MONTANEL
  CC 24.05 SAINT-JAMES
   
  HISTOIRE
         
 

Montanel, collection CPA LPM 1900

 
   
 

Avranchin monumental et historique, Volume 2

Par Edouard Le Hericher 1845

 

Basilica Osmundi Asnei.

 

Montanel affecte la forme générale d'un triangle dont la base s'appuie à la Bretagne, et dont les côtés longent Sacey et Argouges. Le côté de l'ouest est une ligne à peu près idéale ; celui de l'est est la ligne du ruisseau du Gaut et d'un tronçon de la Dierge ; celui du sud est tracé par le ruisseau du Corblu. Deux bouquets et un bois , celui de Blanchelande, qui renferme la Forêtrie , donnent à sa surface une physionomie particulière. Au village du Gué de la Vallée se trouve le point le plus méridional de la Normandie qui se projette comme un coin dans le sein de la Bretagne, son ancienne ennemie. Les noms locaux intéressans sont Guivray, la Croix-des-Herberets, Frilouse, le Mès-Roger, Mategra , le Portail, le Gué-au-Mesle.

 

Au bord de l'antique voie d'Avranches à Rennes , voie romaine dite Cheminum cakiatum, aux marches de Bretagne, est la motte de l'humble église de Montanel, tout étonnée de s'être appelée Basilica Osmundi Asnei Son campanier est posé, chose rare, sur un des transepts. Un bel if antique et vigoureux , au tronc tordu , aux branches cchevelées et comme fouettées par la tempête, ombrage un portail moderne , après avoir abrité la porte romane de l'oratoire des Asnel. De celui-ci, il ne reste rien , excepté peut-être deux fenestrelles. La fenêtre occidentale est assez bien profilée, mais elle est bouchée. Sur le transept qui porte le clocheton on lit un mot qui semble jeté aux Huguenots : « Anathema oblivionis. » Il y a deux fenêtres étranges au centre, tresécrasées et cordonnées à leur rebord. Dans l'intérieur, il y a un vieux saint Brice , le patron , et quelques vieilles tombes, entre autres celle de François Guiton, celui qui fit une blessure mortelle, au carrefour de Budes-Teillé, à Budes, qui l'avait voulu tuer dans l'église de Saint-Martin-du-Bellé. Louis xm lui donna sa grace. Une tombe du cimetière porte cette épitaphe : « Cy gît le corps de Le Tullié, curé de Montanel, confesseur de la foi. 1834. » M. Desroches signale dans cette église une pierre sépulcrale de la maison Asnel, sur laquelle on voit cinq croix de Jérusalem.

 
   
 

Montanel, collection CPA LPM 1900

 
     
 

Au XIIeme siècle, Gilbert d'Avranches souscrivit au don de l'église de Montanel a Marmoutier : elle est appelée dans la charte: Basilica Osmundi Asnel. Elle est encore appelée dans Lj Cartulaire de cette abbaye : Capella Osmundi Aselli, ou Osmundi Asnel, alias Montanel ou Montasnel. Cette latiuité donne du lieu une étymologie qui rentre dans la règle générale. Voici quelques traits de la première charte : « Turgis eps. Abr. tempore ecc. de Argogiis et capella Osmundi Asnel data est monachis de Saciaco a Gisleberto de Abrincis de eu jus fisco erat... de ea per capellum de pcllibus agni factum monachos revestivit... » Voici quelques traits de la seconde: « G. Depresje dedit tertionariam de Basilica Osmundi Asnel quam donationem concessit Gislebertus de Abrincis... totam teiram de cimeterio et unam masuram juxta cheminum calriatttm. »

 

En 1648, l'église de Montanel valait 300 liv.j en 1698, 1,000 liv.; il y avait trois prêtres, outre le curé; la taille était de 1,404 liv., payées par 206 taillables. Les gentilshommes étaient alors J. de Clinchamp, Ch. de Céaux, Fr. Guiton , sr de La Villeberge, et Ch. Guiton , sr des Biards. Le patronage alternait entre Marmoutier et l'évêque d'Avranches.

 

La principale illustration de Montanel est son château de Montaigu : « Ses ruines et son emplacement, dit M. de Gerville, suffisent pour prouver qu'il fut assez fort et assez considérable. Connu de temps immémorial sous le nom de Montaigu, il se trouve placé à l'extrémité d'une colline, à l'entrée des gorges septentrionales de la forêt de Blanchelande. Il est entouré d'un fossé profond ; le tertre sur lequel il est situé présente la forme conique, qui distingue souvent l'emplacement des châteaux du Moyen-Age. La tradition du pays rapporte qu'il fut bâti à l'époque de la Conquête. M. Guiton, qui en est propriétaire, croit qu'il fut construit vers 1130, par Osmond Asnel, membre d'une famille qui s'éteignit vers 1300. »

 

Toutefois ce château n'a pas joué un rôle aussi important que les forteresses de cette ligne , et l'histoire n'en parle guère que pour mentionner sa ruine.

