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Thierry Bazire Four à briques du Porribet |
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Briqueterie du Porribet Cécile SIMON Date de l'opération : 2009 (FP)
La briqueterie du Porribet, située sur la commune de Saint-Fromond, fut l’un des plus importants établissements de fabrication de céramique architecturale de Basse-Normandie. Cette fabrique a commencé à fonctionner dans les années 1854-1855 et cessa son activité à la fin du XIXe s. Son créateur, Alfred Mosselman (1810-1867), l’installa au point de jonction entre les deux canaux de la Vire et de la Taute, qu’il venait de construire. Cette briqueterie produisait des briques pleines et creuses, des tuiles, mais fut surtout réputée pour ses tuyaux de drainage en terre cuite répondant à une forte demande.
En effet, au début des années 1850, le drainage des terres connaît une petite révolution. On substitue aux techniques anciennes les tuyaux de terre cuite qui remportent un succès fulgurant jusqu’aux années 1870-1880, date à laquelle la production s’essouffle.
En juillet 2007 et 2008, ce sont respectivement 700 m2 et 600 m2 qui ont été fouillés. Ces deux années, des bâtiments de grande ampleur, interprétables comme des halles de séchage et de stockage, ont été découverts. Des aires de travail liées à la conduite du feu, aux abords des fours, ont également pu être documentées. Cette année, les fouilles ont permis de préciser la chaîne opératoire : nous avons pu principalement dégager des cuves de stockage pour l’argile, ainsi que des aires de travail liées à l’argile. L’objectif était de continuer à repérer les différents bâtiments, aires de travail et cheminements constituant l’usine, afin de dresser un plan du complexe industriel, d’appréhender le séquençage des opérations techniques et, par là même, de reconstituer la chaîne opératoire et le système de circulation des produits.
Dans la partie nord du terrain, un groupe du murs façonnés formant deux ensembles rectangulaires orientés nord-est - sud-ouest a été mis au jour. Il s’agit : des structures 2009-04, repérées sur une surface de 60 m2 environ, cet ensemble est orienté nord-est - sud-ouest ; et des structures 2009-05, repérées sur une surface de 53 m2 environ, s’orientant également nord-est - sud-ouest. Pour les deux structures, les murs ont des maçonneries en briques liées avec un mortier de chaux.
Ces deux structures maçonnées semblent être des cuves de stockage de l’argile. En effet, pour que l’argile soit propre à être travaillée, il est généralement admis qu’elle doit « pourrir ». L’argile, une fois extraite, est donc stockée, mise à tremper tant sur le sol que dans des structures excavées, car il a été observé que l’argile qui a subi les effets du temps (gel, dégel et pluie) se travaille mieux. Cette habitude tient également aussi au fait que le travail de tuilier-briquetier était pendant longtemps un travail saisonnier : on extrayait l’argile en automne et en hiver, et elle était façonnée plus tard en été. Il existe des cuves similaires à la briqueterie de Saint-Martin d’Aubigny, dont la structure est aussi maçonnée en brique. La cuve est divisée en quatre compartiments pour une contenance globale de 50 m3. Au Porribet, la cuve 2009-05 est divisée en deux bassins de 5 m x 5 m environ de côtés chacun, et les murs sont conservés au plus haut sur 1,20 m. Pour la cuve 2009-04, le premier bassin mesure environ 5,2 m x 3 m, et le second 5 m x 5 m environ. Le mur le plus haut conservé mesure 1,20 m. On peut donc estimer la contenance de ces deux bassins à environ 70 m3 et envisager une plus grande capacité de stockage, car la cuve 2009-04 n’a pas été observée dans sa totalité.
À proximité du four carré, un bâtiment (2009-03) a été observé. Il s’agit d’un bâtiment orienté nord-est - sud-ouest, long de 14,50 m pour une largeur de 6,50 m. Ce bâtiment est formé par neuf bases de support de charpente. Ces dais de 0,50 m de côtés sont constitués de dalles de schistes liées par un mortier de chaux. Ils sont espacés de 3,40 m en longueur et de 5,60 m en largeur.
