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Photo de Marie-Thérèse MAROCCO, pour http://clochers.org | ||||||||||||
Eglise Saint-Marcouf (VIe-XIe-XVe)
Marcouf né en 490 à Bayeux, ordonné prêtre en 526 par saint Possesseur, évêque de Coutances reçut pour mission d'aller prêcher l'Evangile dans le Cotentin, et détourner les habitants de leur paganisme et des hérésies ariennes et pélagiennes. Lorsque de nombreux habitants attirés par sa sainteté voulurent vivre à ses cotés, il alla demander un terrain au roi de France, Childebert, pour y construire un monastère. Le monarque lui fit don de la terre de Nanteuil, signifiant marais en saxon. A son retour, Marcouf fit bâtir une chapelle dont les murs, aux pierres disposées en écailles de poisson, se voient encore dans les murs extérieurs de la nef de l'actuelle église. Nanteuil devint vite florissant, ses moines évangélisèrent le Cotentin et les îles proches; ainsi, Saint Hélier qui évangélisa l'île d'Agna, aujourd'hui nommée Jersey, était moine de Nanteuil. Le sant lui-même passait chaque année son carême seul, dans une hutte misérable sur l'une des deux îles face à Saint-Marcouf, que l'on pouvait à l'époque joindre à pied aux grandes marées, la mer se découvrant jusque là. Il mourut en 558, âgé de 68 ans. Le bas-relief du maître-autel le représente sur son lit de mort, où saint Lô, évêque de Coutances, l'assista lui-même jusqu'à son dernier soupir.
Après la mort de Marcouf, les miracles, qui de son vivant étaient notables, se firent nombreux. On l'invoquait pour guérir les écrouelles, et autres maladies de la peau. Vers 900, les moines de Nanteuil emmenèrent les richesses de l'abbaye et ses reliques, menacées par les Normands, jusqu'aux résidences royales de Mantes et de Gassicourt (Yvelines), puis à Corbeny, près de Craonne, à 20 km de reims, où elles sont encore. Au XIe, un prieuré fut établi par l'abbaye de Cerisy. Tombé en commende et transformé en ferme, il existe toujours au nord de l'église, et porte le nom traditionnel en Normandie, de manoir. Les moines partis, la paroisse ne garda qu'une seule relique du saint, l'abbaye ne devait donc pas être reconstruite.
Mais les gens du pays, ne pouvant oublier ce bon saint, mirent leur paroisse sous son vocable et reconstruisirent, en lieu et place de l'abbatiale dédiée aux saints apôtres Pierre et Paul, une chapelle, puis une église, l'une des plus curieuses du pays. Ses belles voutes en bois aux pieces sculptées ont été remplacées par des ogives flamboyantes après les destructions de la guerre de Cent Ans. Deux de ces pièces très sculptées ont été replacées par les Beaux-arts dans la nouvelle charpente en 1952. Mais avant d'entrer dans l'église, faisons d'abord un tour à l'extérieur, dans le cimetière qui entoure l'édifice haut perché, au-dessus de la mer et du marais. Regardons ensemble cette magnifique tour-clocher latérale, au sud. Son volume inférieur, aux arcades aveugles et aux contreforts peu saillants, est du XIe. Au-dessus, les fenêtres geminées du deuxième volume et les chapiteaux à volutes revèlent une architecture du XIIIeme et du XVe. Remarquez aussi les gargoules sous le toit à bâtière, au sud. En restaurant la tour, les Beaux-Arts découvrirent trois voûtes superposées appartenant à trois époques diffèrentes. Ils acceptèrent de ne pas refaire la troisième afin de réouvrir ces baies géminées autrefois bouchées jusqu'à mi-hauteur. Au-dessus, les lucarnes, au nord et au sud, ainsi que les minces baies aux pignons de la bâtière (toit à deux pans), sont bouchées. L'on voit aussi dans une niche du coté occidental de la tour deux figures représentant un chevalier et sa dame. En faisant le tour de l'église, on remarque les contreforts édifiés contre le mur arrondi du chevet, ainsi que contre les murs de la nef et de la façade pour les épauler afin de soutenir la poussée des lourdes voûtes en pierre et les modillons (créneaux) sous le toit.
