MONTIGNY (ISIGNY LE BUAT)

  CC 25.08 AVRANCHES MONT-SAINT-MICHEL
   
  HISTOIRE
         
   
     
 

MONTIGNY Isigny le Buat

Publié par Georges DODEMAN

g.dodeman@wanadoo.fr

Montigny

 

Comme sa voisine de la Mancellière, Montigny est une ancienne paroisse type de l'Ancien Régime, dont la complexité initiale, s'est éclaircie au XVIIème siècle, suite d'une part aux bienfaits du concile de Trente et de l'organisation née des débuts de l'absolutisme royal rencontrant l'établissement de grands seigneurs (ici les Doysnel) dont la richesse profita à tous via l'organisation et les dotations de la paroisse et de la cure. N'oublions pas que ces deux dernières, avant l'avènement de la Commune, après la Révolution régentaient tout autrefois.

 

L'étymologie de Montigny en elle-même reste assez obscure : en latin Montineium veut dire habitation de Montinus ? Mesnil Montiniacum sorte d'habitation haute ou Montineium qui sent encore fort le gaulois, sinon le gallo-romain ?

 

Comme toutes ses voisines, la paroisse dût s'organiser vraiment autour des 7-8ème siècles avec une église en bois, laquelle comme bien d'autres n'a pas laissé de traces. On sait seulement qu'elle fut reconstruite en 1600, puis 1663 (voir notre chapitre spécial sur l'église), au moment où, on l'a dit plus haut, toutes les paroisses de la région s'organisent vraiment autour de la réforme tridentine. Celle-ci visant à faire butte à l'esprit de changement de la Réforme, fait suite au bon demi-siècle de chaos des guerres de religion en « maillant » tout le territoire d'églises, sinon de chapelles, servies par une armée de prêtres cette fois bien formés, sortant des séminaires instaurés, entre autres par notre voisin virois, St-Jean-Eudes.

 

Montigny, auparavant n'était peut-être pas la plus mal lotie des paroisses vivant sous l'ancien système féodal. Elle était un peu écartelée entre sa situation religieuse (relevant du doyenné de Cuves), féodale et administrative (faisant partie de la vicomté de Saint-Hilaire, mais gérée par la sergenterie Martin, plus proche, de Chérencé-le-Roussel), avec comme grands protecteurs au-dessus, les comtes de Mortain. Ce furent d'ailleurs eux, en 1082 (la même année que la fondation officielle de la ville de Saint-Hilaire par exemple), qui donnèrent l'église aux chanoines de la Collégiale, situation qui perdura jusqu'au XVIIIème.

 

Sous la houlette de ces hauts protecteurs, il y eût donc des « de Montigny » jusqu'à la guerre de Cent Ans, habitant le « Manoir » juste en dessous de l'église, puis pour deux siècles (1401-1646), la paroisse resta dans l'apanage de « grands » avec les marquis d'Isigny, également seigneurs de Brécey qui finirent par aliéner le fief en trois portions d'envergure inégale, et qu'il nous faut détailler :

 

•          Le « grand fief » de Montigny comprenait les aînesses suivantes : la Sufficière, la Brévinière, la Martinière, la Fauconnière, la Bigottière, la Prévostière, le Tertre, la Hézière, le Tertre-Gérard, la Grande Befferie, le Serroir, les Renaudières, le Chatellier, la Marche, le Hallais, les Gondinières, la Mandière, le Champ de l'Epine, la Devinière, le Bois Frazier, la Clavetière.

•          Le « petit-fief », seulement la Hortière

•          et il en existait un troisième « en roture », c'est à dire tenu hors des titres nobiliaires, (ce qui explique sûrement qu'on ait du mal à identifier ses tenants et sa situation exacte), mais qui pourrait bien être « le Repas » car on sait qu'il relevait de la prévôté du Mesnillard qui est juste à côté.

