MILLY
  CC 26.06 SAINT-HILAIRE-DU-HARCOUET
   
  LE MANOIR DE COQUEREL
         
   
     
 

Article issu du bloc du canton-saint-hilaire du Harcouet

Le manoir du Coquerel 

 

Ce joli manoir historique car ce fut une maison de maître sous l’Ancien Régime, bien restauré par la famille Mézange de Saint-André, puis par Arthur Legrand le parlementaire emblématique de la Belle Epoque dans le Sud-Manche, est devenu aussi, grâce au Calvados, un point incontournable de la gastronomie et même du tourisme économique du Sud-Manche.

 

Une destinée étroitement liée à l’arrivée de la famille Gilbert, originaire du Mesnillard (voir la rubrique de cette commune), René Gilbert achetant le manoir en 1939 pour y installer en pleine guerre avec deux compagnons ouvriers (Victor Amand et Armand Delentaigne) une distillerie moderne, faisant suite à celle qu’il faisait déjà fonctionner depuis deux ans à la gare de Fontenay. La guerre y avait causé des dégâts importants, la bataille de Mortain (début août 44) faisant suite à un mois d’occupation des autorités allemandes fuyant devant les Américains ayant percé le front lors de l’opération Cobra. Durant un mois plein, en gros tout juillet 44, Milly fut donc envahi par l’état-major des troupes allemandes et par les autorités administratives françaises de la collaboration. Au Coquerel, les nazis engagés dans la bataille de Mortain avaient entreposé toutes sortes de biens, et même trois prisonniers taxés à tort ou à raison de résistants, qui furent délivrés par René Gilbert (décédé en 2002) avant que les SS ne reviennent incendier le tout. Ils tentèrent même de brûler le manoir en entassant dans le salon d’honneur tout un tas de papiers et cartons qui, finalement, firent long feu, ce qui permit de sauvegarder le joli bâtiment.

 

René Gilbert fils (né en 1937), étroitement associé à la direction de l’entreprise dès son retour de la guerre d’Algérie en 1961, explique bien la forte activité de l’époque autour des pommes: "on pilait 5 à 6 000 tonnes de pommes par an, mais surtout on achetait beaucoup de cidre en campagne où deux camions-citernes tournaient tous les jours pendant six mois, car les cidres fermiers étaient propices à la fabrication de très bons calvados".

 

On touche là le cœur de l’activité de l’entreprise qui, au départ distillait du calvados, mais aussi des alcools d’État qui servent ensuite à l’industrie chimique. A cette époque, en 1962, cette entreprise familiale (la mère, Marie Gilbert, assurait la comptabilité, et la tenue d’une entreprise de 6 personnes où tout le monde était nourri-logé) était en plein essor. La vente en 1971 au groupe allemand Asbach via sa filiale française dirigée par M. François Martin, lui permit non seulement d’assurer sa pérennité, mais bien de rebondir, notamment à l’export.

 

Dans les décennies 70 à 90, l’entreprise passa de 9 à 30 salariés surfant notamment sur la vague de la campagne d’amnistie de 1975-1976 suite au long conflit des bouilleurs de cru qui avait pour but, tout à la fois d’assainir un marché encore largement clandestin, et d’empêcher les producteurs de faire trop d’alcool. " Dans cette période, reprend René Gilbert fils, directeur général jusqu’en 1994, nous avons bénéficié de notre situation géographique, très favorable, pour tout dire au centre de l’aire de production, et acheté de très grosses quantités de très bons calvados anciens. On allait jusqu’à Flers et près de Pré-en-Pail, chercher des calvados qui avaient 50 ans d’âge dans des fermes qui distillaient jusqu’à 100 hl par an ! Il fallait un sens du contact et des affaires, et il n’était pas un jour sans qu’on voie débouler des producteurs qui sortaient de leur poche un échantillon pour déguster. Derrière ces achats, nous faisions analyser pour confirmer le vieillissement, et bien sûr, cette manne nous a permis de commercialiser des produits d’une extraordinaire qualité ".

 

Adossée, on l’a vu, à un groupe puissant, très présent sur les concours et les foires internationales, le Calvados Gilbert trusta alors prix et diplômes, se hissant même, au moment du cinquantenaire de l’entreprise en octobre 1987, au second rang des exportateurs français de Calvados, ses produits étant particulièrement appréciés en Allemagne, aux USA et même jusqu’au Japon.

 

Les remembrements généralisés, les primes à l’arrachage dans la foulée de la campagne de 75-76, diminuèrent une production à laquelle une première tempête en 1987 donna un coup fatal : moins de pommiers donnant moins de cidre dans les fermes dès 1989, le replantage là où il eut lieu en basse-tige, n’étant pas toujours propice (avec des variétés farineuses axées jus de pomme) à la transformation ultérieure en calvados. Bien sûr la tempête de la fin de l’année 1999 ne fit qu’accentuer cet état, et la campagne normande, sauf dans quelques régions de terroirs bien identifiés (Pays d’Auge, Domfrontais), a sans doute irrémédiablement perdu ce qui faisait sa fierté : ces grands "clos" de pommiers, attenant aux maisons…et qui en dopaient d’ailleurs d’autant la valeur immobilière.

 

Néanmoins, le Calvados Gilbert, passé depuis 1992, sous la houlette d’un grand groupe européen (voir site internet et infos sur : www.calvados-coquerel.com) continue d’entretenir la flamme d’une production de qualité dans ces lieux consacrés depuis tant d’années à l’élixir normand. Et le Calvados Gilbert, reste, dans le canton de Saint-Hilaire-du-Harcouët un remarquable point de contact pour le tourisme industriel lié à la gastronomie, le pendant en quelque sorte de la maison de la poire et de la pomme de Barenton. Des sites qu’il faut visiter bien sûr…le verre à la main, mais en consommant, comme chacun le sait…avec modération!