârgonce sur laquelle il y a un pont ; mais autrefois cette petite rivière que l'on a un peu détournée de son cours naturel pour faiire marcher un moulin, traversait le miUeu de la chasse, et il n'y avait probablement pas d'autre pont qu'une planche pour faciliter le passage de ceux qui marchaient à pied ; la chasse pouvait donc être justement appelée la chasse du gué.
L'église est sous le patronage de saint Jean-Baptiste. Le Seigneur du lieu en était autrefois le patron présentateur. Le château en est très rapproché, et cette église ne fut vraisemblablement dans le principe que la chapelle du château. U est certain cependant qu'elle devint assez promptement église paroissiale, quoiqu'elle n'eût aucune raison de le devenir ; car la paroisse de Chassegué ne se compose que d'une langue de terre assez étroite enclavée en grande partie dans le Mesnillard, dont l'église est plus rapprochée pour la plupart des habitants de Chassegué, que celle de Chassegué elle-même.
Les plus anciens seigneurs de Chassegué que l'on connaisse, sont ceux qui prirent le nom de la paroisse. Or, dès le commencement du XIIIeme siècle, il y avait une famille de Chassegué, habitant cette paroisse et jouissant d'une certaine célébrité. En 1203, Alain de Chassegué jura fidélité à Philippe- Auguste après l'expulsion de Jean Sans-Terre. En 1238, Etienne de Chassegué, fils d' Alain de Chassegué de Léiarde son épouse, donna à l'abbaye de Montmorel, avec le consentement de ses frères Jean et Hamelin une rente de trois sobet de uKgelines.
Au XIVeme siècle, il n'est fait aucune mention des seigneurs de Chassegué. Au commencement du XVeme la seigneurie était passée par un mariage dans la famille d'Orenge. On lit en effet dans la charte de Navarre (1401) : « Un quart de fief nommé le fief » de Chasseguey, assis en la paroisse de Chasseguey et de la Chapelle-Urée, appartenant à Jehan d'Orange et à sa femme
De la famille d'Orange, la seigneurie de Chassegué passa au XVeme siècle dans une branche de la famille Carbonnel. Vers l'an 1664 il appartenait à Richard de Carbonnel fils de Guillaume dit de Sourdeval,
Vers la fin du XVIIeme siècle, la seigneurie de Chassegué appartenait aux de Saint-Gilles, seigneurs de Fontenay et de Navetel, ou du moins à un de Saint Gilles membre de cette famille. En 1718, Louise Dully veuve de David Gosselin sieiir de Martigny contestait à Jean de Saint-Gilles, seigneur de Fontenay, Navetél et Chassegué, le droit de patronage et de présenution à la cure de Chassegué ; mais nous ne savons à quel titre.
Avant 1740, la seigneurie de Chassegué passa dans la famille Vauborel d'Ericq et elle resu dans cette famille jusqu'à la fin du siècle. On trouve en 1780, messire Emmanuel- Alexandre de Vauborel d'Ericq, chevalier, seigneur et patron de Chassegué, y demeurant en son château.
Le château de Chassegué qu'on vient de démolir en partie n'avait jamais été achevé ; c'était cependant un des plus beaux du pays.
Esnoult, Hédou, Lerebours, Lefras, sont des noms anciens à Chassegué. — Les principaux villages sont : la Gandonnière, Laufresne, la Mercerie et la Grésellière.
Curés de Chassegué de 1668 à 1790 — Revenus et charges de la cure
Jean Nourry prêtre de Chassegué succéda le 24 avril 166& à Guillaume Lepeltier, déposé par sentence de Tofficialité diocésaine.
Thomas de Vauborel succéda à Jean Nourry avant 1700 et décéda en 17 12.
Julien Couëtil prêtre de la Chapelle-Urée, présenté par Jean de Saint-Gilles, écuyer, seigneur du lieu, succéda le 7 mai 1712 à Thomas de Vauborel. En I7i6,il fut nommé curé de Chavoy.
René Gilles, chapelain de Saint-Germain à la cathédrale d'Avranches, présenté le 31 décembre 17 18 par Jean de Saint-Gilles seigneur patron présentateur de Fontenay, Navetel, Chassegué, tout en son nom qu'au nom de son fils Jean-Guy- de Saint-Gilles, et Louis Michel, vicaire du Buat^ présenté dès le mois d'août précédent par noble dame Louise DuUy, veuve de David de Gosselin seigneur de Martigny, et par demoiselle Catherine-Suzanne de Gosselin sa fille ainée, tant en son nom qu'au nom de sa sœur Louise-Marthe de Gosselin, dame de Chassegué, se disputèrent la cure après le départ dç Julien Couëtil. LouisMichel mourut le 13 mars 1721. Quelques semaines après la dame de Gosselin présenta Gilles Pallix qui mourut presqu'aussitôt, et madame de Gosselin présenta de nouveau Ouen Hamelin le 20 juillet 1721. Mais René Gilles parait avoir tenu le poste au moins pendant quelque temps.
Louis Loquet nommé vers 1722, se démit en 1729 et devint curé de la Chapelle-Urée.
Jean-Marie prêtre de Notre-Dame-de-Livoye, succéda le 9 juin 1729 à Louis Loquet.
Julien Herbert, vicaire à la Bazoge, présenté par M. Pierre d'Ericq, chevalier seigneur et patron de Chassegué, succéda le 26 iévrier 1742 à Jean Marie décédé. Il mourut en 1747.
