PICAUVILLE
  CC 20.20 BAIE DU COTENTIN
   
  HISTOIRE
 
 
 
 

Picauville. CPA collection LPM 1900

 
     
 

Annuaire du département de la Manche, année 1867,

Article de Mr Renault


Picauville, Piquadivilla, Ficquauvilla, Picauvilla.

 

L'église paroissiale de Picauville est en forme de croix et se compose du chœur, d'une nef avec bas côtés, d'un transept et d'une tour centrale. Elle est en grande partie du XIIIeme siècle ; mais le chœur fut construit dans le XIVeme siècle par les chanoines de la Sainte-Chapelle ; six arcades mettent la nef principale en communication avec les bas côtés ou nefs latérales. Le mur à l'occident est percé d'une porte, et un porche existe au sud de la nef, à l'extrémité du mur.

 

Cette église est sous le vocable de saint Candide : elle dépendait de rarchidiaconé du Coteutin et du doyenné du Plain, et payait 66 livres pour les décimes. La cure était divisée en deux portions. Le pati^onage^ en 1250, appartenait à Bouchard de Marly, chevalier. Lors de la rédaction du Livre blanc, le patronage était encore dans la même famille. Les deux curés se partageaient les produits de ladime, sur lesquels deux prieurs, celui du Fresne fde FraxinoJ et celui de Bohon avaient des droits. En 1665, le patronage des deux portions appartenait à

la Sainte-Chapelle.

 

La chapelle, sous le vocable de saint Christophe, qui existe du côté méridional de la nef, fut construite à la fin du XIVeme siècle, par les soins de Jean Pèlerin, le curé de l'une des portions, et qui, pendant plusieurs années, remplit les fonctions de garde du scel des obligations de la vicomte de Valognes. Les chanoines de la Sainte-Chapelle, le curé de l'autre portion de l'église, Jean Bonté, et les trésoriers et paroissiens de Picauville approuvèrent cette fondation. Guillaume de Crèvecœnr, évèque de Coutances, la confirma le 28 octobre de l'an 1404. Le fondateur se réserva, sa vie durant, le droit de présenter le chapelain, et il dota cette chapelle de 10 livres tournois. Ce revenu était assis sur plusieurs paroisses. Après la mort du fondateur, le droit de présentation devait être alternatif entre l'évèque de Coutances et le trésorier de la Sainte-Chapelle. D'après le pouillé du diocèse rédigé en 1665, le patronage était encore alternatif entre les mêmes dignitaires.

 

Il y avait eu dans la paroisse de Picauville une maison de Templiers dont les biens furent attribués à la Sainte-Chapelle.

 
 
 
 

Faits historiques.

 

 — Saint Louis, qui possédait la terre de Picauville, par suite sans doute d'une forfaiture, la donna à Mathieu de Mailly , dont la famille la possédait encore dans le XIVeme siècle; car, en 1330,1e patron de la paroisse était Louis de Mailly, chevalier. Ce fut lui qui vendit la terre de Picauville, 1354, à Jean de Bioville, moyennant 6,000 livres tournois, plus une rente de 150 livresL A la mort de Jean de Bloville, écuyer, la seigneurie de Picauville passa à son fils, Guillaume de Bloville, aussi écuyer, lequel, le 28 avril 1368, se reconnut débiteur de la rente de 150 livres. Guillaume laissa une fille mariée à Jean de Semilly, écuyer, qui, en 1376, jouissait de la terre de Picauville ; mais la rente ne se payant pas, la terre fîit saisie et vendue. Les exécuteurs testamentaires de Charles VI s'en rendirent adjudicataires, et la destinèrent à la fondation des heures canoniales dans la Sainte-Chapelle.

 

La prise de possession, par les chanoines de la Sainte-Chapelle, se fit en présence u de Guillaume Hamon, substitut du procureur du roy nostre sire, en la dicte viconté, Thomas Pierre, viconte de Carentan, messire Jehan Pèlerin, messire Jehan Bonté, curés de la dicte église de Piquîau ville, messire Guillaume Hébert, curé de Saint Cosme du Mont, Jehan Yon, esculer, etc. » La terre de Picauville fut alors estimée valoir un revenu de 228 livres 14 sous un denier. Ce domaine se composait, entre autres choses, « d'une maison en laquelle les plez et la juridiccion de la terre cstoit tenue, près et devant le moustier de Piqueauville item deux isles, environnées d'eaux, dont l'une est appelée la Grant Isle, et l'autre la Petite Isle, et contient la grant environ 3 acres, et l'autre la petite isle, une acre ou environ item, le patronage de l'église qui est en deux percions etc.»

 

Cette terre avait été vendue 5,800 francs d'or .

 

En l'année 1416, un tenement de cinq acres en herbages était loué pour un an, à Picauville, moyennant 20 sols tournois.

