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Plan des Iles Saint-Marcouf |
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Iles Saint-Marcouf GEORGE MANCEL. 1840
Les deux îles Saint-Marcouf sont situées à cinq quarts de lieues de la côte du Cotentin, à peu près au milieu de la distance qui sépare le port de la Hougue de l'entrée du Grand-Vey. Ces iles que l'on distingue entre elles sous le nom ile-du-Large ou d’Amont et ile-de-Terre ou d'Aval, et qui sont éloignées l'une de l'autre de cinq cent cinquante mètres, ont fort peu de relief au-dessus de la mer ; mais une redoute et une grosse tour casematée de plus de cinquante pieds de circonférence, qu'on a commencées vers 1804 sur le sommet de l'île du Large, en font le jour reconnaître la position de deux ou trois lieues de distance La nuit, un feu fixe de quatrième ordre, allumé sur la tour depuis le ler novembre 1840, y supplée. Cette forteresse, qui couvre presque entièrement l'île, offre une protection sûre aux vaisseaux dé l’Etat qui communiquent entre le Havre et Cherbourg, et on y maintient constamment une garnison. |
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Avant qu'elle fût un poste militaire, l’ile d'Amont possédait un ermitage dédie à Saint-Marcouf, où les pécheurs des côtes voisines allaient faire leurs dévotions. On assure que le saint, qui vivait au VIeme siècle, quittait chaque année son abbaye de Nanleuil, et venait passer sur cette terre inhabitée tout le temps du carême. Il s'y relirait sous une petite hutte qu'il s'y était bâtie de ses mains, couchait sur la terre, une pierre sous la tête, et se nourrissait d'un peu de pain d'orge, autant qu'il en fallait pour le soutenir et non pour le rassasier. Plus d'une fois le démon, jaloux de la chasteté de sa vie, tenta de le troubler dans sa solitude ; le saint parvint toujours à déjouer les artifices de l'esprit impur. Au Xeme siècle, on construisit à Saint-Marcouf une chapelle; mais la première charpente ayant été emportée miraculeusement par un coup de vent jusqu'à Fécamp, où l’on édifiait, par l'ordre de Guillaume-Longue-Epée, un oratoire en l'honneur de la sainte Trinité, on fut obligé d'en faire une seconde. Cette chapelle et le territoire des îles furent donnés , sous Guillaume-le- Conquérant , à l’abbaye de Cerisy. Lorsque les Cordeliers furent chassés de Jersey, au XVeme siècle, l'abbé de Cerisy leur permit de se retirer à Saint-Marcouf, qu'ils ne quittèrent que cent ans plus tard, pour aller s'établir à Valognes. |
CPA collection LPM 1900 |
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Depuis cette époque, les îles Saint-Marcouf restèrent désertes, et ne furent fréquentées que par les habitants de la côte, qui, moyennant un léger tribut, y transportaient leur bétail pour l'y faire paître pendant la belle saison.
Cet état de choses existait encore au mois de juillet 1795, lorsque la position de ces îlots fixa l'attention des Anglais ; sentant de quelle importance serait pour eux la possession de ce point que le Gouvernement français dédaignait d'occuper, ils y débarquèrent des troupes et s'y fortifièrent. Leur station de Saint-Marcouf devint bientôt un poste formidable contre la France : les communications entre le Havre et Cherbourg furent interceptées, et les approvisionnements de ce dernier port durent se faire par terre, ce qui entraîna des frais de transport considérables. Aucun navire français n'osa plus prendre le large sans être capturé; et une correspondance active s'établit entre les Vendéens, notamment le chef de chouans Frotté, et les autres mécontents de toute la France, qui puisaient là tantôt de l'argent ou des encouragements pour favoriser leur rébellion, tantôt y trouvaient un refuge assuré, lorsqu'ils étaient en fuite.
Enfin le Directoire reconnaissant trop tard l'utilité de ces rochers négligés jusqu'alors, résolut de les reprendre. Une flottille sous les ordres d'un officier supérieur de marine, le contre-amiral Lacrosse, se réunit à la Hougue au commencement de l'année 1798.Elle était composée de quinze chaloupes canonnières, de quelques bombardes et de trente-trois bateaux plats, ayant à bord des pièces dé fort calibre et de plus petites pour la descente, et portait environ trois mille hommes de troupes sous les ordres du général Roullon.
Le succès de cette attaque semblait tellement assuré, que le Moniteur du 25 floréal (14 mai) annonça la prise des iles Marcouf « et celle de cent quarante pièces de canon et de neuf cents prisonniers, tant anglais qu'émigrés français. Malheureusement cette nouvelle était fausse : l’expédition, sortie le 47 à neuf heures du soir, favorisée par une brume épaisse et par une mer tranquille, n'ayant rien à redouter des croiseurs anglais occupés dans la baie de Caen â la poursuite des bateaux plats du capitaine Muskein, vit les efforts de ceux qui la composaient paralysés par de fausses manœuvres occasionnées par la mésintelligence des chefs, si commune dans notre ancienne marine ; et le, commandant de l'expédition ordonna la retraite au moment même où les troupes de débarquement, dont l'odeur de la poudre et le bruit du canon animaient encore le courage, se disposaient à opérer leur descente, tandis que les Anglais, effrayés de tant d'audace, cessaient leur feu et que leur commodore se jetait dans un canot pour abandonner le lieu du combat. L'action avait duré trois heures; les Français y perdirent un bateau plat et dix hommes tués par le boulet; ils eurent en outre quinze blessés : la perte des Anglais est inconnue. Pendant ce temps, Muskein parvenait à tromper la surveillance des ennemis et à mettre en sûreté sa division légère.
L'attaque de Saint-Marcouf ne servit qu’â mettre les Anglais sur leurs gardes. Ils augmentèrent leurs fortifications : leurs vaisseaux couvraient les mers; et il eût fallu acheter par des flots de sang une conquête qu'on n'eut peut-être pu conserver. Aussi restèrent-ils maîtres des iles jusqu'en 1802, qu'ils les rendirent à la France, en vertu d'une stipulation du traifé de paix d'Amiens.
Les anglais, pour mieux surveiller nos côtes, s'étaient établis dans l’ile de Terre. il y avaient formé une rue de cent meures de longueur, bordée d'une double rangée de baraques en bois, dont les débris subsistent encore, ainsi que le pavé de la rue formé de galets. Il est à désirer que, pour compléter le système de défense de l'Ile du Large, on élève quelques constructions sur l'emplacement dont l'ennemi nous a indiqué la valeur, de même que sur les rochers qui l'avoisinent. |
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Iles Saint-Marcouf Photographie aérienne de Francis Cormon |
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