NAFTEL (ISIGNY LE BUAT)

  CC 25.09 AVRANCHES MONT-SAINT-MICHEL
   
  HISTOIRE
         
   
     
 

NAFTEL Isigny le Buat

Publié par Georges DODEMAN

g.dodeman@wanadoo.fr

Naftel

 

Loin des grandes routes, Naftel conserve tout le cachet d'une vraie petite commune du terroir et témoigne avec sa petite église au patrimoine architectural certain, de ce que pouvait être une petite paroisse de l'Ancien régime.

 

Échappant heureusement à la fureur des guerres de religion car elle n'offrait ni grands châteaux ennemis, ni imposants monastères, et à celle des révolutionnaires parce qu'il n'y avait là pas grand chose à gratter, elle fut encore par bonheur épargnée des bombardements de la Libération qui frappèrent tout à côté à Saint-Hilaire, dans le canton voisin.

 

La commune-canton, son exceptionnelle unité, nous trompe un tantinet sur ce que pouvait être ce petit coin de la Normandie profonde juste avant le grand chambardement des années révolutionnaires. Naftel, dont l'étymologie n'est pas certaine, dépendait du doyenné de Saint-Hilaire quand, tout à côté par exemple, Montigny et la Mancellière étaient rattachées à Cuves. Malgré sa maigre population, jamais guère plus de 200 habitants, elle eut toujours curé et vicaire, dépendant étroitement de Saint-Hilaire via la sergenterie Corbelin qui avait son siège au manoir de la Corblinière du nom des seigneurs du même nom jusqu'en 1517. Quand Nicole Corblin épousa Pierre de Bordes capitaine du château d'Avranches, Naftel resta dans cette famille et ceci jusqu'en 1700 pour passer ensuite par mariage aux de Pracontal. La visite pastorale de l'évêque Daniel Huet l'été 1694 montre 130 habitants et déjà une « petite école » tenue par Samson Tétrel.

 

La Révolution passa sans trop de dégâts, M. de Pracontal ayant dès l'an II, apporté de lui-même à la mairie ses titres féodaux pour les brûler. Les curés constitutionnels (Jacques Le François et Claude Nicolle), sans doute du fait de la proximité de la Garde nationale de Saint-Hilaire, ne furent jamais inquiétés ; tout au plus l'arbre de la Liberté fut coupé mais les deux prêtres ne quittèrent la cure qu'après le Concordat.

 

De 1793 date aussi l'engagement dans le 5è bataillon de la Manche du fils du meunier, Jacques-Philippe Guilmard, dont nous parlons amplement plus loin.

 

Curieusement, fait à rapprocher de la « grande » histoire cette fois, celle de la commune-canton, c'est de 1818 que date un premier projet de fusion entre Isigny et Naftel, mais que cette dernière commune refusa. Projet qui revint à l'ordre du jour quand J.P.Guilmard devint maire d'Isigny (en 1836), mais que son pays natal repoussa à nouveau. Nul n'est prophète en son pays ! On verra au chapitre « écoles » que de nouvelles approches eurent lieu avec d'autres communes mais Naftel refusa encore pour gérer seule la construction d'une première école en 1851 à 80 mètres de l’église, puis d'une seconde plus importante et mixte en 1910 sur un terrain appartenant à Auguste Serrand.

 

Les municipalités du XXème siècle.

 

Les archives municipales sont bien fournies pour cette période où officie depuis le 24 août 1877 comme premier magistrat municipal Charles Auguste Jouenne. C’est à lui que l’on doit l’initiative de la construction de la nouvelle école en 1910 ; François Levindrey va lui succéder (22 août 1909- 16 novembre 1941).

 

Les inventaires liés à la séparation de l'Église et de l'État eurent lieu à Naftel le 11 février 1906 où malgré l'occurrence ce jour du marché de Saint-Hilaire, 150 paroissiens appelés par le glas parvinrent à empêcher l'envoyé du gouvernement d'entrer. Cinq jours plus tard, le percepteur de Saint-Hilaire, accompagné de 8 gendarmes et de 50 soldats surprit la population : on sonna le tocsin, 200 personnes se déplacèrent mais en vain car la troupe cernait déjà le cimetière.

 

Comme dans toutes les communes voisines, le rapport académique de 1913 est éloquent de la faible envergure de cette petite commune essentiellement rurale : 280 hectares pour 204 habitants, 16 propriétaires et 22 fermiers qui louent autour de 100 F l'hectare, chiffre à rapprocher des 300 F l'année pour un journalier ou 1,25 F par jour pour un brassier) occasionnel. Il y a peu de bovins du fait de l'exiguïté des fermes et une modernisation timide : quelques charrues-brabants, faucheuses et râteleuses mais des porcs, des oies et des ruches partout. Les « grands progrès » relevés par l'instituteur sont les deux chemins ruraux devenus vicinaux et donc mieux entretenus en 1911, mais surtout l'avènement de la ligne de chemin de fer Avranches-Domfront qui permet d'exporter des pommes de terre (30 F la tonne), du cidre (0,15 F le litre) par la gare d'Isigny d'où arrive, en sens inverse, de la pierre, de la chaux, et surtout de précieux engrais. Le bourg possède une auberge, deux épiceries, un charron, deux maçons ; le boulanger de Saint-Hilaire passe deux fois la semaine et le boucher le dimanche matin. Les deux grands « pics » de la semaine restent la messe du dimanche matin et surtout l'incontournable marché du mercredi de Saint-Hilaire tout à côté.

