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Le Mesnil-Thebault |
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LE MESNIL THEBAULT Isigny le Buat Publié par Georges DODEMAN g.dodeman@wanadoo.fr
Nobles hommes du Mesnil-Thébault, tout à la fois seigneurs et vassaux d'eux-mêmes » ! Cette apostrophe, datant de 1636, illustre parfaitement l'originalité de ce petit coin de terre que l'on imaginerait au premier abord « coincé » entre deux grosses entités féodales (la puissante baronnie des Biards et Isigny qui relevait directement des comtes de Mortain) et qui sut finalement jouer de l’ambiguïté de cette situation.
« Pour vivre heureux, vivons cachés » disait le fabuliste Florian au XVIIIème siècle. Mesnil-Thébault, un peu à l'écart, longtemps dirigé par une petite seigneurie lointaine, sut se faire oublier des guerres, des famines et de toutes les grandes catastrophes de ces temps anciens. A l'origine, avant l'An Mil, il n'y avait là qu'une grande forêt appartenant aux Parain sous les frondaisons de laquelle, en pleine période érémitique, s'installa lieudit « le Plant », une communauté de femmes. Leur chapelle St-Pierre fut le premier siège de la paroisse, même si plusieurs trouvailles archéologiques du XIXème laissent entendre une occupation plus ancienne du site. Les trouvailles archéologiques assez nombreuses montrent que l'emplacement était sans doute d'ancienne habitation. En 1818, Julien Roussel mit à jour à Launay un atelier de fondeur. En 1855, Charles Cordon découvrit au Châtel des pots de terre significatifs de l'époque préhistorique, tout comme en 1877 Charles Guérin à la Haute-Bercoisière, une hache de pierre. A la même période, des travaux au Plant, découvrant une cavité profonde près d'une cheminée, semblèrent accréditer la légende qu'il existait entre la chapelle devenue église et ce lieudit, un souterrain où aurait été enterré un trésor si peu profond que « chaque jour, un merle pourrait le découvrir de son bec ».
Autre particularité : les habitants y furent longtemps francs de coutumes et même exempts de guet au château de Mortain car ils avaient à garder nuit et jour les pêcheries du voisinage de novembre à juin. L'apparition en 1195 dans les comptes de l'Échiquier de Normandie d'un Pierre Thébault, bienfaiteur de la première église, est à rapprocher de la période faste de la fin de la Normandie ducale qui bénéficia à toute la région : la charte de fondation de Saint-Hilaire est de 1082, tout comme la fondation des prieurés des Biards et Vezins tout à côté. L'autre chance des habitants fut de voir la paroisse s'en aller dès 1343, pour les dîmes (et donc les impôts !) à la lointaine abbaye de Moutons dans la forêt de Lande-Pourrie située dans le sud du département de la Manche et, pour le séculier, à des seigneurs guère voraces, le principal fief, le Genestais relevant même directement des comtes de Mortain. Y habitaient en plus, les de Hauteville (1570-1750) qui étaient loin d'être en odeur de sainteté dans la région puisque protestants, qui finirent par abjurer vers 1685 et s'allier enfin en 1750 aux de Bordes sieurs de Chalandrey.
Comme il n'y avait là, ni gros château, ni riche abbaye pour s'attirer de mauvaises rencontres, ce petit coin de Mortainais sut comme on l’a dit plus haut, se faire oublier, abritant néanmoins de nombreux petits hobereaux centrés sur leurs petits coins de terre : les Le Maignen (de 1570 à 1884 à la Mignonnerie où les restes du vieux logis furent abattus en 1825), les Le Gager de 1570 à 1780 à la Grande-Bercoisière (voir notre encadré ci-après), les de la Barberie à Avalis jusqu'en 1759, les Le Rogeron au XVIIIème à la Gaulardière, les du Buat aux Fourcées jusqu'en 1854.
C'est ce qui explique sans doute la relative prospérité de la paroisse où, sous Louis XV, on relevait une vingtaine de naissances par an. Le 13 juin 1748, l'évêque Durand de Missy, accueilli lors de sa visite pastorale par le curé Foursin, premier grand rénovateur de l'église avant l'abbé Moisseron un siècle plus tard, recensait 300 communiants, une centaine de feux et ménages soit près de 600 habitants et déjà deux écoles : une de filles tenue par Madeleine Coquelin et une de garçons administrée par Jean Le Saulnier et le vicaire.
Jean Hantraye (né vers 1620), supérieur du séminaire d'Avranches (1), précepteur de la riche famille de Rohan, avait été un des pionniers de l'application locale de la réforme tridentine, et il semble donc normal que sa paroisse natale fut ainsi bien administrée.
