MONTGOTHIER (ISIGNY LE BUAT)

  CC 25.07 AVRANCHES MONT-SAINT-MICHEL
   
  Seigneurie. Anciennes familles. Principaux villages
         
   
     
 

 

MÉMOIRES DE LA SOCIETE D'ARCHITECTURE

 

LITTÉRATURE, SCIENCES & ARTS

 

DES ARRONDISSEMENTS

 

D'AVRANCHES & DE MORTAIN

 

Années 1892 — 1893

 

 

MONTGOTHIER

Seigneurie. Anciennes familles. Principaux villages

 

Montgothier commune du canton d’Isigny, faisait autrefois partie du doyenné de Cuves, et pour le civil dépendait de l'élection et vicomte de Mortain. De 1718 à 1749 cette paroisse dépendit de la vicomte de Saint-Hilaire : elle était comprise dans la sergenterie Corbelin. L'église est sous l'invocation de Notre-Dame.

 

On trouve le nom de cette paroisse diversement écrit, Mansgoteri, Mans Gautheriiy Mons Walterii, Montgotes, Mont Gauthier ; c'est toujours le mont de Gauthier, et le mont appelé de Gautier fut probablement d'abord le Bouée qui est une des collines les plus élevées de la paroisse. Mais à quelle époque vivait le seigneur Gautier qui lui donna son nom, rien ne l'apprend non plus. Il y a un village portant le nom de Moinerie, et cependant il ne parait pas que jamais aucune abbaye ait possédé des terres en Montgothier depuis le Xk^ siècle. Dans ce cas, la Moinerie pourrait rappeler le souvenir d'un ancien monastère existant avant l'invasion des hommes du Nord, et, par la même, rappekr le lieu ou fut bâtie l'église primitive.

 

Au XIIeme siècle, Montgothier faisait partie de la baronnie des Biards; et vers 1180, Guillaume Âvenel seigneur des Biards, du consentement de ses fils Rolland, Nicolas et Olivier, fit présent à l'abbaye de Savigny de loo sols de rente annuelle sur son bois taillis de Montgothier, dont 60 sols furent donnés par les mains de Guillaume d'Astin (de Vezins), et de Guillaume du Fléchet (de Saint-Aubin-de-Terregatte), chevaliers, qui furent les témoins de cette donation.

 

Au XIIIeme siècle, le fief de Montgothier appartenait à des seigneurs Grimant qui avaient des possessions à Saint-Sénier-sous-Avranches, La Boulouze, le Grand-Celland, Mesnilozenne. On voit paraître plusieurs seigneurs de ce nom aux assises d'Avranches. On y trouve en 12 16, Willaume et Roger Grimant, en 1218, Eudes et Roger Grimaut; en 1221  1225, Eudes et Robert Grimaut. Un titre du XIIIeme siècle porte que le Roi ayant présenté pour Téglise de Montgothier un prêtre nommé Thomas de Forges, Grimaut de Montgothier écuyer, fit opposition assurant que la présentation de cette église lui appartenait; et ce seigneur Grimaut fut reconnu patron présentateur.

 

Vers le milieu du xni* siècle, le fief de Montgothier passa dans une famille de Combray. On trouve vers 1250 Nicolas de Combray seigneur de Montgauthier chevalier, faisant une donation au prieuré du Plessis-Grimoult. Richard de Combray seigneur de Montgauthier vivait en 1296, Jean de Combray seigneur de Montgauthier écuyer, vivait en 13 18 ; ces de Combray étaient de la même famille que les de Combray seigneurs de Sacey. En 1469, Montfault trouva noble à Montgothier Jehan de Montgauthier; c'était un descendant des de Combray qui peu à peu avaient pris le nom de la paroisse où ils résidaient.

 

Vers 1 520, le seigneur de Montgothier était Yves de Billeheust, fils de Jean de Billeheust, né à Saint-Pair-le-Servain ; mais il ne laissa qu'un fils nommé Arthur qui mourut sans postérité. Alors la seigneurie passa dans la famille de Gouyn. On trouve en 1676 Charles de Gouyn seigneur de Montgothier, en 1729 et 1736 Jean de Gouyn seigneur de Montgothier. De la famille de Gouyn elle passa vers le milieu du siècle à M. d'Atys qui était seigneur de Montgothier en 1749, et de M. d'Atys dans la famille du Quesnoy. On trouve en 1771 et en 1783 Mme Françoise de Verdun, veuve de messire Jean-Angélique du Quesnoy chevalier de Saint-Louis, seigneur d'Apilly, dame de Montgothier.

