MARTIGNY
  CC 26.05 SAINT-HILAIRE-DU-HARCOUET
   
  HISTOIRE
         
   
         
 

Article issu du bloc du canton-saint-hilaire du Harcouet

MARTIGNY 


Qualité des sols, bien centrée (889 hectares pour 321 habitants de nos jours, contre 550 en 1697 selon le mémoire de l'intendant du Mortainais), Martigny, protégée des vents de " Nordet " car abritée au pied de la crête de Juvigny, doit beaucoup à Victor Gastebois (voir encadré ci-après). L'historien du Mortainais en a dressé une vaste fresque historique qui permet de particulièrement bien comprendre le fonctionnement des paroisses autrefois.

 

Elle apparaît dans les premières chartes en 1142 quand Hasculf de Subligny fait une donation à l'abbaye de Savigny. Un Robert de Martigny, en 1181, apparaît au cartulaire de l'abbaye de Barbery près Lisieux qui dépend de Savigny.

 

En 1240, le fief passe aux Servain, de Saint-Pois, seigneurs considérables (ils possédaient 99 fiefs dans tout le Mortainais) qui devaient 29 lances au roi, quand Saint-Hilaire n'en devait que deux ! Fidèles au roi de France, ils en sont dépossédés en 1418 au profit de l'anglais Wilton. Ce fief leur revient quand même en 1420 quand les envahisseurs anglais commencent à refluer, leur unique héritière se mariant aux de Meullent. Ceux-ci le vendent aux Le Marié qui s'étaient illustrés autour de Saint-Lô dans la guerre de partisans sont anoblis en 1466, Louis XI ayant besoin d'argent, récompensant 800 familles d'un coup dans la province ! Jean Le Marié est ainsi en 1490 sieur de Martigny et de Bellefontaine.

 

Madeleine Le Marié, en épousant en 1520 Jean Gosselin, valet de chambre du roi, prend un beau parti : le frère de ce dernier, Robert, chanoine de Notre Dame de Corbeil (Seine et Oise) aide à reconstruire en 1549 le chœur actuel de l’église et sa fameuse verrière. Le fils de Jean Gosselin, Joachim augmente encore les biens familiaux. Un moment protestant, ce dernier incité à démolir en 1617 les fortifications de son château, fait procès, sa veuve se défend tout aussi vertement et le fief passe alors par mariage aux de Gaalon, sieurs des Carreaux et de l' Isle-Manière en Saint-Quentin en 1722, puis aux Vivien de la Champagne jusqu'à la Révolution. Le manoir (rebâti en 1565) est alors acheté par les Dericq, riche famille protestante, qui avaient été en 1750, seigneurs de Chasseguey, tout à côté, mais dans le canton de Juvigny. Ils feront reconstruire cette ancienne demeure sans doute assez semblable au château Fortin (ou du Jardin) à Saint-Hilaire-du-Harcouët.

 

Durant tout l'Ancien Régime de nombreuses maisons nobles se sont établies sur le territoire de la paroisse : à la Grande Lande, non loin de la Faucherie (sur le Mesnillard) habitent des Cordon, parents dont l'ancêtre commun était sans doute un roturier qui avait donné son nom au village de la Cordonnière.

 

S'y établissent ensuite les de Lentaigne fonctionnaires mandataires des Montpensier pendant tout le XVIIIe siècle : 1720, Pierre receveur des tailles, 1759 Richard lieutenant criminel du baillage de Mortain. Au Bois-Geffroy le linteau de la cheminée montre qu'y vivait en 1597 Gilles Gachet, puis l'écuyer Payen sieur des Beaux-Linges en Chalandrey en 1710. A la Tréchardière, vivent les Mirleau originaires du Poitou, établis là vers 1580 après les guerres de religion, tenus ensuite à l'écart car condamnés comme faux-nobles en 1667. Enfin les de Lauvrière tiennent l'aînesse de la Petite Gravelle avant 1465, et jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.

