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L’église de Naftel et la vie religieuse Publié par Georges DODEMAN g.dodeman@wanadoo.fr La paroisse de Naftel fut rattachée à celle d'Isigny depuis le Concordat de 1802 jusqu'en 1848, peu de temps avant la chute de Louis-Philippe. Cette année-là, Mgr Robiou nomma à la cure de Naftel l'abbé Couëtil qui était vicaire à Milly depuis 5 ans. M. Couëtil devait rester à Naftel jusqu'en 1861 puis quitter le ministère pour raison de santé.
C'est lui qui fit à l'église les premiers travaux de restauration. L'édifice n'était en ce temps-là qu'une chapelle rectangulaire de 20 mètres de longueur sur 6 mètres de largeur, pas de chapelles, pas de sacristie extérieure. Le chevet était un mur plat qui se situait à la hauteur des 2 premières fenêtres et qui était pourvu d'une belle fenêtre à meneaux. L'autel venait presque jusqu'à la balustrade ; derrière l'autel, la sacristie d'un mètre de large seulement. Du côté nord, une seule petite fenêtre romane, très étroite ; au sud, dans le chœur, 2 fenêtres plus grandes et dans la nef, une belle fenêtre en arc surbaissé, celle qui existe toujours près du clocher et une plus petite à côté. En plus du maître-autel en bois, il y avait un autel en pierre du côté nord le long du mur au milieu de l'église ; c'est l'autel de la Sainte Vierge qui se trouve maintenant dans la chapelle de gauche. |
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M. Couétil commence par réparer les bancs et le confessionnal, repeindre les statues, acheter des ornements et les objets nécessaires au culte : ciboire, custode, croix et chandeliers. Le clocher était entièrement ouvert dans l'intérieur de l'église. Il fait construire un plancher et une cloison en argile, sans doute les 2 arcades en torchis que nous voyons encore maintenant. Il voudrait ouvrir des fenêtres du côté nord, l'une pour les femmes dans la nef, l'autre dans le chœur, pour les hommes, prolonger le chœur de 7 à 8 pieds pour avoir plus de place et une sacristie convenable ; mais la modicité de ses ressources et la cherté de la vie ne lui permettent pas de songer à des travaux si importants. Il achète les deux anges adorateurs qui se trouvaient autrefois de chaque côté de l'autel ainsi que les statues de Saint-Pierre et de Saint-Paul, fabriquées « chez le sieur Duccini, de Coutances » qui se trouvent sous le clocher.
En 1856, il ouvre les fenêtres du côté nord de l'église et il exhausse le chœur d'un pied. On s'explique ainsi la place de la crédence ancienne qui a été mise à jour à la hauteur de l'autel primitif lors de travaux, tout près de la table de communion et en contrebas puisque le niveau a été relevé.
En 1858, il démolit le mur du pignon du chœur avec la belle fenêtre à meneaux, dont son successeur, M. l'abbé François Gautier, regrette la disparition ; et il prolonge le chœur «de 10 pieds » avec un mur à trois côtés. Pas de fenêtre dans le fond ; mais une porte côté sud pour entrer dans la sacristie, derrière l'autel.
Les propriétaires voisins et les habitants qui fréquentent le plus l'église fournissent le bois en quantité suffisante. La pierre de carreau est tirée des carrières de Montault ; la pierre froide vient de la Clavetière, en Montigny.
En 1861, M. l'abbé Couëtil est remplacé par M. l'abbé François Gautier qui reste dans la paroisse 7 ans. Il meurt prématurément, à l'âge de 51 ans, le 3 janvier 1868 et il est enterré dans le cimetière de Naftel. Son successeur nous dit qu'il ne fit pas de réparations urgentes. « Ce n'était pas son goût ; et il accepta les choses comme elles se trouvaient ».
Le 4 février de la même année, il avait pour successeur M. l'abbé Berry. Celui-ci fait remplacer les « misérables bancelles par des bancs clos » et la location des bancs a lieu le dimanche des Rameaux. Le 11 juin, fête du Saint-Sacrement, la paroisse célèbre solennellement la première messe d'un de ses enfants, M. l'abbé Moulin, nommé vicaire à Sourdeval-la-Barre et qui devait mourir curé de Notre-Darne-du-Voeu, à Cherbourg.