 

Le château de Montgothier existe encore ; il est situé à une certaine distance de l'église, près de la rivière d'Oir, du côté de Marcilly.

 

Parmi les noms anciens dans la paroisse de Montgothier, on peut citer les suivants : Boudet, (jadis très nombreux), Piquois, PouUain, Le Guérinais, Hardy, Hamelin, Maillard, Le Meteyer, La Chapelain, Loyson, Lebocey, Barbé.

 

Les principaux villages sont : la Forge-Coquelin (en partie) la Châterie, la Gueudîère, la Datinière, la Bouvrie, les Portes, la Petitière, la Moinerie, la Guérinière, les Forges, la Goronnière, le Laisier, le Tertre, la Chabotière la Tonnellerie, la Pollerie, la Métairie, la Poulinière, le Château, etc. Il y a au Bouée d'assez beau granit^ mais l'accès des carrières est difficile.

 

Curés de Montgothier de 1611 à 1790.

Revenus et charges de la cure

 

François Abraham, curé de Montgothier, décéda en 1600. François Auvray, clerc du diocèse, fut nommé le 8 juillet 1611.

 

Nicolas Gaudin décéda en 1676.

 

René le Prieur, curé de la Gohannière, doyen rural de Tirepied, fut nommé le 16 novembre 1676. C'était un des prêtres les plus remarquables du diocèse par sa science et sa piété. Etant allé à Paris après son ordination, pour y compléter ses études théologiques, il avait assisté plusieurs fois aux prédications du Père Jean Eudes, et de concert avec Michel Anger, jeune prêtre de Vengeons, il avait pris le parti de revenir dans son diocèse pour travailler à y faire ce que le vénérable Eudes faisait à Paris. Deux pensées le dominèrent toujours, il avait i cœur l'Œuvre des Missions, et spécialement encore la réforme du Clergé par l’éducation de ceux qui aspiraient au sacerdoce. Dès 1666, étant curé de la Gohannière et doyen rural de Tire-pied» il s'associa avec M. Gombert» curé de Saint-Martin-des- Champs, pour fonder un séminaire à Avranches, avec l'agrémont de i'Evèque. Mais diver$ obstacles qui s'opposèrent assez longtemps à l'érection régulière et durable de ce séminaire, le déterminèrent à rester dans sa cure de la Gohannière, où avec l'assentiment de I'Evèque il réunit plusieurs jeunes gens pour les préparer à la réception des saints ordres, œuvre qu'il continua, lorsqu'il fut curé de Montgothier. Ce saint prêtre mourut vers 1695, laissant une mémoire très vénérée. On ne tarda pas à faire des pèlerinages à son tombeau pour obtenir la guérison de certaines maladies. Le culte qu'on lui rendait ainsi n'étant qu'un culte privé, n'avait rien de contraire aux règles de l'Eglise, cependant des curés trop zélés peut-être essayèrent de l'empêcher, dispersèrent même les personnes qui venaient prier auprès de ce tombeau. Les pèlerinages n'en devinrent que plus fréquents, mais au lieu de se faire en jour, ils commencèrent à se faire la nuit. Par suite, il s'est introduit dans ces pèlerinages qui se £9nt encore quelques fois^ des pratiques assez superstitieuses.

 

Pierre Vaullegeard, prêtre de Sourdeval, frère de M. Julien VauUegeard curé de Champcey doyen-rural de Genêts, fut nommé curé vers 1695, ^^ mourut en 1729.

 

Julien de TOsscndière, prêtre de Saint-Cyr-du-Bailleul, vicaire de Sainte-Marie^u-Bois, fut nommé le 12 mai 1729 et décéda en 1736.

 

Julien CoUibeaux, prêtre de Bareoton, bachelier en théologie de la faculté de Paris, curé de Beauvoir depuis 1754, fut nommé le 12 mars 1736. Le 10 juin 1749, Mgr Durand de Missy donna la confirmation ' à Montgothier et fit la visite de l'église. Il y avait trois calices d'argent ; les ornements étaient convenables, \ts fondations bien acquittées, les titres et papiers bien en règle ; l'église était en bon état ainsi que les chapelles de saint Mathurin à droite et de saint Laurent à gauche ; tous les livres étaient encore rotnains. Le revenu du trésor était de 78 livres^ celui des fondations de 200 livres. Le sieur Jean Lelandais tenait l'école des garçons^ Thomasse Rendu celle des filles. M. d'Âtys était alors seigneur de Mootgpthier et ce fut lui qui reçut l'évèque dans son château. Julien CoUibeaux décéda en 1756.

