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La Croix Avranchin CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||
Avranchin monumental et historique, Volume 2 Par Edouard Le Hericher 1845
Vicum Cruels qui titus est inter Buironem et Montent S. Michaelis. (Charte du duc Robert}.
Sans un appendice projeté à l'ouest, cette commune formerait un hexagone assez régulier, ayant son église presque au milieu. Ses principales localités sont Mouraine, le Châtelier, la Mazure, le Vaucel. Le ruisseau de Folleville y prend sa source pour se jeter dans le Beuvron. Un bois se trouve au sud-est. Il y avait une chapelle à la Boussardière.
La tradition prétend que cette localité fut la première évangélisée de tout l'Avranchin , et que la première croix fut plantée sur le point où s'élève, sur un svelte fût de granit, une jolie croix historiée du xvx" siècle: auprès s'éleva aussi le premier oratoire chrétien. Du reste, la croix semble caractériser cette localité à laquelle elle a donné son nom : presque à la fois, du tertre élevé du cimetière , où l'on monte par dix-huit marches, vous apercevez la croix historiée aux lozanges des de Villiers, la croix à angles abattus, relevée en 1803, la croix carrée de 1836, et la croix de bois de la mission récente. Il y a encore la Croix-Blanche, la Croix-David, la Croix-des-Sept-Verges dans le champ de ce nom.
Il n'y a pas vestige de l'oratoire de la tradition : un if antique est l'objet le plus rapproché de ces temps reculés. Un faible reste d'appareil régulier, les anciens fonts , et un jambage du côté du nord rappellent le roman. L'époque gothique est représentée par un contrefort à retraits et un joli bénitier, une dalle annulaire, une statue de sainte. Il y a des tombes de 1624, 1633, 1645 : une d'elles est sculptée d'une épée terminée par un cœur, plusieurs autres sont sculptées aux armes des Villiers. Les deux transepls sont du xvir siècle. Le reste est du siècle dernier, le chœur de 1740 , la nef de 1770 et 1781, le portail de 1783.
L'église de la Croix fut donnée au chapitre d'Avranches par Richard de Beaufou, au xn" siècle, selon les termes du Livre Vert: « Ex dono R. epsi. de Bellefagio ecclesiam de Cruce cum omnibus pertinentibus ejus'. » En 1648, elle rendait 500 liv.; en 1698, 800 liv.; elle avait cinq prêtres. La paroisse acquittait une taille de 1,538 liv. payée par 280 taillables.
Il n'y a plus de manoir à la Croix, mais la tradition et les documens écrits en consacrent l'existence, ainsi que celle d'une seigneurie considérable.
Robert, duc de Normandie , donna : « Vicum Crucis qui situs est inter Buironem et Montera S. Michaeli s » à un de ses chevaliers, appelé Adelelme2. Après la mort du duc, ce chevalier donna au Mont Saint-Michel : « Vicum Crucis, atque talia ejus membra Vilers, Baleent, S. Georgium, terram. trium Carrucarum in insula Gersoi. » Le duc Guillaume confirma cette donation « cum meis episcopis ac primatibus; » mais, plus tard, il enleva au monastère plusieurs biens dans la Croix; car on lit dans le CartuUure au chapitre De Perditis hnjus ccclesie: « W. rex abstulit nobis forum de Cruce et feriatn et theloneum '. » La propriété du bourg de la Croix fut contestée à l'abbé Bernard par P. de SaintHilaire dans le xne siècle : cette contestation est relatée dans une charte du Cartulaire dont le debut est assez remarquable: « Quoniam temporumvolubilitate multa oblivioni traduntur, nisi aut scripto aut fideli memorie traduntur , dignum dttximus ut quœ nos tris facta sunt temporibus successioni nostrœ prœsens pagina insinuet. » Pierre de Saint-Hilaire avait longtemps réclamé: « Villam quœ Crux dicitur. » Pour cela, il avait été plusieurs fois excommunié : « Hinc à monachis frequenter excommunicatus »; mais, bravant les armes spirituelles, il pilla et ravagea cette propriété. Enfin, touché par une inspiration divine, il vint au Mont avec ses barons et jura sur l'autel de l'Archange et sur le bras de saint Aubert qu'il se désistait de ses prétentions.
A ces détails qui font supposer un Manoir seigneurial s'ajoute une indication positive: en 1219 , selon dom Huyncs, Raoul, seigneur d'Argouges, donna au Mont Saint-Michel ce qui lui appartenait du Manoir de la Croix.
Dans les guerres de la Révolution, le village de la Croix fut le théâtre d'un engagement entre les bleus et les chouans. La lutte fut vive, la fusillade très-serrée ne dura pas moins de trois à quatre heures : l'avantage resta aux chouans d'ailleurs plus nombreux et combattant sur leur terrain.