Jean-Henri Guesdon, vicaire à Saint-Barthelemi, présenté par messire Pierre d'Ericq, succéda le 28 mars 1747 à Julien Herbert. Il venait d'être installé quand Mgr Durand de Missy visita l'église de Chassegué, le 18 juin 1749. L'église était fort pauvre, les murs étaient bons, mais la couverture en mauvais état. Les réparations de la couverture du chœur étaient à la charge des héritiers du curé défunt. Il y avait plusieurs comptes à rendre ; les livres étaient encore tous romains. Le revenu des fondations était de 86 livres. — J.-Henri Guesdon décéda en 1766.
Jacques-François Bourcier, prêtre du diocèse de Séez, présenté par M. Pierre d'Ericq le 17 novembre 1766, succéda à Jean-Henri Guesdon, et fut nommé curé de Périers-en-Beauficel en 1771.
Jean-Charles Collibeaux, prêtre de Reffuveille, présenté par messire d'Ericq, succéda à Jacques-François Bourcier, le 2 août 1 77 1 .
Georges-Michel Bidaud, du Rocher-lez-Mortain, chapelain de l'hospice récemment établi dans cette paroisse, succéda le 6 décembre 1780 à J.-Ch. Collibeaux, démissionnaire en sa faveur.
Le bénéfice-cure de Chassegué consistait dans les dîmes qui appartenaient toutes au curé et dans la jouissance de la terre des Aumônes. En 1648, le revenu était évalué à 300 livres, en 1774, à 500 livres. En 1787 et 1788, le curé de Chassegué fut imposé à 30 livres, le trésor à 2 livres, les obits et fondations à i livre. En sa qualité de seul gros décimateur, le curé était tenu à l'entretien du chœur de l'église. D'après la déclaration faite par M. Bidaud le 20 novembre 1790, la cure de Chassegué valait alors 890 livres. Le directoire du district éleva le traitement du curé à 1200 livres ; il y avait alors 226 habitants.
Chassegué de 1791 à 1800. — Esprit de la population
M. Bidaud, curé de Chassegué en 1791, était un prêtre de conduite régulière et irréprochable. Il eut le malheur de trop prêter l'oreille aux conseils de M. Busnel, curé de la Bazoge, doyen-rural de Mortain, et prêta serment à la constitution civile du clergé. Par suite de cette prestation de serment, il resta en fonctions et continua d'exercer son ministère à Chassegué jusque vers la fin de 1792. Quelques-uns de ses paroissiens n'adhérant point au schisme refusèrent dès lors de le reconnaître pour leur curé, et on doit dire à sa louange qu'il leur laissa la liberté pleine et entière et n'usa d'aucune violence à leur égard. Vers la fin de 1792 ou le commencement de 1793, ne voyant plus possibilité d'exercer son ministère il se retira à Mortain dans sa famille, où il passa le reste de la Révolution.
Après son départ, l'égHse fut complètement dépouillée, les statues furent renversées ; celle du patron saint Jean-Baptiste et celle de la Sainte-Vierge, furent jetées dans la boue, mais elles furent retrouvées quelques . temps après et remises à leur place par M. Gaudin de Villaine, âgé alors de 15 ou 16 ans.
Dès le commencement de la Révolution on avait planté solennellement l'arbre de la liberté et célébré quelques fêtes patriotiques, l'enthousiasme même avait été général ; mais il n'avait pas été de longue durée, et la petite population de Chassegué, cédant aux conseils de madame d'Ericq, femme d'un caractère ferme, et très considérée dans la localité, serait demeurée très calme, s'il ne s'était trouvé quelques meneurs exaltés, dont les procédés violents intimidèrent la plupart des habitants, et les déterminèrent contre leur gré à se livrer à des actes qu'ils reprouvaient. On y célébra les décades ; il n'était pas permis de s'en abstenir, et ceux d'entre les habitants qui n'étaient pas patriotes de bon gré le furent de force. A part les tracasseries exercés d'abord par les patriotes contre ceux qui ne montraient pas assez de zèle, il n'y eut pas de grands désordres.
Les aumônes de la cure furent vendues, et la paroisse fut annexée pour le culte à la Basoge.
Chassegué depuis 1800 jusqu'a nos jours (1893)
Lorsque lés troubles furent passés, M. Lebel curé de Mortain était revenu de l'exil, M. Bidaud se rendit à ses conseils et désavoua ses serments. En 1804, il revint à Chassegué dont l'église n'était plus qu'une simple chapelle ; il desservit cependant son ancienne paroisse pendant onze ans, logeant et vivant au château. Vers 1815, la famille d'Ericq ayant quitté Chassegué, et s'étant retirée à Avranches, M. Bidaud alla occuper l'ancien presbytère à un kilomètre de l'église, et l'habita encore pendant deux ans. Mais déjà bien avancé en âge, et ne recevant plus qu'un traitement bien insuffisant, il se démit en 1817 et alla se retirer à Mortain, où il mourut en 1828 âgé de 86 ans.
Après lui, Chassegué resta plusieurs années sans desservant et fut annexé de nouveau pour le culte aux paroisses voisines. Vers 1842 M. Maillard vicaire du Mesnil-adelée fut nommé desservant de Chassegué. Une personne donna environ 9 vergées de terre à la cure^ en imposant toutefois au curé un certain nombre de messes à son intention. On bâtit un nouveau presbytère à peu de distance de l'église ; et après bien des démarches on obtint que Chassegué fût érigé en succursale. Depuis l'église a été restaurée et tout est aujourd'hui dans un état convenable, la maison d'école est au centre de la paroisse, mais à plus d'un kilomètre de l'église. La population n'est aujourd'hui que de 190 habitants.
L. C |
||||||||||||