 

Laurent-François Leprieur, prêtre des Biards, présenté par M. d'Atys, fut nommé le 13 octobre 1756. En 1764, il avait pour vicaire Michel Leprieur, et la maîtresse d'école était Claude Anfray. — Laurent Leprieur mourut en 1771.

 

Jean-Henri Duchemin, prêtre de N.-D.-des-Champs, présenté par Anne-Simonne-Françoise de Verdun, veuve de J.-B. -Angélique du Qjiesnoy, seigneur d'Âpilly, dame et patronne de Montgothier, fut nommé le 3 septembre 1771 et mourut en 1783.

 

Louis Guyon, pirêtre de N.-D.-des-Champs, ancien vicaire de Saint-Oven, titulaire de la chapelle de la Paumerie en cette paroisse, fut nommé le 30 mai 1783.

 

Le curé de Montgothier jouissait de toutes les dîmes de la paroisse et des aumônes qui étaient assez considérables, mais il était tenu à fournir le traitement d'un vicaire, à l'entretien et aux réparations du choeur de l'église. En 1648, le revenu du bénéfice était évalué à 400 livres; en 1774 à 14 ou 1500 livres. En 1787 et 1788, le curé paya chaque année 200 livres de décimes. Dans sa déclaration du 15 novembre 1790, M. Goyon évaluait son bénéfice à un revenu de 2. 500 livres. Le Directoire du district de Mortain réduisit son traitement à 1.295 Uvres et accorda en plus celui d'un vicaire. La population était alors de 588 habitants.

 

Montgothier de 1791 à 1800.

Conduite du clergé

Esprit de la population

 

Le curé était M. Louis Guyon. M. Jean Trochon de Saint-Oven remplissait les fonctions de vicaire et de maître d'école depuis 1771. M. Pierre-François Hardy, ordonné prêtre en 1789, était resté dans sa famille depuis lors et n'exerçait aucune fonction.,

 

Ces trois prêtres refusèrent le serment schismatique, restèrent dans la paroisse, aussi longtemps que cela fut possible, passèrent à Jersey en septembre 1792 et de là en Angleterre.

 

On dirait quelquefois que les noms influent sur la conduite de ceux qui les portent ; le curé que le suffrage des électeurs porta à la cure de Montgothier se nommait Pierre Patouil. Né à Saint-Georges-de-Rouelley, il avait été ordonné prêtre en 1779; et depuis lors, avait exercé divers ministères, aux Biards, à Saint-Laurent-de-Terregatte, à Buais, à Saint-Georges-de-Rouelley; depuis quelques années il était parti dans le diocèse du Mans. Il arriva à Montgothier en juillet 1791 ; et si l'on excepte une demi-douzaine de patriotes, personne ne fréquenta ses offices^ Comme il ne se montrait pas persécuteur, on le laissa tranquille dans l'exercice de ses fonctions, et il les exerça jusqu'en 1793 ; à cette époque, il annonça à ses rares auditeurs que le citoyen Pierre Patouil allait contracter mariage, ce qu'il fit en effet en présence du maire ; il resta cependant dans la paroisse jusqu'en 1795, et le i**" pluviôse an m il fut pris volant du blé dans une grange, par les propriétaires de cette grange Nicolas et Jean Lebocey et deux de leurs domestiques, Jean Barbé et Pierre Couëtil. Conduit devant le juge de paix de Pain-d'Aveine, il fut envoyé de là devant les juges du district de Moruin et condamné à plusieurs mois de prison. Mis en liberté.

 

Il se retira au Neufbourg et y resta jusqu'à Tan vit. Dans ce temps, il alla définitivement se fixer à Saint-Georges-de-Rouchey où il se fit tisserand pour gagner sa vie. Devenu libre en 1842 par la mort de sa concubine, il fit une rétractation publique dans l’église de Saint-Georges, et demanda pardon de tous les scandales qu'il avait donnés. U mourut Tannée suivante âgé de 88 ans, dans des sentiments chrétiens.

