BREVANDS
  CC 21.03 BAIE DU COTENTIN
   
   "Le guano de poisson français"
         
 

Brévands Phosphates, collection CPA LPM 1900

 
 

 
 

Cossmannia

Géologie Néogènique du Cotentin : anciennes exploitations

Brévands : les Phosphatières

 

Situation de l'Extraction

 

Le gisement est situé face à la mer sur une butte à une altitude de 18 mètres , et il a une dimension approximative de 1200 mètres par 100 mètres . La couche de phosphate repose sur une base du Sinémurien  surmontant lui même au Sud l'Hettangien . La couche de phosphates est de couleur brun-jaunâtre et a une épaisseur d'environ 1,10  à 1,30 mètres . Elle est surmontée par un lit de galets à gangue sableuse de 0,40 à 0,50 mètres . La partie supérieure de la couche parait être de la bouillie , la partie iuférieure est plus compacte et contient des ossements volumineux . 

 

Origine des Phosphates

 

L'origine probable de ces phosphates Pliocènes , qui ont fait l'objet d'une extraction intensive également à Gourbesville ( Manche )et à Saint-Clément ( Calvados ) , semble être la décomposition d'immenses troupeaux de Carcharodon ( grands requins ) qui pullulaient dans nos régions à la fin du Tertiaire . Probablement à la suite de cataclysmes, ils vinrent s'échouer en groupe sur nos côtes .

 
 

     
 

Origines de la mise en extraction 

 

En 1890 , un professeur de l'école d'agriculture de Coigny , de passage à Brévands , remarque des traces de phosphates à l'emplacement du nouveau quartier appelé aujourd'hui "phosphates" . En 1893 , la Société Jodet-Angibaud , fondée en 1877 , et dont le siège social est à La Rochelle , décide de lancer la construction d'une usine à Brévands pour exploiter les phosphates . L'usine fait partie de la Société des Phosphates de Normandie dirigée par M. Mallet ( ou Meslet ) dès 1894 . L'usine livrait un produit pur , égal en qualité au guano du Pérou , et supérieur à celui des Ardennes et du Calvados . Sa solubilité était parfaite et son assimilation était complète . La raison sociale était "Le guano de poisson français" dont l'"estampille des sacs est reproduite ci-contre .

 

Extraction

 

L'extraction a commencé dès 1893 et s'est poursuivie jusqu'en 1955 . La production moyenne a été de 6 000 tonnes de produit fini ,avec semble -t-il des pointes jusqu'à 20 00 tonnes certaines années .

 
 
     
 

L'extraction est manuelle et le gisement au fur et à mesure de l'extraction s'est éloigné de l'usine . Le transport est fait par wagonnets en bois , à l'origine , et en fer par la suite , roulant sur une voie ferrée de 0,60 m . Les ouvriers étaient une trentaine au départ .

 

A la traction animale ( le dernier cheval connu s'appela Taupin ) succède la traction automobile . Le tracteur automobile sur rail est appelé Coucou et on choisit semble-t-il les plus grands pour se couler dans le minuscule habitacle de conduite .

 

Traitement à l'usine

 

Le produit extrait arrive à l'usine parfaitement organisée ; tout est prévu pour la facilité et l'économie dans le travail . L'Etablissement n'est pas une construction de luxe mais une installation à faire bien , beaucoup et au meilleur marché possible . Dès 1896 , sa puissance est de 15 000 tonneaux , qui est portée au double rapidement .

 

A l'origine , le phosphate brut est broyé par des meules de pierre fonctionnant suivant le système des moulins à farine , et les ouvriers sont appelés des meuniers .

 

En 1955 , le phosphate brut subit trois opération ; séchage , triage et broyage . L'appareillage qui réalise ces travaux est constitué de trois grands cylindres rotatifs :

   
 

- Le premier traversé d'air chaud tourne au ralenti pour obtenir une bonne déshumidification

- Le deuxième , percé de trous de plus en plus gros sasse comme un tamis , pour éliminer les scories

-Le troisième tournant plus vite est tapissé de dentelures dans lesquelles jouent des boulets d'acier qui broyent en poudre fine le phosphate prêt à l'ensachage .

 

Embarcation

 

Afin de permettre d'acheminer le phosphate aux entrepôts situés sur le quai du port de Carentan , décision est prise de construire une ligne à voie étroite entre l'usine et le canal de Carentan ainsi qu'un embarcadère afin de permettre l'acheminement  du phosphate vers les entrepôts . Le projet d'établir sur un chemin vicinal , sur 300 mètres , une voie ferrée étroite de 0,60 mètres , est d'abord refusé par l'agent voyer , puis autorisé par le préfet en 1892 . La voie ferrée doit atteindre le canal sur terrain maritime et il faut solliciter de nombreuses administrations . Le 18 août 1894 , Léopold Lepont , garde champêtre , notifie à Joseph Meslet , gérant de la Société des Phosphates de Normandie , qu'il peut occuper temporairement un lais de mer pour l'établissement d'un débarcadère au lieu-dit village du Moulin . Ainsi est construit la même année un quai de 40 mètres de long et de 10 mètres de large , et deux digues insubmersibles , rattachant le quai à la digue de halage .

 

Quand tout est prêt , le phosphate ensaché descend par le jeu de la pente naturelle . A ce moment , il n'existe que des wagonnets en bois , qu'on appelle "Lauriers"" ( Loris en patois ) . Pour la descente , on réalise un convoi de 6 wagonnets dont l'un est muni d'un serre frein . Un ouvrier précéde le convoi en sonnant de la trompe . Au retour , on utilise la traction d'un cheval  et il y a plusieurs garages le long du parcours qui est d'environ un kilomètre , afin de permettre aux convois de se croiser .

 

Le chargement au débarcadère se fait sur des "gabarres" qui remontent jusqu'à Carentan pour entreposer au magasin du quai en attendant la goëlette .

 
 

 

Carentan goelette en chargement de phosphates, collection CPA LPM 1900

 
 

 

Entrepôts

 

Avec la modernisation , le transfert du phosphate au magasin des quais de Carentan se fait maintenant par voiture hippomobile , qui sera ensuite remplacée par l'automobile puis les camions , qui remplacent le banneau et les chalands  .

 
 

 

Carentan Phosphates, collection CPA LPM 1900

 
 

 
 

1955 : la fin d'une épopée

 

En 1948 , l'usine sort sinistrée de la terrible guerre . On songe à son transfert à Saint-Clément dans le Calvados , si les sondages sont positifs . Mais rien n'y fait et c'est ainsi qu'en 1955 , on ferme puis on détruit l'usine qui fit vivre pendant plus de soixante ans de nombreuses familles . Les seuls vestiges qui subsistent aujourd'hui : le quai du Moulin , le baraquement servant de commun , où se trouve encore une affiche vantant le phosphate , quelques dents fossiles chez quelques Brévandais et l' appellation d'un nouveau quartier

 
     
 

Brévands Phosphates, collection CPA LPM 1900