(1): Jean Hantraye, né vers 1620 au Mesnil-Thébault, précepteur des enfants de la puissante famille de Rohan, refusa le canonicat facile qui s'offrait à lui grâce à l'appui de ces puissants seigneurs pour se consacrer au ministère pastoral, priorité des prescriptions du concile de Trente qui visait à contrer l'idéologie protestante. Présenté à la cure par le marquis d'Isigny, il devint le doyen de Saint-Hilaire et fut un des trois fondateurs, en 1666, du séminaire d'Avranches (situé en fait à St-Martin-des-Champs). Les deux autres fondateurs étaient Robert Gombert de N.D. De Livoye mais aussi René Leprieur, curé de la Gohannière, ancien curé de Montgothier. Jean Hantraye fut secondé à Isigny par Nicolas Montier (né en 1630) qui, après avoir exercé à l'Hôtel Dieu Paris, revint dans sa paroisse natale pour succéder ensuite à Jean Hantraye à Saint-Hilaire en 1675 quand ce dernier devint supérieur du séminaire, puis en 1683 principal du collège d'Avranches. A son décès en 1693, le séminaire fut pris en charge par les Eudistes, ordre spécialisé dans la formation des prêtres. |
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L'église et la vie religieuse Publié par Georges DODEMAN g.dodeman@wanadoo.fr
A flanc de vallon, l'église du Mesnil-Thébault a une riche histoire bien mise en valeur par ses différentes reconstructions dont la plus importante, celle de 1890, a connu les festivités d'un centenaire très fêté dans la commune avec le concours de toute la population.
Les vieilles chartes laissent entendre que la première collectivité religieuse suivit en fait une chapelle de moniales qui s'installèrent au Plant avant l'An Mil, la première preuve d'un véritable édifice paroissial datant de 1195 avec la trace d'un Pierre Thébault... qui donna sans doute son nom à l'agglomération naissante.
Le paradoxe, c'est qu'ensuite l'église sous le vocable de Saint Pierre fut entièrement refaite en 1742 sous le curé Michel Foursin, un des autels à gauche venant de l'abbaye de Montmorel dans le bois d'Ardennes près Ducey, et l'autre à droite, celui de la Sainte-Vierge, acheté à Paris.
Sous l'abbé Tancrel qui suivit se construisit le presbytère neuf en 1777, l'ensemble étant, selon les visites épiscopales avant la Révolution, un des plus beaux du diocèse.
Or, les troubles révolutionnaires étant passés par là, à la réouverture en 1803, elle n'était plus qu'une masure menaçant ruine ! Il fallut donc tout refaire ; on y pensa dès 1867 mais les municipalités successives ayant d'autres soucis, ce n'est qu'en 1882 que le conseil municipal décida d'ouvrir une souscription... qu'il fallut aussitôt accélérer car l'année suivante, la foudre tomba sur le clocher en bois ! En 1884, on se résolut donc à étudier un projet de clocher en dur, la municipalité aidée aussi par le legs du curé Guillaume Mesnil qui avait pu apprécier la vétusté de la bâtisse, véritable hôtel des courants d'air ! Son successeur le curé Victor Moisseron prit en 1885 les choses en main, bien assisté par une municipalité bienveillante emmenée par Albert Guérin et un mécène local, l'homme de loi Alfred Letourneur-Dubreuil.
La première pierre fut posée le 20 juillet, les travaux menés par l'entreprise David Datin d'Hamelin. Quatre ans plus tard, le 4 mai 1890, l'évêque venait bénir cet imposant édifice où l'abbé Moisseron, habile ébéniste et sculpteur, avait réalisé à lui seul une bonne partie du mobilier et des boiseries du chœur. Dans son époque de construction, on refit également la grosse cloche ainsi que de remarquables vitraux (St-Michel et St-Pierre), venant de l'atelier parisien Léon Tournel, le St-Roch étant un des premiers dans le Sud-Manche venant de l'atelier Duhamel-Marette. Le chemin de croix fut l'œuvre galvanoplastique de l'érudit local Charles Guérin tandis que le peintre Gérard Cochet restaura le superbe tableau offert en 1800 par le dernier seigneur du lieu Tancrède de Hauteville.
Une importante mission en 1910 précéda l'érection de la flèche et la bénédiction des 5 croix couronnant l'édifice dont la solennité ne manqua pas d'être toujours fêtée ensuite. En 1936, une grande fête de charité célébra le cinquantenaire ; en 1951, une grande mission eut encore lieu, la dernière, car cette année coïncide aussi avec le départ du curé Jules Sauvage dernier résident.
