|
||||||||||
|
||||||||||
CPA collection LPM 1900 |
||||||||||
Bordée à l’Ouest par le ruisseau de Pierrezaubes qui séparait sous l’Ancien Régime l’Avranchin du Mortainais, l’origine étymologique du nom de la paroisse demeure incertain. On a parlé de « Chatel-André », ou de « Calendra » de « tour » en latin, mais il faut plutôt le rapprocher de la notion de « challenge » (Chalandrieu, Chalandré, en 1598) ou de terre disputée ou contestée du fait qu’elle est contiguë de « Les Chéris » située dans le canton de Ducey voisin dont l’origine est là, plus claire : le vieux verbe « escharir » en ancien français voulant dire « partager ».
Il n’est pas toujours aisé de comprendre la situation de ces anciennes paroisses qui ne se rattachaient à rien de ce que nous connaissons aujourd’hui. Chalandrey dépendait pour le religieux du doyenné de Saint-Hilaire et de la sergenterie Corbelin représentant l’administration royale qui sous-traitait ainsi ses prérogatives à des privés pendant tout le Moyen-Âge. Du fait de sa situation un peu excentrée et en bordure de l’Avranchin, sorte de « balcon »sur la Baie du Mont-Saint-Michel, elle fut constamment tiraillée entre ses deux gros fiefs : celui de Chalandrey et de Monchouet.
Le premier fief relevait de la baronnie des Biards (dont on reparle longuement dans la rubrique de cette commune) avec, dès le XIe siècle, un Gautier qui signe la charte de donation de l’église de Vezins à l’abbaye de la Couture près du Mans. Elle est donc aux Avenel qui perdent le fief lors de l’invasion anglaise et le retrouvent en 1458. Cette puissante famille l’occupe encore jusqu’en 1533 où, restée fidèle à la couronne de France triomphante de la Guerre de Cent Ans, elle parvient à réunir, sous le nom de baronnie de Dorières, un important territoire qui va donc de Chalandrey jusqu’à Bois-Guillaume (sur Saint-Aubin-de-Terregatte), Bouffigny, le Haut-Surlair et Dorières (en Saint-Laurent-de-Terregatte).
Dix ans plus tard, en 1542, la seigneurie reprend son autonomie tout en rendant aveu aux barons des Biards car elle commence à s’étendre sur les Chéris et le Mesnil-Thébault. Les Avenel s’y maintiennent jusqu’en 1651 où Laurence épouse un Taillefer ; puis le fief va aux de Bordes, de Marcilly, déjà possesseurs du Plantis en les Chéris. La réunion de l’ensemble est effective en 1725. Il y a sur ce fief un manoir avec douves et fossés et une chapelle dédiée à la Vierge et à saint Julien.
L’autre fief, celui de Monchouet, était aux de Beaulinges, puis aux Roussel de la Bazoge, enfin aux Payen et aux de Bordes, leurs alliés début XVIIIe siècle ; ces familles, on l’a vu plus haut, étaient voisines.
Les archives relevées par Victor Gastebois, l’historien du Mortainais, nous montrent le 8 octobre 1735 le somptueux mariage de Julien Barbot avec Marguerite Payen, fille de l’écuyer Payen, sieur des Beaulinges. Les jeunes gens ne se connaissaient quasiment pas, s’étant seulement croisés au marché de Saint-Hilaire, la cérémonie après des « menantises » ou fiançailles de plus de six mois, s’opérant par l’intermédiaire d’un marieur ou entremetteur, à savoir ici un dénommé Jérôme Lepeltier que l’on dédommageait par le don d’un chapeau !
La noce fut menée grand train avec plus de 60 chevaux, le montage d’un « mai », (mât fleuri) un tonnerre de coups de fusils, les chemins d’accès à la paroisse étant semés de fils de laine, et maints tonneaux de « bon bère » mis en perce. Le trousseau ne comprenait pas moins de 100 draps et autant de chemises afin, comme dans toutes les campagnes environnantes, d’assurer seulement deux grandes lessives par an. Le soir, on dansa au son de la clarinette et du violon du sabotier Jamin. Chalandrey à cette époque recensait 170 feux et près de 700 habitants.
On mesure, grâce à l’examen des archives épiscopales, la prospérité sur un siècle de ces petites paroisses rurales. Le 26 août 1696, l’évêque Daniel Huet, parti de Saint-Hilaire, y avait trouvé 400 communiants, une école menée par un laïc, deux sages-femmes et deux chapelles, celle du cimetière déjà en ruines en 1600 n’existant plus. N’étaient plus opérantes que celle domestique du manoir de Monchouet, dédiée à saint Georges (servie jusqu’en 1709, disparue en 1752) et la plus ancienne, Saint-Marc de Pierrezaubes, qui appartenait aux sieurs des Biards et desservie à raison d’une messe par semaine par le curé de Ducey jusqu’à la Révolution.