Une véritable bataille eut lieu, probablement sur son territoire , au commencement du xr siècle, entre les Bretons et les Normands. Wace a consacré plus de cent vers au récit de cette affaire que M. de La Villeberge a localisée dans la plaine dite des Tombettes. Ce nom vient d'une grande tombe dont le pourtour était parementé de pierres ordinaires, qui était recouverte de terre et remplie de débris humains. On trouva aussi deux pierres qu'un ancien manuscrit désigne pour avoir recouvert le corps de deux chevaliers tués dans cette bataille '. La tradition en fait la sépulture de deux marchands volés et assassinés dans ce lieu. Wace fait sortir les Normands d'un vaucel pour tomber sur les Bretons : chose remarquable, il y a en la Croix un lieu dit Vaucel, non loin d'un autre appelé du nom significatif le Châtellier. Bien qu'il soit difficile de localiser l'affaire, elle a dû se passer sur cette frontière, et le récit de Wace est très-intéressant:
La Croix a son registre paroissial, comme plusieurs autres localités de l'Avranchin. Nous en extrairons quelques particularités:
« M. de Coetenfao, évêque d'Avranches, visita l'église le 7 juillet 1700. Le dimanche 1er août, les paroissiens élurent les meilleurs harnais et en formèrent dix-huit qui amenèrent la pierre pour la clôture du cimetière, gratis. — La contretable du maître-autel fut'faite en 1702 par Ph. Collin, sculpteur et architecte , ainsi que les statues de S. Etienne et de S. Laurens. — Le sgr de Villers a voulu obliger à faire des prières nominales aux prônes comme sgr honoraire de notre paroisse, mais M. de Montecot, sgr de Bouccel, s'y est opposé. La chose n'a point été agitée en justice et les prières n'ont point été faites. Il est plus probable que le roy seul est le sgr honoraire... Fr. Doesnel, marquis de Montecot, ne prétend pas l'être, et J. Mathurin Guichard, sgr de Villiers, ne possède les fiefs dans la Croix qu'au droit des moines du Mont Saint-Michel. Mrs du chapitre d'Avranches, comme présentateurs , prétendraient l'emporter, et leur raison c'est qu'il n'y a aucune armoirie au chœur ni à la nef; mais leurs armoiries n'y sont pas non plus. On n'est donc obligé qu'à rendre honneur ( Paralip. C. ultima ) de droit à Dieu et puis au roy, Deum adorate et deinde regem, en 1701. En 1702 ledit sgr de Bouceel fit donner assignation au sgr de Villiers pour voir ordonner qu'il lui cédera le pas dans les processions , comme étant plus âgé et ayant la qualité de marquis. Le sgr de Montecot a perdu sa cause h Avranches, 1703, et a appelé au parlement. — Le 2 février, il s'éleva un si violent coup de vent qu'il abattit plusieurs maisons, 73 pommiers et renversa toute la couverture de la chapelle Sainte-Marguerite.—Le 18 juillet, le S. Sacrement fui transporté de la chapelle de Bouceel dans l'église de Vergoncey par ordre de mgr d'Avranches qui avait trouvé ladite chapelle en mauvais état... il y fut reporté le 25 avril 1701, à la sollicitation de l'abbé de La Paluelle.
» Deux autels et la balustrade furent achevés en 1703, M. Mcance étant curé de la Croix, M. Le Gendre, curé de Milliers, doyen; M. Vitel, curé de Vergoncey, était décédé en 1701, de la dyssenterie qui fit périr tant de monde. P. Guichard , curé, donna un calice d'argent. — Le 2 juillet 1700 , l'évêque de Limoges, de la maison de Canisy, visita l'église de la Croix. —Le 13 janvier 1701, le sgr de Villiers ayant fait rétablir son moulin de Villiers, que l'on nommait, par dérision : Écoute s'il pleut, un mauvais plaisant lui fit croire que la margelle du Buot comprimait un fort cours d'eau. Il envoya un harnais et quinze personnes enlever la pierre, qui fut déposée dans sa cour ; cette action lui aliéna les paroissiens. Après bien des discussions , elle fut remise. — En 1705 , la sécheresse fut terrible, et engendra la disette. Du 2ft avril au 22 août, il ne tomba pas une goutte d'eau ; la mer ne venait qu'à peine au pied du Mont Saint-Michel. La pluie tomba ensuite jusqu'à .Noel ; toutes les rivières débordèrent. —En 1708, il y eut une maladie contagieuse à Saint-James, qui fit périr plus de trois cents personnes. Le vicomte Claude Mariette transporta son siége à la Croix. L'an 1709 , le froid fit périr beaucoup de monde , et presque tous les bleds. Enfin , il y eut disette. — La chaire fut faite en 1710. En 1715, M. Meancc fit faire les statues de S. Nicolas et de S.Eloi, et deux chérubins. — La nuit du 22 décembre 1720 fut brûlée la ville de Rennes. — J. Mathurin Guichard , dernier du nom, mourut à Villiers, en 1724. Sa fille entreprit de faire une ceinture funèbre dans l'église, mais M. de Montecot s'y opposa. — M. Meance mourut en 1731, après quarantetrois ans d'exercice. M. Jean Le Bas lui succéda. Il fil bâtir la sacristie actuelle. Il résigna son bénéfice à son frère, Fr. Le Bas, qui fonda une école de garçons. En 1741, les deux grosses cloches, qui étaient fêlées, furent refondues. J. Gautier fut curé en 1764: il fit refondre les trois cloches. La petite était du temps de N. Collardin, curé et docteur de Sorbonne. Elle servait de timbre. »
La Croix était le chef-lieu du doyenné de ce nom , qui comprenait trente-sept paroisses. | ||||||||||||
La Croix Avranchin CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||
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