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Article issu du bloc du canton-saint-hilaire du Harcouet
On le sent quand on quitte Saint-Hilaire-du-Harcouët : une longue côte, un plateau d'où, en se retournant une dernière fois, on aperçoit à l'horizon les " montagnes " du Mortainais, et devant nous, tout à coup, la Bretagne, inconnue, presque étrangère. On se rend compte de ce que devaient éprouver les voyageurs d'autrefois, nous sommes là en terres de " marches ", c'est-à-dire de frontière.
Sa situation "aux confins" des trois provinces : Normandie, Maine, Bretagne, explique l’origine de son nom, surtout lorsqu’on sait que les paroisses remontent au haut Moyen Age et qu’à cette époque la Bretagne formait une province complètement indépendante (jusqu’au XVe siècle) du Royaume de France. Le modeste ruisseau qui forme la limite entre Louvigné du Désert et Les Loges-Marchis ne s’appelle t-il pas "le Ruisseau Français" accentuant encore, si besoin est, ce statut de "limites" provinciales.
Les habitants des Loges-Marchis répondaient encore, avant guerre aux curieux surnoms de "binotiers" ou de "mourons". Ce qui s’explique, si l’on tient compte de l’esprit assez frondeur qui présidait au XIXe siècle à l’art du "blason", c’est-à-dire, d’envoyer des adresses plutôt "piquantes" à ses voisins. Les noms proviendraient selon que l’on soit positif, des nombreuses ruches présentes sur la commune… ou, plutôt, surtout dans le contexte des bouilleurs de cru que l’on verra plus loin, des "bines à mouches" dont on coiffait les maisons de dénonciateurs, si utiles aux "rats de cave". Ces agents du fisc, promettant de moins rudes amendes à ceux qui "vendaient" leurs voisins. Les "mourons" étant, enfin, le nom local de la salamandre que l’on trouvait dans les nombreux marécages de ce pays de landes.
Dès le néolithique on trouve là une haie-de-terre, comme à Saint-James et Buais. Un statut particulier au Moyen Age place cette paroisse dans une situation bancale puisqu'elle dépend au religieux de Saint-Hilaire, mais au civil de l'élection d'Avranches et de la sergenterie de Saint-James, comme Saint-Brice-de-Landelles et Saint-Martin-de-Landelles, tout le Terregatte ou "terre gastée" c’est à dire dévastée par les incessantes invasions bretonnes.
Tout comme Lapenty et Moulines, la paroisse est d'abord donnée par Guillaume le Conquérant à Raoul de Fougères pour son aide lors de sa Conquête de l’Angleterre, mais il ne la gardera pas. Les sieurs de Virey la donnent à leur prieuré, puis à Savigny quand vers 1130 celui-ci fait allégeance au nouvel ordre cistercien en plein essor. L'église (sous le patronage de saint Pierre et saint André) garde un moment souvenir de l'autorité des seigneurs de Fougères lesquels peuvent nommer des prieurs-curés, mais Savigny garde les deux tiers des grosses dîmes.
Les habitants des Loges-Marchis, par exemple, étaient en temps de guerre tenus de garder par roulement les remparts de cette ville, pourtant bien plus éloignée que Saint-Hilaire.
Sur le plan féodal, du fait que nous sommes au contact de la Bretagne, il y a plusieurs fiefs seigneuriaux et les deux principaux sont Les Loges et la Vallais. Celui des Loges est tenu par deux seigneurs signataires de chartes : Hamon en 1135 qui accorde une donation pour Savigny et Guillaume en 1173, prisonnier à Dol. Ce fief ira plus tard aux de Pontbellanger. La Vallais appartient aux du Fresne puis aux sieurs de la Roque, avec sa chapelle Saint-Martin, au village du même nom, détruite bien avant la Révolution.
En 1700, il y a 294 feux soit un petit millier d'habitants dont 309 imposés à la taille, 5 pauvres (20 en 1755), un curé et pas moins de dix ecclésiastiques présents sur le territoire : vicaires, diacres, sous-diacres, minorés âgés ou autres habitués. Les visites épiscopales de 1746 et 1761 montrent aussi qu'en sus des deux vicaires obligatoires, deux autres s'occupaient de l'école de garçons et de filles. En 1779, une épidémie fait 250 morts au point qu'il faut subitement agrandir le cimetière. Ce désastre serait à l’origine du site des 5 croix, près du cimetière.
En 1789, juste avant la Révolution donc, suite à des violences exercées contre les employés des fermes du roi, on voit les avocats du baillage d'Avranches venir enquêter, aidés par la milice de Saint-Hilaire-du-Harcouët car on avait pillé (comme au Mont-Saint-Michel, à l'abbaye de Montmorel ou encore à la Lucerne) les chartriers de Savigny pour s'emparer des titres de redevances notamment foncières. Même en décrépitude, l'abbaye de Savigny, on le sait était particulièrement tenace envers ses locataires en vertu du fameux adage " de quelque côté que le vent vente, l'abbaye de Savigny a rente ". Quarante ans après, les enfants des campagnes alentours apprenaient à lire dans ces vieux manuscrits qu'on trouvait partout !
En 1791, Jean Baptiste de la Hoche de la Grésille y était curé depuis 1780 et avec ses deux vicaires, refusa de signer la constitution civile du clergé, restant en fonction jusqu'en mai 1791, tout bonnement parce qu'il n'y avait personne pour le remplacer. Le vicaire Dufresne passait jour et nuit au confessionnal car on venait de très loin, de toute les paroisses de la région, déjà toutes fournies en prêtres assermentés ! bien sûr, il leur fallut partir, juste à temps, la colonne mobile étant en marche pour se saisir de ces prêtres qui passèrent alors tous à Jersey. Ils furent remplacés par l'intrus Pierre Chonneux et son frère Jacques qui se maintinrent jusqu'en mars 1793. L'église vit sa cloche enlevée, les bancs brûlés, les vases sacrés vendus, les vitraux brisés… Il n'y avait guère plus que trois ou quatre familles vraiment patriotes, mais pas de royalistes actifs non plus. Le culte réfractaire (appelé par la seule petite cloche restante) fut assuré par Jean Baptiste Mitrecy qui tint les registres et parvint même à faire célèbrer une ou deux fois la messe dans l'église en 1797. Arrêté en 1799, incarcéré au Mont, il mourut en 1800 aux Loges. Le relais, les gens restant fidèles au culte catholique fut pris par les autres réfractaires de la région (Barbedette de Saint-Brice-de-Landelles, Rogues de Saint-Hilaire-du-Harcouët, Boucé et Larcher de Louvigné) qui trouvèrent souvent asile dans des fermes amies : le Châtaignier, le Bois Macé, la Sauvagère, le Bois-Hardel. En octobre 1800 l'église put ouvrir officiellement avec l'abbé Lericollais, originaire des Biards, et comme vicaire F.G. Cordoer qui devint ensuite en 1812, curé de Moulines.
Preuve de la dévotion des gens, on compte encore 14 calvaires sur le territoire de la commune, les plus anciens étant datés de 1754 près de Tournebride, et 1768 pour les cinq croix au nord du bourg, la plus ancienne étant signée de Jean Roupnel sieur des Routils. |
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