La paroisse fut alors administrée de l'extérieur (Cyrille Confiant (1951 – 1955), Maurice Leclerc (1955-1958, Henri Legrand (1958-1966), Michel Trublet (1966-1976), Camille Hamel (1976-1986) avant que le doyen Michel Seigneur (1986) ne réunisse toutes les paroisses sous le vocable St-Martin d'Isigny en 1994.
A partir de 1970, le presbytère n'étant plus loué et étant devenu une lourde charge pour la commune, il fut mis en vente. La mémoire de la construction de l'église n'était cependant pas éteinte car en 1990, une grande fête présida au centième anniversaire avec éclat : défilés, plaquette historique, dans un bel élan populaire qui mobilisa tout le monde. Nous en publions ci-après les principales scènes. |
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Église Saint-Pierre du Mesnil-Thébault (XIXe siecle), ISigny-le Buat Epncantonducey — Wikimanche |
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La Bercoisière Publié par Georges DODEMAN g.dodeman@wanadoo.fr
Les registres paroissiaux de la commune du Mesnil-Thébault mentionnent à la fin du 17ème siècle le « Seigneur le Gager » propriétaire terrien à « la Bercoisière ». Les armoiries de cette famille se devinent encore sur le granite d’une cheminée de ce manoir époque XVème siècle et l’accès aux étages se fait toujours par un remarquable escalier hélicoïdal en pierre.
Vers 1780, cette ferme-manoir devient la propriété de Pierre Guérin, propriétaire terrien au Moulinet et maire de la commune.
La période révolutionnaire ensanglante le bocage jusqu`au Mesnil-Thébault. La Bercoisière est une cache de prêtres réfractaires à la Constitution Civile du Clergé, dont en particulier, l`abbé Jean-François Guérin que ses cousins dissimulent aux chasses des autorités. Le jeune prêtre exerçât auprès des villageois des environs un ministère héroïque jusqu`en 1793, date à laquelle il fut dénoncé et exécuté sans procès à Saint-Hilaire-du-Harcouët, (plaque dans l’église de Saint-Hilaire-du-Harcouët).
Au gré des alliances et des héritages, la Bercoisière et son exploitation agricole demeurent au sein de cette famille jusqu`à l`époque contemporaine. La tourelle et sa poivrière ont fait l’objet d’une restauration complète en 2001 par le propriétaire actuel, rendant ainsi au manoir sa silhouette d’origine, bien typique de la région.
A titre familial et se rapportant à l’histoire du Mesnil-Thébault, on doit évoquer la mémoire de la famille Guérin, très présente sur cette commune pendant plus d’un siècle et demi et particulièrement celle des frères Albert et Charles Guérin.
Les inspections canoniques des années 1763-1764 de Mgr de St-Germain insistent sur un cimetière bien clos et une église « parmi les plus belles du diocèse » ! A noter que le presbytère fut construit en 1777. Une prospérité qui n'empêchait pas comme ailleurs, l'apparition de fulgurantes épidémies de « fièvres tierces » (dysenterie) qui, faute d'antibiotiques à l'époque, faisaient des ravages. En 1780, par manque de porteurs indique la tradition, les morts devaient être transportés en leur dernière demeure par tombereaux entiers ! A l'invitation de la châtelaine, on engagea des dévotions à St-Roch, patron collatéral de la paroisse après St-Pierre, qui était spécialement invoqué pour la préservation contre les épidémies, mais aussi pour la bonne santé des bestiaux et des cultures. Et miracle, tous ces malheurs cessèrent aussitôt ! En 1785, les registres paroissiaux signalent une averse de grêle dévastatrice et la fondation, par le riche et influent curé Nicolas Tancrel , de trois lits pour les pauvres à l’hôpital d’Avanches.
Depuis 1760, il n'y avait plus que trois familles nobles sur la paroisse : les Le Gager à la Grande Bercoisière, les du Buat aux Fourcées et Tancrède de Hauteville, dernier seigneur du Mesnil-Thébault, qui représenta d'ailleurs la paroisse pour la noblesse, assisté du curé Tancrel, tandis que pour le tiers Philippe Cordon et Jacques Lemarchand représentaient la paroisse aux états généraux.
En 1790, aucun des trois prêtres présents ne consentit à prêter serment mais ils restèrent en place jusqu'en 1792 où l'intrus Jacques Boursin resta moins d'une année en fonction. Le culte clandestin fut donc assuré par des réfractaires qui se cachaient le plus souvent au Moulinet dans la famille Guérin.