 

M. Desroches cite, pour le xr siècle, un Givré de Montaigu , qui fut obligé de démolir son manoir , et dit que G. de Montaigu , de Montanel, devint évêque de Terouane. M. Guiton croit que le château fut bâti, en 1130, par Osmond Asnel. Toutefois, il paraît que le manoir des Asnel s'élevait près de l'église, où est une ancienne maison , dite l'Auberge, où l'on a trouvé des débris intéressans, vases, briques, sceaux, etc. Cette seigneurie de Montaigu a appartenu à l'illustre famille des Giffard pendant le xnr, le xive, et le commencement du xvc siècle. En 1361, selon le Registre d'Argouges, le château fut détruit par les Oanoirs, ou soldais du Haynaut, qu'Edouard m avait à sa solde, ayant épousé une princesse de ce pays. A la fin de ce siècle, Charles vi, pouf s'attacher les seigneurs bas-Normands, leur accorda des priviléges , et permit à un Giffard de fortifier Montaigu '. Au commencement du xve siècle , Anne Giffaid porta la seigneurie à Gilles de Brée; ensuite elle passa aux Pigace, qui étaient de Vergoncey, mais qui ont laissé leur nom à Montanel dans la Pigacière. Elle passa, par vente, dans la famille de Clinchamp, et, par un mariage , en 1745, dans celle des Guiton, qui la possède encore aujourd'hui.

 
     
 

Montanel, collection CPA LPM 1900

 
   
 

Sur un terrain plat, mouillé par un petit tributaire de la Dierge, était un château de forme carrée, flanqué de quatre tours, avec des fossés dont on voit encore quelques vestiges: c'était le manoir de la Touche-Villeberge, peut-être la VilleDierge, dont le nom sert d'affixe à une branche d«s Guiton, habitation de M. Guiton de La Villebcrge. Il renfermait une chapelle, dont les restes, réunis à des membres anciens, comme les fenêtres de Saint-Martin-du-BelIé, ont été réédifiés par l'antiquaire qui possède l'habitation actuelle. Cette chapelle offre une élégante porte du xm siècle , une fenêtre du x*, et des vitraux du xV et du xvr siècle. La Villeberge, dans les guerres de la Vendée, fut le quartier-général de l'armée royaliste, puis fut envahie par l'armée de Mayence. M.Guiton de La Villeberge a réuni dans cette habitation une riche bibliothèque , un chartrier local, et des tableaux et d'autres objets d'un intérêt historique ou artistique. La Touche-Villeberge nous rappelle les nombreuses Touches de ce quartier, b Touche-Picot, Lande-Touche, la Touche-de-Jouet, la Touche-Gâté, etc. Ce nom, qui signifie bois derrière une habitation , se trouve accolé généralement à un nom propre.

 

L'église et le village de Montanel sont situés sur la voie romaine d'Avranches à Rennes '. Une charte précitée nous a donné le nom ordinaire des grandes voies au Moyen-Age, dans la traversée de Montanel , cheminum calciatum, chemin chaussé. Un titre cité par M. Desroches pour cette localité, mentionne « une pièce de terre , nommée la Rue-Chaussée, qui joint d'un costé à Léonard Videlou, et d'autre au grand chemin chaussé Le clos Lembert qui joint d'un costé au sieur de la Bergerie et d'autre à David Le Brie, butte air grand chemin chaussé. » Dans la traversée de la Croix , cette voie recevait un nom analogue: « Un clos qui fut Andretr Paris assis entre le chemin le Rey... 1311. » A Frilouse, M. Desroches a trouvé un gué pavé sur la Dierge , et « des poteries, des urnes romaines, des tuiles à rebords. » Il y a lieu de croire que cette voie était aussi une voie gauloise. C'est à Montanel , sur cette ligne, dans une propriété de M. de La Villeberge, qu'on a trouvé, en 1824, une trentaine de didrachmes gaulois, dont trois statures eu or ou en électrum, figurés et décrits dans l'ouvrage de M. Lambert3. Ces monnaies des Abrincatui se sont plusieurs fois trouvées dans le sol de l'Avranchin3. La plus riche trouvaille de ce genre a été faite sur cette ligne à Avranches, au BourgLévêque. On a trouvé d'une fois 568 pièces en argent dans un vase, et dans la terre, dans le jardin de M. de l'irch , qui en a fait profiter le monde savant.

 

« A Montanel, dans la forêt de Blanchelande, proche la maison de la Brisée, on voit sept gros cailloux posés en rond, » dit M. Desroches , qui fait de ce cercle de pierres un monument druidique.


L'observateur qui parcourra cette localité remarquera peutêtre ces bonnets rouges qui couvrent la tête des hommes, et spécialement des grueliers de Montanel, souvenir du bonnet phocéen , et du pileus de Pâris, rétabli comme symbole de la liberté dans l'époque républicaine. Il remarquera peut-être encore au bord des doués d'énormes blocs de quartz , semblables à du marbre blanc, qui reçoivent les coups de battoir des lavandières, et, sur le sol sévère du granit, pensera aux pays du marbre et du soleil.

 
   
 

Montanel, collection CPA LPM 1900