TOCQUEVILLE
  CC 17.16 SAINT-PIERRE-EGLISE
   
  ALEXIS DE TOCQUEVILLE
         
 

Château de Tocqueville Façade Est CPA 1908

 
         
 

Alexis de Tocqueville

1805-1859

 

Député (1839), Ministre des affaires étrangères (1849), Président du Conseil Général de la Manche (1849). Refus du coup d'Etat de Napoléon III, il est emprisonné.

 

Alexis passe son premier été à Tocqueville dans le château familial en 1837, et en 1838 il écrit,"je me fixerai désormais là tous les ans pendant six ou huit mois de l'année et dès l'été prochain, je commencerai à faire les travaux nécessaires pour rendre ce lieu habitable."

 

Au regard de l'actualité de 2009 qui fait que tous les élus normands sollicitent un TGV entre Cherbourg et Paris voire au delà, Alexis de Tocqueville mena aussi sa bataille du rail. Dans son rapport il développe l'importance économique de la Normandie pour l'approvisionnement de la capitale. Le train va atteindre Cherbourg officiellement le 4 août 1858

 

De même il va plaider pour le port de Cherbourg, le 7 août 1858 l'Empereur Napoléon assistait à la mise en eau du bassin de l'arsenal et au lancement d'un vaisseau à vapeur de 90 canons et 900 chevaux.

 

Tocqueville avait eu raison mais s'étant retiré de la vie politique en 1852, ayant désapprouvé le coup d'état de 1851, il n'assistera pas à la fête. on a alors écrit à son sujet "c'est aussi sa grandeur d'avoir servi sans retour".

 

Si Tocqueville a fréquemment changé d'adresses parisiennes durant sa carrière - pas moins de dix fois - et s'il a souvent multiplié les différents lieux de villégiatures profitant fréquemment du château de Fosseuse des Kergorlay ou encore de celui de Baugy qu'occupe son frère Édouard, il n'est pourtant qu'un seul et unique lieu où il se sente véritablement at home comme il l'écrit lui-même, et c'est l'ancestral château de Tocqueville. Lorsqu'il le découvre pour la première fois en 1833 (alors que le dit château devrait revenir à son frère Édouard) il est immédiatement charmé par l'impression de sérénité et de tranquillité profonde que lui procure le lieu. Ce charme est à ses yeux encore augmenté par le souvenir de ses ancêtres qui hante encore l'endroit et que Tocqueville se plaît à imaginer remontant jusqu'à Guillaume-le-Conquérant. 

 

« J'ai soif de Tocqueville ; de notre solitude, de notre intimité, de notre tête-à-tête,

de tout enfin ce qui fait le fondement réel de mon bonheur dans ce monde. »

 

                                                                   (Lettre à Marie Mottley, 3 juillet 1842)

 
         
 

Château de Tocqueville Façade Est CPA 1908

 
         
 

Aussi, lorsque le château de Tocqueville lui échoit finalement dans le partage des biens familiaux, Alexis de Tocqueville est-il bien décidé à s'y établir durablement en compagnie de son épouse qui devient à partir de 1836 la véritable intendante des lieux. Car s'il est vrai que l'installation de Tocqueville dans le château et le village du même nom représente durant toute sa carrière politique un argument électoral de poids pour le député de Valognes qu'il est, il se figure d'abord l'enceinte du château comme le lieu de son intimité avec Marie, comme le havre de son bonheur conjugal.

 

Pourtant le château de Tocqueville, qui est resté plus d'un demi-siècle inhabité, est loin d'être de tout confort et ce n'est qu'au prix de longs et coûteux travaux d'aménagements et de restauration, dirigés de main de maître par Marie, que le couple parvient à faire de "la vieille masure de la famille" un lieu habitable et digne d'accueillir chaque été leurs amis les plus fidèles. Jean-Jacques Ampère, Francisque de Corcelle ou encore Gustave de Beaumont deviennent ainsi les hôtes réguliers du château de Tocqueville, où ils partagent avec le maître des lieux, d'interminables soirées passées dans la bibliothèque à découvrir les nombreux trésors que ses prédécesseurs y ont amassés.

 

« Ce cher Tocqueville ! il ne se présente à mon imagination que comme l'asile

de la paix et du bonheur. C'est le port au milieu de toutes les tempêtes.

 Je n'ai jamais, après tout, été autant et aussi longtemps heureux que là. »

 

                                                                              (Lettre à Marie Mottley, 1837)

 

Quant aux journées, Tocqueville aime à les passer à l'extérieur, que ce soit pour rendre visite à ses différents fermiers ou pour prévoir avec Marie les nouveaux arrangements nécessaires à l'amélioration du parc qui entoure le château et qui est l'objet de tous leurs soins, une fois l'aménagement intérieur du château terminé. Il est d'ailleurs frappant de constater que Tocqueville consacre une large part de ses dispositions testamentaires, entre autres volontés concernant le destin de son œuvre, à autoriser Marie à poursuivre tous les changements qu'elle jugera nécessaire dans la disposition des jardins du château de Tocqueville...   