 

A partir de 1609, Jean Tesson se mariant avec Anne du Pont, dame du Mesnil fit donner au manoir qu'il fit construire en bordure de la Mancellière le nom de « Pont-Tesson », et l'on verra dans la rubrique la Mancellière que ce fut son fils qui, quelques années plus tard, en 1653, fut le créateur du grand fief et dessina à peu près la géographie actuelle de cette paroisse voisine. Les bons génies qui se penchèrent alors sur le berceau de la paroisse furent, à peu près à la même époque, en 1697 les Doysnel, l'incluant dans leur marquisat tout neuf dit de Montécot qui comprenait aussi Cuves et Husson. S'ils n'habitèrent jamais Montigny, leurs largesses permirent de moderniser l'église et la cure. A cette époque, fin XVIIIème siècle il y avait à Montigny plus de 100 feux, 600 habitants, un notaire (Jean Fontaine), un juge de Paix (Pierre Corion en 1787), un curé bon gestionnaire (Pierre Boudier) qui fit plus que doubler le revenu de sa cure supervisant de plus deux écoles à la fois de filles (institutrice Marie Hamelin), et de garçons (Jean-René Grassin).

 

Pierre Boudier était aux commandes de la paroisse depuis 1761 quand survint la Révolution. Il refusa de prêter serment, émigra et l'église dépouillée et fermée, mais non profanée fut réouverte au Concordat par le réfractaire Henri Girois qui se cachait souvent tout à côté « aux Gondinières ». La paroisse, comme ses voisines était plutôt royaliste et fournit d'ailleurs des troupes à l'armée catholique et royale lors de son passage dans la région à l'automne 1793, mais ne connut pas d'exactions notoires dans cette période troublée. En septembre 1815, on note le séjour d'une compagnie de Uhlans qui firent remarquer, plus d'un siècle à l'avance, la rigueur des troupes germaniques car ils allaient tous les matins en bon ordre à la revue près de l'ancienne école, sur la vieille route de Cuves.

 

En 1825, la reconstruction du presbytère commence à grever le budget de la commune pour plusieurs années, puis en 1836 il faut s'atteler aux chemins. On a recours alors à deux journées de travail pour chaque habitant chef de famille.

 

En 1848, sous la municipalité Jean Jouenne (1837-1855), un chêne est planté près de l'ancienne école, route de Cuves. Il faut savoir en effet qu'avant 1850, date de la construction de la route actuelle Saint-Hilaire-Brécey, on se rendait à cette ville par le Chatelier et le Clos des Saules. La route de Cuves, elle, longeait le cimetière et se rendait de là, directement à l'église de Reffuveille.

 

Les archives paroissiales ont gardé trace dans tout le XIXème siècle d'une activité agricole féconde, et une démographie se tenant particulièrement bien : 600 habitants en 1833, 508 en 1882, 510 en 1888, 474 en 1913, année dont le rapport de l'instituteur donne un véritable instantané de la vie de la petite commune. L'agriculture y est prospère et bien organisée : sur 903 hectares, il n'y a que 6 d'incultes et de bois, la majeure partie (320 ha) étant prise par les céréales, les prés (98 ha), et surtout les 50 ha de vergers produisant 50 000 hl de pommes, exportées en large partie vers la Bretagne et le Maine. Il y a presque autant de propriétaires (42) que de fermiers (60), ces derniers louant autour de 125 F à l'hectare, chiffre à rapprocher de ce que touche un des 50 commis ou domestique à l'année (de 100 à 120 F). « Trop peu de machines, élevage routinier » note le magister, mais les récoltes sont meilleures du fait des engrais qui arrivent désormais régulièrement dans les gares proches de Mesnil-Boeufs et du Pont d'Oir, les machines (5 faneuses, 2 batteuses à vapeur, 10 à chevaux, 30 charrues-brabant) ayant tendance à remplacer les journaliers.

 

C'est la grande époque du cheval (130 ici), le début de l'élevage laitier (300 bêtes à cornes), mais aussi des porcs (150) et des brebis (200), il y a des ruches (150 dont 30 à cadre) dans tous les villages dont le produit est vendu au marché de Brécey, mais surtout de Saint-Hilaire. On y va même quand il n'y a aucun commerce à faire, simplement pour se distraire et voir les amis , « vésins » et autres « connaissances ».