 

La paroisse avant la Révolution vit au rythme du " général " où, en août, tout homme payant la taille (l’impôt) a voix délibérative. Les écoles, pompeusement baptisées " collège " par le tabellion Pelchat dans son inventaire de 1744, y fonctionnent depuis trente ans. Elles accueillent d'abord, au bord du cimetière, des garçons enseignés par la cure, tenue dès avant 1513, selon les statuts de l'évêché d'Avranches, par les chanoines réguliers de l'abbaye de Rillé près de Fougères. Avec son grand camail noir à capuchon et l'aumusse de fourrure noire au bras, le prieur-curé régne sur trois vicaires et une bonne demi douzaine d'autres prêtres dits habitués. En 1745, les relations se tendent à la mort de Siméon Coquebert entre les paroissiens et l'abbaye de Rillé. La Fabrique refuse de signer l'inventaire, le curé Coquebert là depuis 40 ans ayant pris des libertés avec les rentes du trésor. Rillé se fait prier pour fournir un remplaçant, et on doit se contenter une bonne année de desservants provisoires. Son successeur Joseph Duval est le premier prêtre enterré hors de l'église en 1784, et lui aussi a un procès (qu'il perd !) avec ses paroissiens en 1765, étant condamné par le baillage, à entretenir d'huile, jour et nuit, la lampe de l'église.

 

Le dernier curé avant la Révolution est Charles Claude Duchesne, présent ici depuis 1787, qui, tout comme son vicaire, Julien Géreux, prête serment, mais se rétracte pour finalement administrer comme réfractaire, Martigny et toutes les paroisses voisines, Virey, Parigny, Naftel, Mesnil-Boeufs. Trois années durant l'église sert de corps de garde, et les confessionnaux de guérites. Les cloches qui datent de 1724, fêlées, sont portées à Mortain, et en arguant qu'on en avait besoin pour sonner le tocsin en cas d'irruption des Chouans, on en ramène une grosse de 400 kg qui provient des Biards.

 

Au Tartary un dénommé Couette est tué par les Chouans, des acheteurs de biens nationaux sont malmenés, et c'est l'ancien vicaire Géreux qui prend la cure après le Concordat jusqu'en 1828. Mort en 1832, on ne sait où est enterré ce curé natif du lieu, qui y passa sa longue existence, et y fut prêtre 51 ans : il avait signé en tant que vicaire son premier acte d'état-civil le 19 octobre 1781 ! Son successeur est Jean-Baptiste Bizet, un curé d'une force physique exceptionnelle et qui rossa un jour d'importance un fier-à-bras venu spécialement à Martigny pour le défier !

 

Martigny, on l'a vu, a toujours connu comme ecclésiastiques des personnages hors du commun, et dans cette liste il nous faut nommer Jean Baptiste Paimblanc, né en 1770 qui élève du curé Bréhier, puis du collège royal de Mortain, est précepteur à Avranches, puis à Montigny aux Gondinières chez un avocat du baillage, avant de se retrouver vicaire aux Loges-Marchis, puis à Parigny, où la situation est des plus curieuses. Suite à un arrangement datant de Philippe-Auguste avec l'abbaye de Savigny, s'il n'y avait qu'une seule église, il y avait deux cures et deux presbytères. Le vicaire y servait donc alternativement, toutes les 4 semaines ! Au bout de seize ans de ce manège, il reprend sa liberté et s'installe... paysan, donnant dans le moderne et l'apiculture pionnière ayant 24 ruches. Mort avant la Révolution, tout le monde se souvient de ce paysan, fait prêtre et redevenu paysan, qui hantait les chemins avec sa forte jument nommée " Misère ", et ses deux chiens " Pauvreté " et " Malheur ". Le premier était un vilain bâtard qui sans grande allure avait étranglé au moins par deux fois des loups descendus lors de rudes hivers des bois de Reffuveille. Le second, un chasseur hors-pair qui attrapait les lièvres à la course... étant un ancien louveteau, pris sous la mère par M. de Vaufleury le lieutenant criminel du baillage.