À proximité des cuves de stockage de l’argile, deux structures circulaires ont été observées : 2009-01 et 2009-02. Faute de temps, seule une structure (2009-02) a été documentée. Cependant, leurs similitudes peuvent laisser supposer qu’il s’agit de deux structures sembables. En plan, la structure 2009-02 voit sa périphérie formée par un niveau de graviers et de charbons (us 209) large en moyenne de 0,60 m et d’un niveau de tuileau (us 208) large de 0,60 m environ. Ces deux couches entourent un niveau de limon brun (us 210). Au centre, un sol construit en briques posées de chant (us 201) est bordé d’un niveau de limon brun (us 202), dessinant presque un X. Cet ensemble est encadré par deux sols construits en dalles de schistes (us 205 et 206). L’ensemble de la structure a un diamètre d’environ 7,50 m. Cette structure laisse à penser que nous sommes en présence d’une aire de broyage de l’argile. Elle se trouve encadrée, au nord des cuves de stockage, à l’est d’un bâtiment et au sud du four carré. Sa position centrale, à environ 7 m des cuves, à environ 6 m du bâtiment, et à environ 20 m du four, nous donne des informations sur sa fonction dans la chaîne opératoire.
L’argile doit être travaillée et débarrassée de ses impuretés. Jusqu’au début du XIXe s., avant l’introduction de la mécanisation, ce travail se faisait à l’aide de la force humaine ou animale. Pendant longtemps, la terre était « marchée », soit par un ouvrier, soit par le bétail. Il existe également des systèmes de broyage actionnés à l’aide de manège à chevaux. Répandu au XIXe s., ce système est, par exemple, attesté dès le XVIIe s. à la tuilerie de Boissey (Calvados) : « le dispositif était constitué d’une meule en pierre ou en bois cerclée de fer qui tournait verticalement sur une aire circulaire ». Le cheval tournait à l’extérieur d’une aire construite en dur, il entraînait la meule dans un double mouvement, de rotation et de déplacement horizontal. La meule effectuait ainsi un trajet du centre vers l’extérieur de l’aire tout en avançant. Ce mouvement est possible grâce à une vis sans fin horizontale engagée dans un moyeu fileté disposé au centre de la meule. Une extrémité de la vis sans fin est fixée à un axe pivotant vertical situé au centre de l’aire de broyage. Au Porribet, la structure 2009-02 laisse penser qu’il s’agit d’une aire de broyage de l’argile.
Cette année, nos connaissances sur le plan de l’établissement ont été précisées. En effet, la chaîne opératoire se précise. Depuis 2007, les données archéologiques nous permettent d’appréhender une organisation spatiale des activités et de proposer un schéma des aménagements et des systèmes de circulation au sein de la briqueterie. Les découvertes effectuées cette année sont considérables. Les cuves de stockage de l’argile constituent deux ensembles maçonnés avec soin, et présentant une conservation remarquable sur une hauteur de plus de 1 m. Quant à l’aire de travail de l’argile (2009-02), elle représente à notre connaissance un des seuls exemples fouillés. Il existe très peu d’espaces de travail de ce type encore en place et qui aient été étudiés. Il s’agit donc d’un élément remarquable.
Les vestiges des établissements tuiliers-briquetiers de cette époque sont rares dans la région. Les découvertes de cette campagne de fouille renforcent d’une part l’importance de ce site d’un point de vue scientifique, notamment pour la compréhension de l’organisation de la production à l’échelle de l’établissement, et d’autre part, d’un point de vue patrimonial par l’état remarquable de conservation des vestiges, tant les éléments en élévation que les structures, et confèrent donc un grand intérêt à la briqueterie du Porribet. |
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Coupe type d'un four |
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