 

En 1913 à Montigny, seules 5 personnes touchent une retraite, deux villages ont disparu (le Boulay, les Epinettes), dont deux étapes de moins pour le facteur Chasles qui, depuis 21 ans vient à vélo de Saint-Hilaire pour desservir Virey, Montigny et un bon tiers de Martigny. Le bourg a ses deux épiceries auberges tenues par Frédéric et François Pigeon, un patronyme fameux ici car au moins 7 familles, pas toutes unies d'ailleurs portent ce nom.

 

Au Repas où il y avait encore deux sabotiers et un tisserand en 1870, il reste un « cordonnier ès chaussons de hêtre » et deux charrons à la veille de la Grande Guerre qui fit ici 20 victimes.

 

En 1919 Ferdinand Garnier, maire de 1919 à 1921 va succéder à François Jouenne.

 

La lecture des journaux de l'entre-deux guerre montre les débuts de la querelle des bouilleurs de cru. Ferdinand Garnier a pu ouvrir dès 1917 une distillerie au Manoir, et en 1922 le conseil municipal sous le mandat Henri Mazier (1921-1927) demande l'installation d'un atelier public avec quatre chaudières sur un terrain jouxtant le Moulinet. Comme d'autres, il démissionnera dans son ensemble lors des grandes manifestations de 1935.

 

La période est aussi émaillée à partir de l'élection de Victor Pigeon (1929-1971) de péripéties électorales pittoresques où on « blasonne » dur dans la presse locale quand certains se ramassent « des vestes sans doublures ». Tous les protagonistes électoraux de l'époque ont leur surnom : Quaduflair, Goule Darange, Tête de Houx, Ronflot, Pilefer, Frtizouille...

 

En 1921 un legs important de Mme Deguette au profit du bureau de bienfaisance (15 indigents en 1927) avait donné de l'air aux finances locales soucieuses de modernisation .

 

Le long mandat de Victor Pigeon, près de 50 ans ( né en 1881, conseiller dès 1925, maire en 1929, décédé en 1971 à l’âge de 91 ans) fut extrêmement fécond car il avait l'oreille des puissants au Conseil général. On lui doit l'électrification dès 1930, les chemins en deux temps (1932-1938 et 1947-1954), l’agrandissement de l’école en 1955, toutes les routes goudronnées avant guerre.

 

La dernière guerre fit ici deux victimes (François Milcent et Charles Charuel) et l'habituel cortège de récriminations contre les Allemands qui pillent le foin, les basse-cour, les vergers, ou réquisitionnent les chevaux.

 

Albert Ronceray (ancien maire du Mesnillard, nous lui avons consacré un portait dans notre précédent ouvrage sur le canton de Saint-Hilaire) fut un de ceux qui a libéré la commune de Montigny le 3 août 1944.

 

Albert possédait un poste à galène, les Américains ont annoncé à la radio BBC leur passage. Albert s’est rendu au carrefour du Repas à pied voir les Américains qui descendaient de Reffuveille où ils avaient livré bataille. Ils se dirigeaient vers Saint-Hilaire. Une escouade de 18 soldats est sortie de la ferme de la mère Martin Lucie. Ce n’était pas des Américains mais des Allemands. L’officier allemand est venu vers Albert lui donnant une tape sur l’épaule et lui dit « Vous, nous conduire aux Américains en tant que prisonniers ». Albert ne lui a pas répondu. L’officier a renouvelé son geste. Mais Albert a répondu que, les Américains, il ne les avait pas vus et qu’il fallait descendre sur Montigny. Il s’est donc dirigé vers la route de Brécey. L’officier allemand et ses hommes étaient démoralisés : « guerre finie ! nous kaputt !» déclara l’officier. A la Croix Pigeon, pas d’Américains. Un camion US est passé mais le chauffeur a accéléré craignant d’être attaqué.

