MONTGOTHIER (ISIGNY LE BUAT)

  CC 25.07 AVRANCHES MONT-SAINT-MICHEL
   
  LES CARRIERES DE GRANIT
         
   
     

Carriers

 
 

Les carrières de granit sur « le Bouée »

Texte de Marcel VAUPRÉS. (Relevé dans la Revue de l’Avranchin n° 251 de 1967)

 

Le « Mont Bouée » fait partie d'une chaîne centrale qui part de Mortain. Il s'écarte de la ligne droite du faîte, pour s'avancer comme un cap au milieu des schistes micacés. En passant, on peut signaler que ce mont était surmonté d'un dolmen, ou table de pierre, qui servait d'autel aux druides. M. l'abbé Desroches pense que le nom de « Bouée » donné à cette colline viendrait du fait que les prêtres druidiques immolaient des bœufs sur cette petite « montagne ».

 

Il est certain que des carrières existaient au « Bouée » et qu'il fut un temps où ces carrières étaient très prospères. Les carriers habitaient surtout les villages de « La Houstière », du « Tertre », de la « Poullinière », de la « Chabottière », de la « Perrelle ».

 

Vers le début du XXe siècle, il y avait environ 70 ouvriers à travailler aux carrières ; ils avaient à peu près tous des « surnoms ». Les carrières disparurent peu de temps après la guerre de 1914-1918. Ceux qui connaissent le « pays » comprendront bien les causes de cette disparition : la dureté du travail d'abord et aussi la difficulté de l'extraction. Le granit était dur à travailler. La croix du cimetière de Montgothier, qui date de 1854, faisait partie d'un même bloc avec celle du Mesnil-Ozenne. Le bloc fut fendu en deux ; avec un « burin », les ouvriers faisaient un trait d'une profondeur de 10 à 15 centimètres dans tout le sens de la longueur puis, avec des « calots » de bois qu'ils enfonçaient dans cette rainure, la pierre se fendait.

 

Il y avait deux forges aux carrières pour tremper les outils et les « battre ». Quand les blocs étaient taillés, il fallait les charger sur les voitures. Une grande roue avait été installée à cet effet. La pierre était reliée à la roue par des « chapelets de fer ». Deux hommes montaient dans la roue et la faisaient tourner. La pierre montait et venait se placer sur la voiture qui avait été « acculée » pour permettre au bloc de prendre sa place.

 

Mais le départ des hommes pour la guerre a désorganisé le travail des carrières ; plusieurs ne sont pas revenus, d'autres ont trouvé le travail difficile sur ce haut-lieu de Montgothier. Aussi, petit à petit, les chefs de chantier ont quitté le « Bouée » pour aller vers Gathemo et Montjoie, emmenant avec eux une partie de leurs ouvriers. C'est le même filon de granit que l'on trouve à Gathemo.

 

Le départ des carriers a fait baisser le chiffre de la population de Montgothier et des villages entiers ont disparu. En 1856, nous notons une population de 667 habitants, puis, en 1901, elle ne sera plus que de 512, pour tomber à 381 en 1921. Un village comme celui de la « Houstière », qui comprenait au moins douze feux, est complètement vide aujourd'hui. La « Chabottière »,  « Le Tertre » et la « Poulinière » ont perdu chacun de quatre à cinq feux. Des petites maisons d'argile sont tombées en ruines et il ne reste souvent que des pans de murs couverts de lierre et de mousse, derniers vestiges d'un passé laborieux.

 

Les années ont recouvert le granit du « Bouée » et maintenant, il ne reste que peu de traces de ces fameuses carrières. Pourtant, les anciens se souviennent et ils reparlent encore de ce passé avec admiration et reconnaissance.