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VEZINS Isigny le Buat Publié par Georges DODEMAN g.dodeman@wanadoo.fr
Dans le prolongement du plateau, sorte de barrage naturel prolongeant et dominant les gorges de la Sélune juste avant de plonger sur les étendues de la Baie du Mont St-Michel, Vezins fut dans le passé toujours étroitement associé à la baronnie des Biards. Face au « Terregaste » qui dit bien son nom de terre dévastée, grand glacis longtemps ouvert aux incursions bretonnes, les deux paroisses furent étroitement associées à la ligne de défense de la Normandie ducale comme le prouvent les occurrences de dates.
En effet, ce n'est pas un hasard si la première mention officielle de Vezins date de 1082. Cette année-là, les frères Gautier et Raoul d'Astin (sans doute « d'Hastings en 1066 lors de la Conquête, puis « Datin ») qui ont un autre frère, Johel, abbé de la Couture (près du Mans), font de nombreuses donations locales, dont une au premier curé-prieur, un certain Guillaume Isolant... qui a donné son nom au petit ruisseau du même nom se jetant dans la Sélune.
1082, c'est la date de fondation du prieuré des Biards mais aussi celle de la fondation de la ville de Saint-Hilaire, tout ça dans une période de relative paix et prospérité dans ce petit coin de Bocage, jusqu'ici plutôt malmené par les soubresauts de l'Histoire. C'est l'époque où domine dans la région l'autorité de Robert de Conteville, demi-frère de Guillaume le Conquérant qui, à partir de la baronnie des Biards, consolide les frontières ducales.
Au Biards on l'a vu, la défense s'articulait autour du château et du lieudit « la Ville » ; son prolongement sur Vezins s'expliquait assez bien du fait du relief escarpé et facile à défendre entre l'aval des Biards et le pertuis de la Roche-qui-Boit. Il y avait seulement deux voies d'accès au plateau : le pont de Dorrière et le ruisseau de l'Isolant ; la Sélune n’était franchissable en raison d'un flot assez tumultueux, que sur quelques gués, par ailleurs pas toujours accessibles notamment en hiver : celui du Moulin et le Gué aux Bœufs dans la prairie du Moulin, Dorrière, la Jaunière et le Neufbourg reliant Saint-Laurent-de-Terregatte. Tous ces gués ont bien sûr été noyés lors de la mise en eau du barrage en fin janvier 1932.
On sait par un document de donation des barons des Biards en 1104 qu'il existait un monastère à l'emplacement du presbytère. L’église, de son côté, était sous le patronage des moines de l'abbaye de la Couture, les seigneurs locaux (Guillaume de Brée en 1383, un fils sans postérité, puis sa sœur Blanche épouse de Guillaume d'Harcourt), dont la longue lignée des Davy (de 1410 à 1726) qui finit par leur disputer et remporter la nomination des curés seulement lors d'un procès célèbre (1686-1691).
Les frères Davy, dont un était official à l'évêché d'Avranches c'est-à-dire juge ecclésiastique, achetèrent la seigneurie à Jeanne d'Harcourt vers 1410, en pleine guerre de Cent Ans ; ils purent la conserver grâce à leur indéfectible loyauté à la couronne de France. L’un d'entre eux, Jean, participa à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier (1488) ; son fils Yves, sieur de Vezins en 1523, décéda aux guerres d'Italie sans postérité ; le fief échut alors à son frère, un autre Jean, tué en 1550 aux guerres de religion ; celui-ci avait épousé une Françoise... Davy, en fait une cousine de la branche de Saint-Senier-de-Beuvron, ce qui permit à la lignée de se poursuivre jusqu'à Pierre, assurément le personnage le plus emblématique car nommé seigneur de Vezins à l'âge de cinq ans, en 1562 élevé à la fois par sa belle mère née Abraham du Poncel et son tuteur Pierre Davy, curé de Vezins.
En épousant, en 1578, Anne de la Ferrière de la seigneurie de Saint-Hilaire, il consolida sa situation et fit construire en 1602 le manoir seigneurial face à l'église. Les Davy, durant cette longue période de trois siècles, habitèrent alternativement ce manoir, celui de la Chatterie mais aussi le seul subsistant de nos jours, celui de la Motte (construit vers 1630-1635), acheté en 1715 par Jean Fauchon de Villeplée, famille tenant ce fief éponyme sans interruption de 1452 à nos jours.
Ils parvinrent également, aux termes d'un long procès, à obtenir la nomination des curés contre les moines de l'abbaye de la Couture, ces derniers étant même obligés de faire effacer leurs armoiries, lesquelles dominaient sur la tour de l'église celles des seigneurs locaux.
Charles, le dernier Davy de la branche de Vezins, vendit la seigneurie en 1726 au baron de la Mosson, sieur de Ducey et conseiller du Roi. Malheureusement, ni ce dernier, ni le nouvel acquéreur en 1750, le marquis de Montécot, n'habitèrent plus la paroisse. Le dénombrement des fiefs de 1726 montrait que la seigneurie était restée quasi inchangée depuis 1474 et sans doute avant, bien rassemblée sur Vezins et aussi un peu sur les Biards et Chalandrey.
