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Annuaire des cinq départements de la Normandie 1900 58 SESSION TENUE A MONTEBODRG, EN 1900. Monographie de l'église de l'Abbaye de Montebourg
L'église de l'abbaye de Montebourg fut bâtie peu de temps après la fondation même du monastère dont elle fait partie. C'était vers la fin du XI" siècle, en 1082 : deux moines étaient partis de la Savoie à la recherche d'un emplacement propice pour la fondation d'un nouveau monastère bénédictin. Ils gagnèrent d'abord la France et, à petites journées, avaient parcouru le pays jusqu'aux sources de la Seine. Parvenus à son embouchure, ils atteignent le bord de la mer et, suivant longtemps le littoral, arrivent de compagnie jusqu'au petit port du Bessin, appelé Grandcamp. Sur le rivage, un soir, ils s'endorment pour se reposer de leurs fatigues, l'un dans une barque de pêcheurs laissée à sec, l'autre à quelques pas de son compagnon, sur le sable. Au réveil, quel ne fut pas leur étonnement de se trouver séparés cette fois? La mer était venue doucement et avait emporté au large la petite barque dont la voile blanche n'apparaissait plus à l'horizon que comme une aile d'oiseau. Elle atterrit heureusement sur la côte méridionale d'Angleterre. Le moine devint bientôt évêque de Salisbury. Quant au frère Roger, demeuré seul sur la terre normande, il continua au hasard son voyage ettraversa la forêt voisine, vers l'occident. Un soir, la nuit le surprit sur l'une des collines voisines de Montebourg, celle qu'on nomme maintenant la Museresse. Il s'endormit doucement dans le creux d'un rocher ; et, cette nuit-là, il eut un songe étrange: il vit une belle étoile se détachant du firmament et tombant dans la vallée voisine; une grande clarté illumina l'horizon. En même temps, une voix céleste lui apprenait que Notre-Dame voulait qu'on lui édifiât un sanctuaire au pied de cette colline. Au contact du feu du ciel, les broussailles s'étaient enflammées et avaient aplani une grande étendue de terrain sur les bords d'un ruisseau. Le bon moine comprit par ce prodige que ce lieu devait être l'emplacement même du monastère qu'il désirait fonder. Tel est le résumé d'une gracieuse légende écrite en latin à ce sujet, en 1448, sous le gouvernement de dom Guillaume Guérin, par un moine de l'abbaye nommé Denys Clémence (Bibliothèque nationale, manuscrits latins, n° 12.885, folio 135).
Le bruit du miracle s'étant répandu dans toute la contrée parvint aux oreilles du duc Guillaume qui, revenant de la conquête d'Angleterre, se trouvait à Cherbourg, peu de temps après la bataille d'Hastings (1070). Voulant s'assurer de la vérité dé ce prodige, il envoya au moine Roger son médecin, originaire de Savoie; et il se trouva que ce médecin était le frère utérin de l'ermite passé en Angleterre. Il lui apprit la destinée de l'évêque de Salisbury. Et, de retour en Angleterre, il informa aussi ce dernier du sort de son compagnon de voyage.
Guillaume le Conquérant devint le protecteur denotre moine fondateur. Une charte de Henri II le prouve invinciblement; car, en faisant l'énumération des dons de ses prédécesseurs à l'abbaye de Montebourg, ce prince y dit : ex dono Willelmi régis qui Angliam acquisivit (M. de Gerville possédait l'original de cette charte, en 1817).
La famille de Reviers, alliée de très près au Conquérant, contribua largement aussi à la fondation.
On distingue les branches de Reviers, l'une de Vernon et de Néhou, l'autre de l'Ile de Wight, en Angleterre. Or, Richard de Reviers, de Vernon, était en grande faveur auprès de Henri Ier. Ce dernier donna en sa considération, au monastère de Montebourg, les revenus des marchés du lieu et des trois foires de la Chandeleur, de l'Ascension et de la Mi-Août.
Richard, de Néhou, lui-même, donna personnellement deux prieurés en Angleterre; sa femme, Adélicia Peverel, voulut donner aussi un manoir qu'elle avait reçu en dot. La branche de Reviers, de Wight, donna de son côté un autre prieuré en Angleterre. Beaudoin de Reviers, comte de Devon, et ses successeurs, s'occupèrent beaucoup de soutenir l'abbaye. L'église fut construite en partie par les soins de ce dernier. De plus, Guillaume, de Vernon, lit don aux premiers religieux d'un autre manoir situé dans les îles normandes. Les rois de France avaient approuvé ces droits. Les papes Adrien IV, Eugène III, et leurs successeurs,, confirmèrent ces donations.
Le moine Roger avait bâti dans le principe une petite chapelle « de forme circulaire », à l'endroit même où l'étoile miraculeuse était tombée : elle fut dédiée sous le vocable de Notre-Dame de l'Étoile. Unmonastère s'élevait à côté. La tradition fixe encore le point précis de ces premières constructions, quoiqu'il n'en reste aucune trace.
Des moines de Saint-Leufroy, d'Evreux et de Jumièges étaient venus se joindre au moine Roger. On jeta bientôt les premières assises de la belle église abbatiale qui ne devait être achevée que vers 1150. Le saint fondateur finit ses jours en 1093.
La grande église abbatiale fut consacrée en 1152, par Hugues, archevêque de Rouen, Rothalde, évêque d'Evreux, et Richard de Bohon, èvêque déCoutances; en présence de Henri, alors duc de Normandie et plus tard roi d'Angleterre, sous le nom de Henri II.
Cette église était belle et grande « la plus vaste et la plus remarquable du Cotentin », dit M. Th. du Moncel.
Comme elle a disparu à la suite de la Révolution, nous en trouvons une description sommaire par une charte de 1745, dont l'original est conservé au greffe du tribunal civil de Valognes. C'est le procès-verbal de la visite des experts, envoyés par Messire Mathias Poncet de La Rivière, évêque de Troyes, abbé commendataire de Montebourg, et de l'héritière de feu Messire Charles d'Avejan, évêque d'Alais, et en son vivant abbé de Montebourg (Cahier de 237 pages, in-4°).
On y lit ce qui suit :
« L'église a de longueur 36 toises, depuis le dehors du mur de la principale porte d'entrée jusques et y compris l'extérieur de celui du rond-point, derrière le grand autel, sur 30 de largeur (erreur), non compris la croisée de ladite nef ny les collatéraux ou |
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