La famille Guérin fut frappée directement quand quelques excités venus de Virey sous la conduite du révolutionnaire Hamonière s'emparèrent d'un de leurs enfants, Jean-François Guérin. Ce dernier, ordonné en 1785, attendant un poste définitif mais malade, fût arrêté le 5 mai 1793 et mourut le 9 mai, faute de soins à Saint-Hilaire où il avait été emmené. Sa mort fut vengée en août 1795 par les Chouans qui, informés d'un retour de permission d'Hamonière alors en garnison à St-Lô, l'attendirent au passage près du bois de la Gasneraie sur les Biards, le poursuivirent et finirent par le tuer dans l'avenue du manoir des Genestais.
Durant tous ces temps troubles, le Moulinet continua d'héberger plusieurs prêtres, derrière le fond mobile d'un vieux meuble à usage de laiterie, dont le fameux abbé Prével (voir les Biards), tué le 17 janvier 1796 aux Landelles. L'église, pendant ce temps, fut dépouillée de ses ornements mais non dévastée et simplement fermée. Elle ouvrit de nouveau ses portes en 1803 avec le curé Charles-Nicolas Le Ricollais qu'on appelait le « grand curé » car, non seulement il était de haute taille, mais il savait tenir tête à son évêque. Sous sa houlette de 1803 à 1839, puis sous celle de l'abbé Guillaume Mesnil (1842 à 1885) qui engagea la rénovation de l'église terminée sous l'abbé Moisseron (voir chapitre église), la paroisse devenue commune se structura avec des citoyens dynamiques dont les frères Guérin demeurent le parfait exemple. C'est en particulier à leurs efforts et à leur capacité de fédérer les générosités et les compétences que Mesnil-Thébault aménagea son bourg et reconstruisit (1890) son église. Tous les deux vivaient à la Bercoisière et sont inhumés dans le cimetière du Mesnil-Thébault.
Le XIXème siècle, comme dans tout le canton et pour toutes les municipalités, porta l'accent sur les écoles avec déjà (voir le chapitre écoles), l'idée originale du maire d'Isigny, Jacques Philippe Guilmard d'associer plusieurs communes pour assurer l'enseignement, du fait d'une population relativement importante : 575 habitants en 1856 dont 17 indigents. Toutes les années précédant l'inauguration en 1868 de la nouvelle école (mandat Pierre Jouenne de 1844 à 1872) furent aussi marquées par le vote nécessaire aux dépenses contribuant aux chemins de grande communication traversant la commune : du Pointon route de Saint-Hilaire à Avranches et d'Isigny à Fougères par Monthault. A noter encore, au titre des faits divers, le terrible orage du 4 août 1826 qui fit deux morts à Launay, plus une femme qui rentrait la moisson avec deux bœufs et qui furent également foudroyés !
Albert Guérin (1872-1902) et Julien Marie Cordon (1902-1914) eurent la difficile charge d'endiguer un exode rural général dans la région (427 habitants en 1911), et la séparation de l'Église et de l'État, vécue comme un traumatisme, surtout au regard des sacrifices consentis particulièrement ici pour refaire l'église à neuf. Le 9 février 1906, le percepteur Pouillard, d'Isigny, se présenta à la porte de l'église où l'attendait le curé en surplis et étole, entouré d'une soixantaine de paroissiens. Pour bien faire établir la violence qui était faite à l'édifice, il laissa donner un coup de hache à la porte avant d'en remettre les clefs.
Le rapport académique de l'instituteur en 1913, montre un bourg réduit à trois maisons autour de l'église, mais encore nanti de nombreux artisans : charrons, charpentiers, épicier, deux aubergistes, couvreur en paille, et même un perruquier ! Sur les 600 hectares cultivés par 59 propriétaires et 78 fermiers, la moitié l'était en céréales, 71 en prairies, 50 en vergers. L'instituteur se plaignant amèrement « des enfants trop écoutés chez eux...pour une réprimande un peu sévère », les parents après lecture des journaux ou conseillés par l'opposition menacèrent le maître de le « dimancher » (c'est à dire, de le congédier) ! Et il ajoutait avec une pointe de ressentiment laissant bien comprendre l'hostilité sourde de la population à l'école publique laïque et obligatoire « dans un autre corps d'enseignement (comprenez l'école dite « libre » ou confessionnelle), on évite de mettre à découvert la plus petite chose ». |
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