LA MANCELLIERE (ISIGNY LE BUAT)

  CC 25.07 AVRANCHES MONT-SAINT-MICHEL
   
  LE CHATEAU
         
   
     

La Mancelieret

 
 

Le château de la Mancellière

Publié par Georges DODEMAN

g.dodeman@wanadoo.fr

 

Le château primitif fut construit vraisemblablement vers 1655 à l'époque où Jean Tesson du Pont-Tesson en Montigny commença à rassembler sous son aile le grand fief dit du Bois-Frazier et la plupart des autres qui coupaient la paroisse. Il en possédait déjà le tiers autour du château, mais aussi les fermes du Challenge, de la Roche avec son fameux moulin établi sur le ruisseau du Gué qui fut entièrement refait avec ses trois tournants superposés sous les directives d'Armand de Tesson. Ce moulin complétait le moulin Mancel appelé aussi Moulin Grimault, dérivé de l'Oir, qui fut propriété des abbés de Montmorel de 1401 à 1620, puis des de Romilly et des de Tesson quand ils réunirent ce fief.

 

Primitivement, le château se trouvait au fond d'une cour bordée de communs au levant et au couchant et fermée au midi par un mur qui fut plus tard remplacé par une grille à barreaux très épais.

 

Vers 1852, le château ancien fut entièrement refait sous Armand de Tesson, doté de deux belles avenues, dans un panorama magnifique avec de nombreuses pièces d'eau à proximité : les étangs naturels du Laizir, du Moulin de la Roche, celui artificiel du Manoir, enfin le pittoresque « Marabout » établi en 1842 comme rendez-vous de chasse proche des grands bois jouxtant la route de Brécey.

 

Dans son histoire du diocèse d'Avranches (1888), le chanoine Pigeon cite la chapelle de Sainte-Marguerite du château de la Mancellière comme étant en parfaite conservation et fort bien tenue. Située dans l’angle nord-est de la cour, elle a un petit campanile et est percée de trois fenêtres, deux grandes à arc déprimé et une petite carrée au-dessus de la porte. Les linteaux de cette porte et de la petite fenêtre sont ornés d'accolades creuses. Sur les murs sont peintes les armes d'alliance des Tesson et des Lorgeril surmontées d'une couronne de Marquis.

 
     
 

Les de Tesson sont une famille d'une ampleur considérable. Issus à l'origine de la maison royale d'Anjou, ils furent parents et alliés du Conquérant, et donc presque cinq cents ans plus tard, répartis en plusieurs branches (aînée dite du Buat, du Neufbourg en Vains, de Sartilly, de la Guérinière) ; ici c’est celle dite de Monteille qui possède une soixantaine de seigneuries rien que dans l'Avranchin et le Mortainais.

 

Jean Tesson du Pont-Tesson qui  prend en charge la seigneurie en 1654 est officier de la flotte royale, colonel de la Milice de Mortain dans une époque (1698) où l'intendant Foucault recense 157 feux soit environ 600 habitants à la Mancellière. C'est son fils Robert lui aussi militaire (il fera la guerre aux frontières avec l'Allemagne) qui unira tous les fiefs précités donnant à la paroisse une belle homogénéité autour de son château (voir notre chapitre spécial), mais aussi autour d'une cure de haut niveau. Le prieuré-cure voit passer des religieux d’envergure comme Charles Le Noble (1697-1717), chanoine régulier (Augustinien) titulaire de la chapelle Saint-Blaise de Saint-Hilaire, grand vicaire de Montmorel, conseiller à la Grand Chambre de Rouen (où il sera d'ailleurs inhumé). Les archives sont, à partir de 1580, déjà tenues pour les baptêmes : 1602, les épousailles : 1666, les mortuaires. Elles sont rédigées en double exemplaire dès 1668 et en 1699 le prieur-curé remet la grosse (copie d'un acte authentique) au chapelain de l'Officialité (à Avranches), et même à partir de 1708 au greffier du baillage à Mortain.

 

C'est donc une paroisse particulièrement bien tenue sous Robert de Tesson, ce qui n’empêche pas ce dernier d'avoir le malheur de perdre son fils de 18 ans le 21 avril 1718, tué dans une émeute suscitée à Caen par le cocher du carrosse de la dame du Mesnil-Patry. Celle-ci pourtant dans son tort, mais ayant comme on dirait maintenant, « des relations », le procès s'éternisa et les de Tesson n’eurent aucune compensation. Son successeur, Germain (1682-1745) ajouta au domaine le fief du Roy en la Chapelle-Urée ; Gabriel-Michel (1729-1776), en se mariant en 1776 à Louise de Lorgeril (des comtes de Lapenty, Buais, Saint-Symphorien-des-Monts) à Lapenty, ancra encore plus la famille dans l'entrelacs des familles nobles de la région, puisque ses descendants (Louis-Auguste ancien page de Louis XVI et le chevalier Jean-Baptiste) épousèrent après la Révolution deux sœurs de la famille de Lorgeril. Ces deux jeunes gens avaient émigré en 1792 pour Jersey et c'est leur mère, veuve, qui affronta avec ses deux filles cette difficile période. Elles se réfugièrent quelques mois en 1794 à Mortain, mais revinrent au château, veillant au grain en cette époque troublée et parvinrent à rétrocéder des biens assez peu entamés à leurs descendants lorsqu'ils firent retour en 1802 (4 fermes : le bourg, la Pichetière, la Viéville, la Poulinière furent confisquées par la Révolution mais assez vite rachetées par les de Tesson  retrouvant ainsi leurs biens).

 

Durant toute cette période, le salon du château accueillit les messes des prêtres réfractaires de passage dans la région (Davalis, Lericolais), l'intrus Charles-François Touroul (natif du Mesnil-Boeufs) s'étant retiré dans sa commune d’origine dès 1792.

 

Le 16 juillet 1799 le château fut même le théâtre d'un important combat mené par le comte du Ruays qui, à partir de la ferme du Mesnil-Houx, menait des reconnaissances sur toute la région. Le jour de la Sainte Anne, il cerna à Beauficel un convoi de jeunes gens requis qu'il ramena à la Mancellière. Mais Avranches prévenu lui envoya de la cavalerie qui sabra la troupe, arrêtée seulement par un feu nourri tiré des fenêtres du château. Les prisonniers furent presque tous repris avec des morts des deux côtés, dont un pauvre bougre caché dans un cerisier et qui fut fusillé séance tenante.

 

Le bâtiment est toujours resté dans la famille, transmis par les descendants Louis (maire en 1816), Armand (maire en 1848), Gabriel (maire en 1898, décédé en 1936).