 

La grande guerre de 14/18 va faire à Naftel 13 victimes. En souvenir et pour les honorer, le conseil municipal va édifier un monument aux morts qui sera bénit le 22 mai 1921. La commune est alors forte de 222 habitants, travaillée comme partout autour par le problème des bouilleurs de cru qui ont un premier atelier de distillation au Courot (1922), puis dans la prairie de la veuve Cronier (1940). Les premiers emprunts pour l'électrification datent de 1935.

 

Auguste Lefranc (9 avril 1942 au 2 mars 1952) puis Auguste Picot (2 mars 1952 au 30 juin 1968) vont succéder à François Levindrey.

 

L'occupation a laissé quelques souvenirs intéressants dans la mémoire des habitants : la famille Junca ayant déménagé du café-épicerie-mercerie-tabac qu'ils tenaient depuis 1930, les officiers allemands s'y installèrent, une petite « kommandantur » siégeant à la Taconnière avec à la clef concert de musique militaire tous les dimanches et natation virile et sportive des soldats... dans le bief du moulin tout proche ! En 1942, l'occupant sentant sans doute le vent tourner, fit creuser des tranchées-abris le long des routes. A la débâcle de 1944, la scierie attenante au moulin fonctionna 48 heures jour et nuit pour fournir des cales pour le matériel des véhicules allemands. Quelques bombes tombèrent à Courot, la Gérardière, la Tangue, mais la petite commune put s'estimer, par rapport à quelques voisines comme Chalendrey et la Mancellière, relativement épargnée.

 

Dans cet après-guerre, le conseil municipal (secrétaire Gaston Dorrière) nomme Paul Geslin comme sonneur civil, Maria Vadaine, puis Lucie Normand comme gardienne de l’église, Lucien Levannier puis Léandre Couasnon comme cantonniers et confie les gros travaux de voirie aux Ponts et Chaussées en 1953.

 

M. et Mme Junca quittent la commune en 1955 pour mettre en place, avec leur fils Fernand, l'industrie de bobinage électrique industriel qui fera travailler des centaines d'ouvriers à Saint-Hilaire. L'année suivante (1956), démarre le projet de groupe scolaire (voir notre chapitre écoles) qui sera inauguré en 1959 et, fait notable, le 4 mai 1961, une tornade endommage tout à la fois l'église, les écoles, le presbytère.

 

La commune adhère en 1961 au syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable ; deux ans plus tard, elle décide la modernisation des chemins de la Bancière, la Delinais, la Corblinière mais sans pouvoir enrayer la baisse démographique importante : 186 habitants en 1964.

 

A son décès en 1971, Auguste Picot, remplacé car souffrant depuis 1968 par son adjoint Victor Normand, peut s'enorgueillir d'un bilan fourni : ouverture de plusieurs chemins, aménagement des sorties de villages, de la place de l'église, dégagement des virages dangereux de la commune, construction de l'école, de la mairie, rénovation de l'église et du presbytère et de divers autres bâtiments communaux.

 

Le mandat de Victor Normand (27 mars 1971-18 mars 1983), adjoint Alphonse Malle, se place dans un tournant crucial, celui de la fusion des communes et de la création de la commune-canton, ce qui ici, ne se fait pas sans mal. Comme à la Mancellière, le maire est contre et la décision d'adhérer ne se joue que d'une voix... et encore, qui n'a basculé qu'à la dernière seconde après on ne sait quelles « négociations » souterraines. Malgré tout, Naftel échappe donc, contrairement à la Mancellière, à l'oukase préfectoral. C'est une période où on sent bien, malgré tout, qu'un monde s'efface car au moment (1976) où l'enseignante emblématique qu'était Mme Irène Derain depuis 1953 part en retraite, l'école ferme également sa classe unique à la rentrée.

 

René Danguy, maire depuis 1983 aura à affronter la tempête de 1999 qui dans la nuit du 25-26 décembre brisera l'oratoire de la Salette.

 

René Danguy porte un regard lucide sur ces vingt dernières années : « nous sommes passés de 89 habitants en 1983 à 210 à l'heure actuelle. Après de durs labeurs, le remembrement de 1985 a permis de dégager des terrains libres qui, tout en compensant la baisse du nombre d'agriculteurs, a permis d'offrir de nombreux terrains via trois lotissements en vingt ans la construction pour des ménages travaillant à Saint-Hilaire tout proche, voire jusqu'à Avranches. L'avenir est aux regroupements, à une échelle supérieure encore à ce que nous avons connu en 1973 ».