 

Henri II, duc de Normandie, à la demande des religieux de Blanchelande, établit à leur profit, à Picauville, une foire à la décollation de saint Jean, et un marché le vendredi. En 1394, une estimation de la terre de Picauville porte à cent sous tournois la valeur de la coutume de la foire saint André .

 

Le Pont-l'Abbé, dont l'agglomération avait le titre de bourg, était dans la paroisse de Picauville et formait le chef-lieu d'une sergenterie qui comptait 48 paroisses. Le pont qui se trouve sur l'Ouve, entre Picauville et les Moitiers-en-Bauptois, a été construit depuis 1720; car, Masseville, curé de Joganville, près de Montebourg, dit « Pont-l'Abbé, bourg et marché » de l'élection de Valognes, et de la paroisse de Picauville, » sur la rivière d*Ouves, qu'on y passe en bateau depuis la destruction du pont qui y était autrefois. C'est sans doute ce pont détruit dont on a attribué la construction à un abbé des Moitiers, de Monasieruis, d'où lui est venu le nom de Pont-l'Abbé.

 

L'amiral de Vienne, en 4375, s'empara de Pont-l'Abbé et le fit fortifier. Les protestants, en i574, s'en emparèrent aussi.

 

On trouve à Picauville un établissement important, nommé le Bon-Sauveur, et dont la fondation est due à la généreuse piété de Madame veuve de Riou, née d'Agneaux, qui en fut la première supérieure. Il contient un pensionnat de jeunes personnes, une école pour les sourds-muets, et une maison pour les aliénés.

 

Montfaut, en 1463, imposa à Picauville Michel Jean, qui fut rétabli plus tard ; il y renvoya les Yon que, 200 ans après, Ghamillard déclare nobles, vu leurs titres ; les Yon avaient été anoblis en 4487.

 

En 1598, Roissy y trouva les du Rosey, nobles en vertu d'une charte de 1541, les Fournier qui furent barons de Tournebut, de 1520 à 1580, les Jouan, Etienne de Ricarville, sieur du Revie ; et renvoya à trois mois Ëustache de Pierrepont, à fin de justification.

 

Ghamillard, en 1666, maintint les Lecourtois, dont la noblesse datait de 1580, les Le Fournier, anoblis en 1471, et dont la famille portait l'argent au sautoir cantonné de quatre roses de gueules,

 

La petite paroisse du Houlme du Home, ou de l'Ile-Marie, est depuis longtemps réunie à celle de Picauville.

 

Holm, ffulmus, HolmuSy signifient un lieu entre deux rivières ; on nommait autrefois cette paroisse Notre-Dame-du-Holm, ce qui veut dire la même chose que-Marie, et aussi parce qu'elle est dédiée à la Vierge Marie. Dans le dotolicium de la princesse Adèle, Holmus indique le Home ou l’lle-Marie.

 
         
 

L'église de cette ancienne petite paroisse date du XIIeme siècle. Ce fut le maréchal de Bellefonds, qui, exilé à l'Ile-Marie, par suite d'une intrigue, la fît construire. Elle dépendait de l'archidiaconé du Cotentin et du doyenné du Plain.

 

Le tableau pincé au-dessus de l'autel représente une Vierge à la chaise, peinte par Jules Romain, dans l'atelier même de Raphaël, qui l'a retouchée ; il fut donné au maréchal de Bellefonds par le grand Dauphin, fils de Louis XIV, et élève de Bossuet. On conserve encore à l'Ile-Marie la lettre de ce prince, qui est l'authentique de ce tableau.

 

L'abbé Lecanu, dans son tableau des paroisses de l'évêché de Coutances, place le Home dans le doyenné d'Orglandes, et en attribue le patronage au seigneur du lieu ; mais le Livre noir et le Livre blanc placent l'église du Home dans le doyenné du Plain, et indiquent comme patron l’abbé de Saint-Sauveur, et comme seul décimateur le curé qui, en 1369, avait en plus un manoir. Une chapelle, qui ne donnait aucun revenu, était attachée à cette église. C'était Henri ou Héiie d'Agneaux qui, en 1150 ou 1162, avait donné l'église du Home à l'abbaye de Saint Sauveur.

 

Église Saint-Candide de Picauville, xfigpower

 
 

 


 
 

Son fils et ses neveux ratifièrent cette donation que confirma aussi Vivien, évêque de Coutances.