Les principaux fiefs et aînesses (680 habitants en 1722) regroupaient des villages qui existent encore de nos jours : la Poterie, la Cour du Bois, Villeplée, le Perray et la Desnière, la Ponnière, le Loroux, le Jardin, la Jonnière. Les autres familles nobles habitant la paroisse sous l'Ancien régime étaient les de Verdun à la Cour du Bois et les Mahé (puis du Hamel) à la Saudraye. Les Avenel de Chalandrey tinrent un moment Dorrière si l'on en croit le procès qu'ils perdirent en 1630, l'éphémère pêcherie qu'ils y avaient bâtie prenant toute l'eau aux trois autres sises respectivement le Moulin, le Loroux, le Neufbourg. Ces pêcheries, (il y en avait tout le long de la Sélune en remontant sur les Biards, Saint-Martin-de-Landelles, Virey), étaient des réserves à poisson blanc dont on se nourrissait lors des nombreux jours de jeûne et de Carême. Leur seule présence, sans même parler de celle des tanneries, des moulins à tan et à foulons, des teintureries, des rouisseries de chanvre, toutes activités éminemment polluantes, bat en brèche la théorie actuelle et l'argument principal de ceux qui veulent détruire les barrages !
La Révolution
La Révolution (600 habitants en 1789) ne fit guère de dégâts : le curé intrus Vadaine ne resta que quelques mois sur 1791-1792, la municipalité étant composée dès 1794 d'hommes d'ordre, peu sensibles aux idées nouvelles. Les prêtres réfractaires des environs assurèrent le culte clandestin mais les registres de catholicité ne furent réouverts qu'en 1804 après la réouverture de l'église en 1802 par l'abbé Vassal qui avait été vicaire ici avant les événements. L'église avait été dépouillée, mais restaient les autels et l'ancienne chaire datant de 1697. La paroisse fut plutôt royaliste, en témoigne l’arrestation en mai 1797 d’Anne Lemoussu, née en 1769 à la Pommeraie, qui anima on dirait de nos jours un petit « réseau » travaillant pour les Chouans. Elle avait été repérée depuis déjà deux ans mais elle nia tout en bloc ; elle fut néanmoins condamnée à 9 ans de détention, tout d’abord à Coutances, puis au Mont St-Michel d’où elle ne sortit qu’en 1805, date à partir de laquelle on perd sa trace.
Les municipalités du début XIXème siècle virent se succéder des modérés : François Levindré, (1792), Nicolas Clouard en intermède de 1808 à 1812, puis Jacques Fauchon (1813-1826) et enfin Jean-François Fauchon (1827-1831) ; tous, ils surent s'accommoder des péripéties de l'Empire, de la restauration et sous Nicolas Davy (1832-1846), de la Seconde République. C'est sous le mandat de ce dernier qu'eut lieu l'achat par la commune de l'ensemble presbytère, jardin et plant qui devait amener la future école mais aussi la sacristie et le presbytère remis à neuf. Après Nicolas Clouard (1846-1852), Isidore Lesénéchal (1852-1862) fit décider la construction de l'école. Vezins avait retrouvé 651 habitants, sa population d'autrefois. Louis Morin (1862-1910) eut à gérer une fin de siècle difficile un peu partout : moins d'habitants (523 en 1888), ce qui fit sans doute ajourner la construction pourtant demandée par le préfet d'une école de filles mais la neuve (1856-1860) semblait bien suffisante. La commune avait aussi à gérer comme ses voisines pas mal de pauvres et d'indigents et la générosité était la bienvenue : témoin ce legs apprécié de Mme Sauvé en 1907 qui permit pendant 15 ans de distribuer 300 livres de pain aux pauvres.
Vezins n'a pas conservé son rapport d'instituteur de 1913 qui nous aurait permis de connaître la situation socio-économique précise de la commune juste avant la Grande Guerre qui fit ici 24 morts.
Les maires de l'époque furent Arsène Morel (1910-1914) puis Victor Lemoussu (1914-1919). Ce dernier acta, entre autres, l'installation d'un premier atelier de distillation au Petit-Manoir, Louis Chevalier étant aux commandes de la bouillotte installée au bord de l'étang.
Sous Arsène Morel (1919-1929), la population était descendue à 383 habitants et à peine remise de l'incendie de l'église dans la nuit du 26 au 27 mars 1925 ; la commune devint dès 1927, le centre d'attention de toute la région avec les premiers coups de pioche du grand barrage à venir, achevé sous le mandat de Félix Roupnel (1929-1938).
Un tel « grand chantier » comme on dirait de nos jours, avait attiré une centaine d'ouvriers de toutes nationalités, venus de l'Europe entière, notamment un fort contingent de cimentiers italiens sous les ordres de l'ingénieur Zatti. Toute la commune profita de ce chantier: de nombreux journaliers locaux purent y travailler et le commerce fructifia également du fait des allées et venues entre la bourgade et le site auquel on accédait par l'unique route s'arrêtant à la Cour du Bois. De là, les matériaux stockés dans la cour du château étaient acheminés par des chevaux.
Le chantier lui-même évolua ; en juillet 1929, fut décidée la construction d’une nouvelle centrale hydroélectrique aux machines plus puissantes et de débit plus élevé, celle de la Roche-qui-Boit datant de 1919 s'avérant insuffisante. Les premiers essais d'alternateurs eurent lieu en 1932 et, dans la foulée, la municipalité profita de l’opportunité pour boucler, c'était bien le moins, son dossier d'électrification communale (1931-1934), ainsi que celui de son nouveau groupe scolaire l'année suivante.
Une frénésie d'animations se développa autour des plans d'eau : dancing du Hausset construit par Auguste Philippe en 1934 avec tout à côté, l'hôtel Bernardin. Quand Auguste Philippe partit à Ducey en 1942, Albert Jenssin (ou Jans) et ses frères, les menuisiers Henri et Alexandre, prirent la succession avec leurs épouses Geneviève et Marie-Lou aux fourneaux de l’auberge. On était en pleine guerre, mandat Paul Desloges père (1938-1942) |
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