En 1749, Mgr Durand de Missy notait 500 communiants, pas de maître ni d’école, la nef à réparer alors qu’on refaisait le clocher. Cette église Saint-Martin avait été réédifiée en 1738, la tour datant de 1748. De cette époque XVI-XVIIe siècle, date aussi le manoir des Ménardières qui était aux Parrein, avec sa fenêtre Renaissance, sa grande cheminée avec écu seigneurial (malheureusement martelé à la Révolution) et, attenant, un bâtiment ancien à double porte ronde.
A noter encore pour cette période, les Abraham du Bois Gobbey, originaires du Haut-Poncel qui furent sieurs de Montgothier, mais aussi à Saint-Hilaire, avocats et conseillers du baillage à Mortain, un de leurs illustres descendants étant l’historien du XIXe siècle Fortuné du Bois-Gobbey.
En 1789, il n’y avait plus qu’un seul noble sur la commune, le chevalier de Tesson, sieur de la Frémondais. Ce fut lui qui, pour la noblesse, représenta la paroisse dans les cahiers de doléances (hélas perdus), tout comme les laboureurs Jean Bihorel et Julien Desloges représentèrent le Tiers-Etat. Pour le clergé, ce fut le curé Alexandre Abraham Dubois, en poste depuis 1780, aux idées assez avancées, créateur de l’école de filles et qui, curieusement, fut avec son vicaire Jean Prével, un des seuls du doyenné à prêter serment à la Constitution civile du clergé (1791) avant de se rétracter ensuite.
Chalandrey avec ses 10 hectares de terre, son grand presbytère neuf, était une grosse cure car son titulaire ramassait en plus toutes les grosses dîmes. La Révolution bien évidemment balaya tout cela. Venu de Bayeux mais originaire de Saint-Martin-de-Landelles, violent, l’intrus Jean-Baptiste Paumier ne parvint pas à rallier la population à ses thèses. Mort en 1792, remplacé par l’ancien vicaire Prével, ce dernier ne put empêcher l’église d’être dépouillée, transformée en caserne, grenier, cuisine de la troupe.
L’église fut réouverte après le Concordat en 1802 par Philippe de la Roche, originaire de Saint-Aubin-de-Teregatte, qui habitait au Plantis. Eglise et presbytère étaient encore dénués de tout. Ce fut son successeur, Jean Nicolas Levivier (mort en 1832), qui remonta la paroisse, laquelle était entretemps devenue commune rattachée au nouveau canton d’Isigny depuis 1790.
Il y avait, autour de 1838, près de 660 habitants et déjà une institutrice pour les jeunes filles. Les écoles furent alors une des grandes préoccupations des différentes municipalités, se maintenant avec des figures connues d’enseignants laïcs : 1840-1850 M. Fleury à l’école de garçons ; 1860 : M. Delafontaine ; 1873 : M. Hollande et Mlle Gondouin ; 1882 : M. Vigot ; 1890 : M. Normand et Mlle Letouzé ; 1903 : M. Danguy et Mlle Bernard.
Les municipalités à partir de 1900
Les archives municipales ayant en grande partie été détruites lors de l’incendie du 2 août 1944, il n’est pas facile de détailler l’action des municipalités du XXe siècle. Il faut donc pour cela se référer à la presse de l’époque, notamment aux journaux locaux (les archives sont consultables à Saint-Lô ce que nous ne nous sommes pas privés de faire) qui offrent une assez bonne vue de ce qui se passait à l’époque.
Ernest Roupnel (1901-1908) est le premier magistrat municipal de la période de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, marquée par les inventaires de 1906. Les habitants se sont opposés très énergiquement à l’entrée dans l’église des agents du gouvernement. La porte de l’édifice était si solidement verrouillée que 2 sapeurs durent l’enfoncer et l'inventaire eut lieu sans incident.
Louis Vaudoir (1908-1914, adjoint Gloria Victor) évolue dans un climat encore marqué par ces divisions où la population montre néanmoins un soutien sans faute à l’Eglise comme en témoigne le succès de la mission qui a lieu du 10 au 25 décembre 1909.