 

En 1818, s’ouvrit officiellement l'école des filles avec Marie Olivier, une Carmélite d'Avranches qui était aussi blanchisseuse et enseignait... tout en repassant ! Elle suivait en cela la méthode du bonhomme Jamin de Parigny, un sabotier " artisans ès chaussons de hêtre " qui enseignait la grammaire tout en jouant de la varlope, et accueillait d'ailleurs certaines des élèves de la Carmélite à Parigny si les leçons de la bonne soeur lui paraissaient insuffisantes ! Virginie Alexandre (1840-1866) qui prit la suite était tout aussi industrieuse : en plus de faire la classe, de soigner les malades, elle fit, tout un été le travail d'une veuve du village de la Couverie, coupa le blé et le sarrasin, le mit en grange et le battit !

 

C'est dans ces années qu'apparut encore le curé Lehurey, partant en guerre contre le relâchement des moeurs et surtout la coutumes des " éteures " ou " éteufs ", résurgence du jeu brutal de la soule, banal depuis des lustres dans toutes les paroisses de l'Ouest. A l'occasion des mariages, on s'y battait entre villages ou mariés et célibataires, et à force d'intrigues, le curé fit passer le 12 juin 1856 un arrêté municipal interdisant ces ébattements sportifs. Quarante manifestants à la suite vinrent l'assièger dans sa cure, et le juge de paix dut en condamner onze, sans obtenir le calme pour autant. Les paroissiens de Martigny attachés à leurs coutumes firent alors... grève de la messe, s'en allant écouter vêpres à Saint-Hilaire-du-Harcouët ! Un jeune homme de la commune refusa même d'être marié par le curé Lehurey, on fit quand même la noce en allant à Mortain, demander à être mariés par le vicaire ! A partir de cette date, la commune fut sous surveillance, et on envoya même les gendarmes, mais sans pouvoir empêcher que se disputent encore, mais en se cachant, une dizaine de ces joutes souvent furieuses. Le pire c'est que la dernière eut lieu en 1859, lors du mariage – un comble- du gendarme Maillot de Saint-Hilaire-du-Harcouët, avec une demoiselle Legeard du Turmel. Le gendarme récalcitrant dut payer l'amende, mais le curé, c'est le cas de le dire, ne l'emporta pas en paradis car il eut encore de nombreux démêlés avec ses paroissiens, à qui, notamment, il entendait vendre fort cher, les pommes du cimetière dont on faisait le " cidre des morts ". Le conseil municipal contesta ses budgets, il fut démis en 1894, et mourut nonagénaire à Saint-James.

 

Il y avait à cette époque, juste avant 1900, sur la Sérouenne, pas moins de cinq moulins : le Bois, Chasseguey, le Horet, la Marche, et Martigny avec ses deux tournants. En 1850, les truites et anguilles, prises en deux heures au grand filet, payaient le fermage de dix vergées d'un tisserand, corporation très nombreuse et que l'on trouvait partout : à la Gravelle, la Mariais, la Hodinière.

 

C'est aussi mi-XIXe siècle que se créa le village du " Petit-Jésus " par l'aubergiste Jean Jouenne. Le curé Le Hurey dans un texte du 25 septembre 1874 nous raconte : " Cet homme, tout petit enfant, était appelé par sa mère (comme signe d'affection) mon petit Jésus. Les autres enfants et ses camarades l'appelèrent de même "Petit Jésus". En 1839 et 1840 fut faite la route départementale de Saint-Hilaire-du-Harcouët à Villedieu. La pièce de terre qui se trouvait dans l'angle formé par la route de Saint-Hilaire-du-Harcouët et du Pointon appartenait à M. Claude Demirleau. Il fit bâtir sur cette pièce de terre une maison, une étable et dépendances avec plant de pommiers aux abords. Il loua cette maison et dépendances à Jean Jouenne. Celui-ci y établit une auberge.Voulant, pour le distinguer des autres auberges qui se trouvaient sur la même route, on la nomma l'auberge tenue par le "Petit Jésus" en sorte que le village qui s'est augmenté des autres constructions qui se trouvent de l'autre côté de la route n'est maintenant connu que sous le nom du "petit Jésus"... et il le portera longtemps.