 

Ne serait-ce pas là l'ultime preuve de son attachement pour un lieu, qui a su cristalliser sa

fidélité pour la terre de ses ancêtres et qu'il est le premier à considérer comme une part delui-même ?

 

"Figurez-vous une vieille maison flanquée de deux lourdes tours, où rien ne semble fait pour la commodité et encore moins pour l'agrément de l'oil. Des chambres obscures, de vastes cheminées qui donnent plus de froid que de chaud, des fauteuils où l'on tiendrait trois à l'aise, des murs humides et des corridors où le vent siffle aussi gaiement qu'il peut le faire dans une soirée d'automne. Voici le tableau fidèle de mon habitation. Ajoutez à cela un bouquet de bois que mon grand-père n'a pas vu naître, et que je ne verrai pas mourir, et une longue prairie que la mer termine à l'horizon et vous aurez tout : je me trompe, vous n'imaginez pas encore la tranquillité profonde qu'on goûte en ces lieux. Point de bruit de vie n'arrive jusqu'aux oreilles ; jamais, depuis des siècles, une voiture n'est entrée dans la cour du château. La raison en est simple. Aucun chemin praticable ne saurait y mener. [...]. Maintenant, dites-moi, qu'est-ce qui fait que je ne me déplais point dans un lieu si peu agréable ? En vérité, je l'ignore. Je crois que c'est tout simplement l'esprit de propriété. Ce lieu est pour moi plein de souvenirs. J'y vis dans un monde de chimères. Savez-vous que du haut de la tour j'aperçois le port où Guillaume s'est embarqué pour aller conquérir l'Angleterre ? Savez-vous que tous ces lieux portent des noms fameux dans notre histoire ou dans la vôtre ? Enfin pensez-vous qu'à l'horizon est le pays où vous êtes née, Marie, et vous étonnerez-vous après cela que ma solitude soit peuplée ?"

 

                                                       (Lettre à Marie Mottley, juillet 1833)

 
         
 

Château de Tocqueville Façade Est Photo 2008

 
         
 

"Elle se nomme Les Trésorières ; à environ trois kilomètres de Tours aussi par la route de Tours à Saumur, dans la vallée de la Choisille : occupant un plateau uni, elle manque absolument de vue ; c'est là son grand défaut ; elle doit à ce défaut sa principale qualité, qui est de posséder une température d'une douceur inaltérable : pas un souffle de mauvais vent n'y peut pénétrer. C'est meublé et en assez bon état. il y aurait assez et au-delà de ce qu'il vous faut pour vous loger ; tout aussi est parqueté ; il y a un petit parc et potager qui serait compris dans la location ; écuries et remises. Pour qui aimerait le soleil et voudrait ne jamais recevoir un souffle de mauvais vent, je n'imaginerais rien de plus parfait ; mais on est emprisonné dans une oasis et l'oil ne voit rien au-delà d'un assez joli jardin, qui n'est pas assez grand pour que je l'appelle un parc, et qui cependant est assez grand pour ceci : contenir un bon potager et quelques petites promenades bien ombragées. C'est une lézardière avec des ombres quand on en veut. (.) C'est, je crois, sur le bassin de la Loire le seul point qui soit au même degré abrité contre tous les vents du Nord, du Nord-Ouest et même de l'Ouest." 

 

(Lettre de Gustave de Beaumont à Alexis de Tocqueville, 19 avril 1853)

 

La  partie la plus ancienne, se compose d'un rez de chaussée et d'un étage bas à cinq lucarnes sous un toit en lames de schiste qui rappelle les ondulations des toits de chaume. Une tour du XVI ème s'accole à une vaste galerie qui mène à un pavillon carré à deux étages construit en 1896 selon le style Renaissance

 
         
 

Testament d'Alexis de Tocqueville

 

"J'implique enfin que ma femme aura la jouissance la plus large et la plus étendue de tous les immeubles contenus dans l'usufruit. Elle pourra, notamment, faire dans les bâtiments tous les changements de distribution et de destination que bon lui semblera ; faire toutes constructions nouvelles ; changer la disposition des jardins ; en faire de nouveaux ; changer les cultures et les assolements ; abattre toutes futaies, réserves, plantations et arbres épars, particulièrement, les arbres qu'il est d'usage en Normandie de laisser croître sur les haies ; disposons ainsi qu'elle avisera, des arbres ainsi abattus et sans en être comptable ; faire toutes plantations nouvelles ; passer et renouveler tous baux.

 

Toutes les dispositions qui précèdent ont pour but, dans ma pensée, de supprimer en quelque sorte, tous rapports d'intérêts et d'affaires entre ma femme et mes héritiers afin de ne laisser subsister, entre eux, que des rapports d'amitié et de famille."

 

la façade principale avec pavillon central 

à fronton triangulaire date du XVIII ème

et la tour du XVIème.