En 1913 (500 habitants), le rapport annuel à l’Académie de l’instituteur donnait une véritable « radiographie » sociale de la commune. Sur les 718 hectares, seuls 47 étaient incultes, la grosse partie étant prise par le sarrasin (115 ha) et les autres céréales (220 ha). La plupart des 254 exploitants étaient propriétaires, déjà organisés en secours mutuels, comice agricole du fait d’un important cheptel : 140 chevaux, 200 vaches, 40 bœufs, 230 brebis, 300 porcs. Il y avait, notait scrupuleusement l’enseignant, « autant de vergers que de maisons, donnant un cru pas mauvais sans être renommé, les corvées de battage étant l’occasion de grandes beuveries ». Le bourg comprenait 32 maisons et 79 habitants.
Les salariés étaient déjà peu nombreux, gagnant pour les hommes autour de 1,50 F par jour (0,75 F pour les servantes), chiffres à rapprocher du coût de la vie de l’époque où un pain valait 0,36 F le kg, le bœuf 0,80 F le kg, une douzaine d’œufs 1,50 F.
La bourgade regorgeait d’artisans : une blanchisseuse, un marchand de bois, un boulanger, deux charpentiers et autant de forgerons, un cordonnier, une couturière et cinq aubergistes. Chaque semaine, les habitants se déplaçaient aux marchés de Ducey (le mardi) et Saint-Hilaire (le mercredi) car Chalandrey ne connut jamais ni foires ni marchés, ni fête patronale à part la Saint-Martin où l’on partait en procession à la chapelle de Pierrezaubes.
Enfin, la gare du Pont d’Oir, à partir de 1880 (inauguration de la ligne Pontaubault-Saint-Hilaire le 16 juin 1889) apporta une certaine animation qui ne se démentit pas jusqu’à la guerre. Les mémoires d’Emile Levallois nous signalent que quotidiennement, des machines à vapeur faisaient la manœuvre pour débarquer de la paille, de l’engrais, du charbon et du bois et embarquer des pommes ; celles-ci arrivaient sur place grâce à des grands « banniaux » que les grosses fermes s’associaient à confectionner car, quand l’année était bonne, cela occasionnait de belles rentrées d’argent.
Durant tout le XIXe siècle, la population se maintint au-dessus de 500 habitants : 660 en 1838, 706 en 1850, 653 en 1863, ne déclinant qu’ensuite (465 en 1903), du fait de l’émigration vers les grandes villes, en particulier Paris.
La Grande Guerre a fait 34 victimes. La commune sous la municipalité de Victor Gloria (1914-1922) a fait ériger un monument en reconnaissance pour ses enfants aux morts au champ d’honneur.
Les maires suivants sont : Louis Normand (1922-1929), Dominique Blandin (1929-1944). L’adjoint au maire est Louis Vaudoir en 1935 et le secrétaire de mairie François Magloire Trochon.
Le 29 mai 1930 a lieu l’inauguration d’une école et de la mairie édifiées au centre du bourg, route de Vezins. C’est cet ensemble, donc relativement neuf, qui sera entièrement détruit lors des combats de la Libération en 1944 (voir par ailleurs). Quatre ans plus tard, eut lieu l’inauguration de la salle paroissiale et la bénédiction de deux magnifiques autels en 1937, œuvres de M. Lebon sculpteur à Avranches et offerts par les habitants de la commune.
La Seconde Guerre mondiale en ses débuts ne perturba la vie rurale qu’en raison des prisonniers retenus loin de la terre natale. Les Allemands, peu nombreux, occupaient l’école ; la population se montrait très méfiante voire hostile, notamment après 1943 où le 30 août, deux habitants de la commune, Auguste Henry et Hélène Abraham furent arrêtés pour avoir hébergé un aviateur dont le bombardier avait été abattu par la DCA au-dessus de Ducey. Faisant partie de la filière de l’instituteur Parisy, infiltrée par les Allemands, ils disparurent à la Libération. Des survivants de cette épopée, Félix Pibouin et Louis Vaudoir, qui la même année avaient effectué le même geste pour un autre aviateur tombé à la Guimondais, furent après la guerre, récompensés par le président Eisenhower en personne.
En juin 44, la population, craignant les bombardements alliés, commença à construire abris et tranchées et à accueillir les premiers réfugiés des bombardements d’Avranches. La commune, dans toute cette période de juin à août 44, derrière son maire Félix Lesénéchal, sut faire preuve d’une grande solidarité. Le pain était boulangé chaque jour par Henri Levallois équitablement pour tous ; il en était de même pour la fourniture de la viande d’après des listes tenant compte de toutes les bouches à nourrir. |
||||||||||