 

La conduite du curé intrus de Montgothier n'était pas de nature à concilier les habitants au schisme. Elle ne fit que confirmer dans la foi ceux qui d'abord s'étaient montrés chancelants. Dominés par la crainte de tout ce qu'ils voyaient et entendaient, les habitants ne furent ni républicains ni royalistes ; ils visaient à n'attirer sur eux l'attention ni des uns ni des autres. Les prêtres fidèles ne cherchèrent point asile parmi eux ; cependant ils ne furent point dépourvus de secours. Il y en avait plusieurs qui se cachaient dans les paroisses voisines, et qui vinrent à Montgothier aussi souvent que leur présence y fut nécessaire. Un jeune homme de la paroisse, Claude Le Chapelain, très fervent chrétien, allait les avertir quand il y avait des malades, et les conduisait par les chemins les plus sûrs ; il exposa souvent sa vie pour la cause de la religion et rendit d'incontestables services.

 

Cinq prêtres fidèles exercèrent le ministère dans la paroisse pendant les plus mauvais jours; ce furent MM. François Mondin de la Godefroy, René Prével des Biards, Henri Girois de Saint- Georges-de-Rouelley, Louis-Noël Chapel de Notre-Dame-de-Livoye et Louis- Jean Hardelé de Ducey. Ce fut ce dernier qui exerça le ministère le plus important. Caché à La Mancellière, tantôt au Champ-Hue, chez un tisserand, tantôt au Coudray près de Montgothier, il venait très souvent dans la paroisse, mais habituellement il n'y célébrait pas la messe, et les fidèles allaient y assister soit au Coudray, soit au Champ-Hue.

 

Au commencement de uf93, Téglise qui avait été déjà dépouillée par ordre du distriA fut fermée; on en enleva quelques statues, mais elle ne fut ni profanée ni dévastée ; un républicain de la paroisse qui dès 1791 avait acheté les aumônes de la cure, acheta aussi le presbytère vers 1794. Il n'y eut d'ailleurs aucun trouble notable, aucun grand désordre ; pendant presque toute la Révolution, la sœur Leboccy tint réguUèrement l'école dans une boulangerie à peu de distance de l'église.

 

Montgothier depuis 1800

 

M. Hardelé rouvrit l'église de Montgothier au mois d'avril tSoo. Son premier acte est du 25 août; mais quelques feuillets du registre ont disparu. Il desservit la paroisse à titre provisoire jusqu'au retour de M. Guyon. Son dernier acte est du 25 février 1802. Nommé alors curé de Saint-Jean-le-Thomas, il resta peu de temps dans cette paroisse et alla se retirer aux environs de Rennes, où il mourut au bout de quelques années. M. Guyon rentra vers le mois de février 1802, Comme il n'y avait plus de presbytère, il alla habiter l'ancien château situé à un kilomètre et demi de l'église et qui déjà tombait presque en ruines. H mourut le 3 avril 1806 et eut pour successeur M. César-Jean Davalis, né au Buat en 1767. M. Davalis, ordonné diacre le 20 mars 1790, avait émigré à Jersey au mois d'août 1792 ; mais dès le 26 novembre de la même année, il obtint du directoire du département la permission de rentrer en France, moyennant qu'il signerait la promesse de se présenter à toute réquisition. Etant donc rentré en France, il alla demeurer à Saint-Malo dans une maison de commerce; de là il se rendit à Paris vers 1797, et y reçut la prêtrise des mains de Mgr de Maillé de la Tour Landry, ancien évêque de Saint-Papoul, et aussitôt après revint au Buat. Mais il ne tarda pas à être arrêté et incarcéré au MontLibre. Remis en liberté vers 1799, il exerça le ministère dans différentes paroisses, tantôt ouvertement tantôt en se cachant, suivant que les circonstances l'exigeaient. Nommé curé de Montgothier en i8o£, il y travailla avec un grand zèle à réparer les ruines de la Révolution. C'est sous son administration que le presbytère actuel fut construit; mais il feut le dire, il a été augmenté et notablement modifié depuis. Une mort prématurée enleva M. Davalis à l'affection de ses paroissiens, le 23 avril 1812.

 

M. Trochon, ancien vicaire de Montgothier, avait été nommé curé de Saint-Oven, et il y était mort le lo juin 1806.

 

M. Hardy, resté en Angleterre, reparut une fois à Montgothier sous l'administration de M. Adelée et après y avoir passé quelques semaines s'en retourna en Angleterre, où il mourut longtemps après.

 

Aujourd'hui, le presbytère et les écoles de Montgothier sont dans un état convenable; mais il n'en est pas de même de l'église. On a le projet d'en bâtir une nouvelle, et il est bien à désirer que le projet soit mis à exécution.

 

L. C.