L’abbé Couëtil fait réparer 6 petites statues placées le long des murs de l'église. C’étaient celles de Saint-Jacques, apôtre, Saint-Aubert, évêque d'Avranches, Sainte-Anne, Saint-Antoine, ermite, Saint-Côme et Saint-Damien. Sainte-Anne et Saint-Antoine sont toujours dans l'église. Les autres furent placées par M. l'abbé Le Quertier dans le bas de l'église, à la hauteur du clocher où sont toujours restés les piédestaux. Après cela, elles ont émigré au sanctuaire de La Salette où elles souffrirent beaucoup des intempéries ; enfin elles ont dû finir chez un antiquaire.
M. Berry nous parle de la croix du cimetière. Elle fut élevée et exhaussée de moitié par M. Couëtil en 1856. Des fleurs de lys sont gravées aux angles et sur la dalle une épée, plus une pierre tombale du XIVème siècle. On suppose que le fût de la croix venait des colonnes d'un autel ancien qui se trouvait dans l'église.
Il y avait donc autrefois 2 autels en pierre. L'un était consacré à la Sainte Vierge et à sainte Anne. Il existe toujours ; il est très beau avec sa table et ses 2 colonnes de granit. L'autre fut détruit, on ne sait pourquoi. Il était élevé en l'honneur des saints Côme et Damien. On racontait autrefois que la table de pierre avait été prise par un habitant pour en faire l'entrée de son four ce qui faisait dire aux gens que le four « avait la goule bénite ».
En 1868, on pava la nef avec des pierres, débris de construction du chœur de l'église. Le monceau de pierres entassées dans le cimetière obstruait le passage de la procession au nord de l'église. M. Berry acheta les fonts baptismaux actuels pour remplacer une vieille cuve en pierre « inserviable ». Il ajoute : « les murailles de l'église étaient sales et délabrées. Je les fis plafonner en bien des endroits et blanchir partout.». C’est aussi l’abbé Berry qui, les jours de beau temps, effectuait le catéchisme au centre de l'impressionnant if creux (8 mètres de circonférence !) finalement tombé en 1889.
En 1880, M. Berry est nommé curé de La Lucerne d'Outremer ; il est remplacé par M. l'abbé Prével qui venait de Notre-Dame-de-Livoye, canton de Brécey. II avait avec lui son père, ancien instituteur, « géomètre et architecte à ses moments de loisirs ». Il travailla surtout au presbytère dont il fit refaire la partie gauche : petite salle et cave, avec au-dessus les chambres et le grenier. « A mon arrivée à Naftel, écrit-il, l'église heureusement n'avait pas besoin de beaucoup de réparations ». En 1886, il achète le chemin de croix gothique en chrome, double coloris, cadres et couronnements dorés or fin qui existe toujours. Il achète aussi 2 cloches et fait fondre l'ancienne. Signalons qu'en cette même année mourut M. Prével, le père du pasteur, à l'âge de 76 ans. Il avait eu sept enfants qu'il avait tous donnés à Dieu dans le sacerdoce ou la vie religieuse.
Extrait de la Voix des Clochers N° 71 Avril, Mai Juin 1966 L’église dans le XXème siècle
M. l'abbé Le Quertier est le dernier curé résidant de Naftel de 1903 à 1911. C'est à lui que nous devons les derniers grands travaux. Il fait construire une sacristie extérieure pour agrandir le chœur, au nord, malheureusement. Il fait ouvrir une fenêtre au chevet de l'église avec un vitrail en l'honneur des patrons de la paroisse saint Pierre et saint Paul et qui porte la mention « Don de M. Charles Jouenne, maire de Naftel, 1904 ». Il fait ouvrir une fenêtre ancienne, sans doute pour la symétrie avec celle qui existe au nord. Enfin c'est lui qui a fait construire les 2 chapelles, l'une en l'honneur de la Sainte Vierge, l'autre en l'honneur du Sacré-Cœur et qui est devenue la chapelle des baptêmes.