 

A Montigny, sous la forge de François Pigeon, se trouvaient une vingtaine de personnes. A hauteur de la maison de la mère Lemoussu, sortit une jeep venant de la Mancellière. Voyant les Allemands, l’ordonnance américaine a sauté de sa jeep, armé. L’officier allemand et ses hommes ont obtempéré ; l’ordonnance a fait le tour des Allemands où il y avait deux grands blessés. L’officier américain a ordonné aux prisonniers de mettre les mains sur la tête, excepté les 2 blessés puis se dirigeant vers Albert, l’a salué. Toutes les personnes qui étaient sous la forge de F. Pigeon sont sorties et ont applaudi. La jeep a fait demi-tour et a rejoint la Mancellière où il y avait un camp de prisonniers allemands. Albert est rentré chez lui sans en parler à ses parents, redoutant de son père « un coup de pied au cul » pour avoir pris de son propre chef des initiatives dangereuses.

 

Dans ces conditions, on s'en doute, la Libération du pays fut accueillie avec joie d'autant que Montigny connut, le 10 juin 1945, le passage du général de Gaulle en route vers la cité-martyre de Saint-Hilaire, détruite quelques mois plus tôt à 70% par les bombardements. On décora la route au passage du grand homme, et une gerbe de fleurs lui fut remise par les deux fillettes Geneviève et Hélène Charuel, pupilles de la Nation. Quelques jours plus tard, la population de Montigny fut bien sûr nombreuse à se joindre au cortège qui escorta jusqu'au château du Bois-Tyrel où elle faisait étape, la statue de Notre-Dame-de-Boulogne (voir notre chapitre le Mesnil-Boeufs).

 

Outre le maire Victor Pigeon, cette époque de l'après-guerre fut marquée par le souvenir des époux Luce enseignants et secrétaire de mairie (de 1945 à 1956) qui ont marqué des générations d'élèves et qui reposent désormais dans le petit cimetière local.

 

La vie redémarra avec les fêtes patronales (1951), l'aménagement (1959) du terrain des sports, la création de l' A.S.C.M (Association Sportive et Culturelle de Montigny) en 1966 et du Foyer des Jeunes en 1971. Nous consacrons en fin de rubrique un chapitre spécial à ces deux associations qui ont irrigué ensuite, jusqu'à nos jours toute la vie associative de la commune.

 

En 1964, avec la création du syndicat cantonal à vocation multiple, commença la réflexion qui allait déboucher moins de dix ans plus tard, sur la commune-canton initiée en grande partie par Auguste Pinel, enfant de Montigny né au Buat, mais établi à Pain d'Avaine à partir de 1953.

 

Sous le mandat de Louis Besnard (1971-1977), successeur de Victor Pigeon, furent ouverts routes et chemin, le bourg aménagé en 1972 avec de la pierre locale en provenance de la Clavetière, la transformation du presbytère en gîte rural en 1972 et la réorganisation foncière s'étalant de 1972 à 1977.

 

Auguste François, maire, de 1977 à 1995) accompagna toute la politique de développement et l'épopée des « vingt glorieuses » (1973-1993) de la commune-canton sans oublier Montigny : aménagement du territoire, désenclavement des écarts, construction des quatre logements de la cité Victor Jouenne en 1983 et la création de sanitaires et cuisine à la salle des fêtes en 1982.

 

Maurice Orvain qui avait été son adjoint lui succéda (1995-1999) juste avant d'être élu maire de la commune-canton et avant de passer le relais à Michel François le 23 mars 1999.

 

Michel François, c'est le fils d'Auguste François et dans cette famille on n'a pas peur de prendre des responsabilités puisque Michel est aussi, depuis 2004, président du syndicat d'électrification de Saint-Hilaire. « Le P.L.U (plan local d'urbanisme), sur dix ans a permis de bien cerner les problèmes liés à l'espace rural et de conserver des exploitations dynamiques. On a aussi eu la chance de voir s'installer deux artisans en 2009. La démographie est en légère régression certes, mais on maintient un vécu grâce à des associations dynamiques, une salle des sports, un foyer des jeunes actif. Pour la réforme des collectivités il faut attendre et voir, la commune-canton a quand même prouvé son efficacité non ? »