Sous le choeur de l'église, la crypte romane a été rebâtie à l'emplacement même ou Marcouf célébrait la messe. Elle date des XIe et XIIe siècles. On y rentre du dedans par une porte placée dans le début du mur de la chapelle sud, près de l'autel, en suivant un tunnel ménagé dans l'épaisseur des murs et du sol, et du dehors par une porte basse proche de la chapelle nord. La voute circulaire repose sur quatre piliers cylindriques occupant le point central, devant un sobre autel en pierres. Au fond, une statue de saint Marcouf, portant crosse et mitre, a été placée contre le mur par la famille de Pontgibaud, le 2 mai 1874. De chaque coté, deux plaques en marbre noir, datées du 26 mai et du 19 juillet 1853, ont été placées en mémoire du marquis et de la marquise de Blangy. On peut déplorer que les vitraux simples, placés sans doute au XIXème, ont été traités sans ménagement par le temps, mais les fenêtres fines, largement ébrasées, sont très bien conservées, de même que les piliers d'assise, qui se dégagent largement des murs.
Au-dessus, dans l'église, il faut admirer la tribune, soutenue par trois arcades et des pilastres du XVe, le bénitier, juste en dessous, datant du Xème et venant de l'ancienne abbaye, le reliquaire-tour, à gauche du maître-autel, portant la date de 1608, et juste à coté une pierre tombale de couleur bleue, recouvrant les restes d'Henri le Berceur, chevalier de saint-Marcouf, commandant pour le roi la ville et le château de Cherbourg. Au bout de la nef, à l'entrée de la chapelle latérale gauche, une pierre de dédicace rappelle que celle-ci a été bâtie par M. Le Roy, curé, en 1785. Une vieille statue polychrome du saint est entourée d'ex-votos de reconnaissance pour les guérisons qu'il a accordé. Au-dessous se trouvent d'ancien fonts baptismaux en granit, servant d'éteignoir pour les bougies. Devant cette même statue se trouvent aussi les reliques du saint encore possèdées par la paroisse. A gauche dans la nef, une plaque indique le tombeau de Marie Anne Françoise Rose LEBERCEUR de FONTENAY, épouse de Maximilien Marie Pierre Le Viconte DE BLANGY, rappellée à l'éternité le 26 May 1808. A droite se trouve encore un bénitier séparé en deux compartiments, une plaque à la mémoire de César Henry Joseph de MORE, comte de Pontgibaud et de sa femme, ainsi qu'une petite plaque de marbre blanc rappellant qu'en 1918, la commune a été consacréer au Sacré-Coeur de Jésus. La chapelle sous le clocher, au sud, est aussi la sacristie, et est séparée de l'église par une grille en fer forgé, garnie de rideaux.
Au soir du 5 juin 1944, des vagues d'avions détruisirent en presque totalité le village de l'église Saint-Marcouf (rappellons que la commune possède encore le village de Crisbecq, des Gougins et le Hameau du Sud, ces derniers sur la mer) et firent 36 victimes sur les 122 habitant cette partie de la paroisse. La crypte, malgré ses murs de 1 m 80, fut lézardée de part en parts et la tour fut écornée. Durant les combats du Débarquement, le secteur étant truffé de batteries (Crisbecq, Azeville...), les allemands mirent le feu au clocher pour qu'il ne puisse servir de poste d'observation aux américains et les cloches tombèrent sur les voûtes. Après la guerre, elles furent refondues, à l'exception de la petite, et bénites par l'évêque de Coutances le 30 mai 1955. La charpente fut refaite en 1952, deux des trois travées de la voûte du choeur déposées et refaites entièrement. Le maître-autel posé le 2 mai 1920, avec son tabernacle plus monumental, ses deux hauts-reliefs et son ciborium ne fut pas refait pour dégager et mettre en valeur la belle abside. | ||||||||||||
Édouard Hue — Travail personnel | ||||||||||||
CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||