Les inventaires de 1906 n'ont pas laissé dans les archives de traces particulières, le premier numéro du bulletin mensuel paroissial du curé Lequertier n'y faisant même pas allusion. En 1926 eût lieu la première messe de l'abbé Vadaine, enseignant à l'Institut N.D. d'Avranches et surtout bien connu des Saint-Hilairiens car chapelain à partir de 1972 des sœurs Clarisses. La petite et pittoresque église a connu plusieurs visites épiscopales : en 1931 pour le baptême de la troisième cloche par Mgr Louvard (nommée « Juliette ») et en 1974 quand Mgr Wicquart vint bénir la restauration des travaux de l'église, (peintures et électrification des cloches), financés par la vente l'année précédente de l'ancien presbytère.
Une dizaine d'années plus tôt, en 1961, l'église avait été visitée par la commission d'art sacré qui avait conseillé la suppression de la chaire et de l'autel, la mise en évidence des statues et de la croix précieuse dont nous développons |
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La statue de la vierge et la croix précieuse
D'après un savant archéologue qui s'est occupé avec beaucoup de zèle des belles statues de notre région, la petite église de Naftel, perdue au milieu de grands arbres plus élevés que son humble clocher en bois, peut être citée comme type d'église du sud de la Manche. Malgré son aspect d'une modestie touchante, cette église contient des richesses artistiques dignes d'un grand musée.
Dans l'embrasure de la première fenêtre de la nef, du côté de l'épître, se trouve une statue en calcaire de la Vierge et l’Enfant et une croix avec un médaillon, sculpté et percé à jour. Ces deux œuvres ont été classées par les Beaux-Arts.
La Vierge et l'Enfant s'offrent tout d'abord à nos regards quand nous entrons dans l'église. C'est une statue de pierre d'un mètre de haut qui a reçu plusieurs couches de peinture, mais qui en ce moment, est toute blanche, La Vierge porte l'Enfant sur son bras gauche et sa taille assez fortement cambrée permet d'attribuer cette sculpture au XVème siècle. L'attitude est celle de la grande dame pleine de majesté : elle porte une couronne sur la tête. Le visage est encadré de deux longues tresses de cheveux, symétriques, et d'un voile sur les épaules ; la robe retombe en larges plis et la main droite semble retenir un des pans du manteau qui passe sous le bras gauche et se déploie en une belle draperie à mi-corps. Ainsi se présentent un grand nombre de statues. |
La Vierge et l'Enfant |
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A Naftel, le sculpteur a montré plus d'originalité et de fantaisie dans le geste de la Vierge et de l'enfant Jésus. Le sceptre royal ou le lys sont remplacés dans la main droite par un gros fruit à côtes, difficile à identifier, gros comme une poire ou une figue.L'enfant Jésus s'amuse avec beaucoup de grâce et de naturel. Il a pris dans ses deux mains la ceinture de sa mère après l'avoir fait passer sous son pied comme un étrier.
Dans l'embrasure de la même fenêtre se trouve une sculpture très rare dans notre région : une croix avec un médaillon sculpté et percé à jour. La croix tourne sur un pivot dont la base est en granit. La croix est en pierre calcaire et le détail des costumes indique qu'elle remonte au XVème siècle. Le médaillon a deux faces avec des personnages ; d'un côté, on voit le Christ en croix, ayant à sa droite sa mère qui se lamente, les mains jointes ; Saint Jean porte la main droite au visage et tient son évangile de la main gauche ; de l'autre côté, on voit la Vierge et l'Enfant, encadrés de deux saints, à droite un ermite, à gauche un évêque. Sur le fût de la croix, sont sculptés deux personnages à genoux : un homme et une femme, sans doute les donateurs qui ont offert cette croix en ex-voto pour une grâce obtenue. Le pied de la colonne est entouré d'une guirlande de fleurs de lys et de coquilles. L'ensemble est remarquable par l'harmonie des proportions, l'expression des figures et les couleurs, pâlies par le temps, soulignent la finesse des sculptures. |
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Naftel, Isigny-le-Buat, Manche Xfigpower — Travail personnel |
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