 

Le Home qui pendant le XIIeme siècle, possédait la famille d'Agneaux, appartenait à la fin du XVIeme siècle à la famille Aux Epaules fad Humeros, seigneurs de Sainte-Marie-du-Mont; Jeanne Aux Epaules, dame de l'Ile-Marie, fille de Robert Aux Epaules, baron de Sainte-Marie-du-Mont, épousa, en 1607, Bernardin Gigault de Bellefonds, gentilhomme de la chambre du roi, gouverneur de Valognes, puis lieutenant du chevalier de Vendôme au gouvernement de la ville et château de Caen, et fit entrer ainsi l'Ile-jSfaiùe dans la famille des Gigault. ILs eurent plusieurs enfants, entre autres Henri-Robert Gigault, seigneur de l'Ile- Marie, gouverneur de Valognes, qui fut le père de Bernardin Gigault, marquis de Bellefonds, seigneur de rUe-Marie, gouverneur de Valognes, maréchal de France et chevalier des ordres du roi ; une de leurs filles devint la maréchale de Saint-Géran ; une autre, célèbre par les grâces de son esprit, fut la marquise de ViUars, la mère du vainqueur de Denain; une troisième, Judith de Bellefonds, née à Caen, en 1611, eut le plus grand succès à la cour de la reine Marie de Médicis ; jolie et spirituelle, elle possédait tout ce qu'il fallait pour plaire. Entrée aux Carmélites, à Paris, en 1629, à 17 ans, la veille de la Sainte-Agnès, elle prit le nom de sœur Agnès de Jésus-Maria, et fut plusieurs fois élue prieure des Carmélites.

 

En 1649, Matignon se déclara pour la fronde, et s'empara de l'Ile-Marie, appartenant à Bernardin Gigault, alors enfant mineur.

 

Jacques II, se rendant en Angleterre à la tête d'une armée que Louis XIV lui fournissait en grande partie, passa deux jours, au mois d'avril 1692 au château de l'Ile-Marie, chez le maréchal de Bellefonds qui était rentré en faveur, et devait raccompagner dans son expédition d'Outre-Manche, à titre de commandant en chef des troupes françaises.

 

Le domaine de l'Ile-Marie, par suite d'acquisition, passa dans les mains de Georges-Adrien FeuiUie, marié à une demoiselle d'Agneaux. On trouve, en 1789, comme faisant partie des trois ordres qui s'assemblèrent à Goutances, messire Léon-Georges Feuiliie, seigneur du Hom ou Ile-Marie, et des fiefs du Roncer et aux Mortières, et du Riou, à Sainte-Mère-Eglise. Ce domaine appartient aujourd'hui à M. le comte d'Agneaux, neveu de Madame de Riou, membre du Conseil général de la Manche, et Inspecteur de l'association normande.

 
 
 
 

Château de l'Ile-Marie de Picauville. Balade en Cotentin

 
     
 

Le Home avait, dans le XIVeme siècle, le titre de ville ; du moins, dans le mois de février 1336-37, et après enquête faite au Home, à Carentan, Montebourg, la Haye-du-Puits et Varenguebec, le duc de Normandie accorda à Richard Ganète, sire du Homme, un marché hebdomadaire en la ville du Home.

Ainsi ce n'est pas une formalité nouvelle que celle de consulter les communes voisines de celle où Ton veut établir une foire ou un marché, et d'ouvrir des enquêtes de commode et àUncommodo ; on en agissait ainsi dans le moyen âge.

 

Les paroisses du Home et de Picau ville dépendaient de l'intendance de Caen, de l'élection de Valognes et de la sergenterie de Pont-l'Abbé. Masseville, en 1722, donne 7 feux imposables à la paroisse du Home, Dumoulin, en 1765, dit qu'elle n'avait pas d'autres habitants que ceux du château. Masseville compte à la paroisse de Picau ville 200 feux, et Dumoulin 298. Expilly lui donne 1341 habitants. La population des deux paroisses réunies est, en 1871, de 2507 habitants.

 

L'ile-Marie a vu mourir, le 4 juillet 1679, à l'âge de 62 ans, Antoine Garaby, qui naquit le 18 octobre 1617, au château de la Luzerne, dans la paroisse de Montchaton ; il eut pour père et mère Bornard Garaby de la Luzerne et Françoise de Pierrepont ; il épousa Anne de Yassé ; il mourut sans laisser d'enfants. Sa famille, propriétaire du fief de la Luzerne, portait d’azur à trois pals d'or, au chef cousu de gueules chargé d’un lion léopardi d'argent.

 

Antoine Garaby de la Luzerne, qui prit aussi les noms de Garaby Pierrepont de la Luzerne, sans être au nombre des poètes dont les noms appartiennent à l'histoire générale de la littérature française, n'est cependant pas un écrivain à dédaigner ; il ayait des aptitudes variées, un style facile et un esprit observatenr. Il se lia d'une manière étroite avec Samuel Bochart, des Yveteaux, Moisant de Brieux, le peintre de la Haie et Daniel Huet, évêque d'Avranches. Ces noms prouvent qu'il aimait les gens de lettres, et qu'il en faisait ses principaux amis. Ses ouvrages ne sont pas nombreux ils se réduisent à trois recueil de ballades et sonnets, les Miscellanées, et les Sentiments chrétiens, politiques et moraux.

 
     
 

Château de l'Ile-Marie de Picauville. CPA collection LPM 1900