SAINT-GERMAIN-DES-VAUX
  CC 14.15 de La HAGUE
   
  ANTOINE-RENE DU BEL 2/3
         
 

Histoire du comte Antoine-René Du Bel

Seigneur de Saint-Germain-des-Vaux

Jean-Baptiste Digard de Lousta -1852

 
 
         
 

Eglise de Saint-Germain-des-Vaux CPA collection LPM 1900

 

Lundi, dernier jour de juillet, continua l’étranger, un jeune dominicain, nommé Jacques Clément, encouragé par madame la duchesse de Montpensier, sœur des Guise, partit pour Saint-Cloud, sous prétexte de remettre au roi des lettres du premier président, Achille de Harlay, etc. lui communiquer les choses les plus importantes sur les intérêts de sa couronne. Le lendemain, le jeune religieux ayant été introduit dans la chambre du roi, entre six et sept heures du matin, le frappa mortellement d’un coup de couteau.

 

Par suite de cet événement, ajouta l’étranger, en s’inclinant gracieusement vers le comte, le duc de Mayenne, qui connaît votre bravoure, m’a député vers vous, pour vous prier de sa part de venir vous joindre aux intrépides et loyaux défenseurs de la religion catholique, apostolique et romaine, aux fins de repousser par la force des armes ce huguenot de Henri de Navarre, qui a mis le siège devant notre bonne ville de Paris.

 

Le comte du Bel stupéfait de ce message, conserva assez d’autorité sur lui pour répondre qu’il était aux ordres du duc de Mayenne, et qu’il s’estimait heureux de pouvoir lui donner des preuves de son estime et de son affection, qu’ils avaient débuté ensemble dans la carrière des armes, et qu’il se retrouverait avec bonheur sous le commandement d’un si vaillant capitaine. Puis, après une pause de réflexion, il ajouta. Veuillez me dire, seigneur chevalier, si vous accordez beaucoup de temps à mes préparatifs de départ ?

 

J’ai des ordres précis, répondit le chevalier, et je dois vous dire que la ville de Paris étant assiégée par Henri de Navarre, un combat terrible peut avoir lieu d’un moment à l’autre, et que devant être rendus à Paris dans trois jours, il devient indispensable que nous partions demain matin au point du jour.

 

Quoiqu’il en coûtât au comte Antoine-Réné du Bel de s’éloigner de son pays, il se résigna toutefois, et partit avec le messager du duc de Mayenne. Le comte était un homme de tête, de cœur et d’action. Aussi le duc de Mayenne le retint-il plusieurs années auprès de sa personne. Pendant tout le temps de son absence, le comte, par une inconcevable bizarrerie, ne donna aucune nouvelle à sa femme, en sorte que le bruit de sa mort se répandit dans le pays, et prit de plus en plus l’apparence d’une certitude. Soit qu’il eût été tué dans un combat, soit qu’il eût péri d’un autre genre de mort, il semblait devenir évident pour tout le monde que le comte Antoine-Réné du Bel n’existait plus. La comtesse elle-même ayant écrit au duc de Mayenne sans recevoir aucune réponse, fut persuadée que le comte était mort, et que dès lors elle était libre. Comme elle était jeune et belle, elle se vit entourée d’une foule d’adorateurs. Quelques uns des jeunes seigneurs qui, avant le mariage de la comtesse, avaient sollicité sa main, recommencèrent leurs visites et leurs assiduités. Au nombre de ces seigneurs était un gentilhomme qui passait pour le plus accompli de son temps, sous le rapport de la distinction des manières, de l’élégance du langage, de la générosité et de la bravoure. C’était le marquis Gustave-Léonidas de Gréville. Ou s’aperçut bientôt que la comtesse le préférait, et qu’elle ne tarderait pas à l’épouser. En effet, le 17 juin 1594, un an après l’avénement de Henri IV au trône de France, l’église de Saiut-Germain-des-Vaux présentait un superbe spectacle. Le maître-autel et les murs de l’église étaient tendus d’une draperie blanche. Au milieu du chœur était réunie toute la noblesse du pays : comtes, barons, chevaliers, écuyers, varlets. Le curé de la paroisse, vêtu d’une aube parsemée de broderies d’argent et d’une chasuble de toile d’or, célébrait la messe du mariage qui devait unir pour toujours Sophie-Eléonore de Sennecey, veuve du comte Antoine-Réné du Bel, au jeune et beau marquis Gustave-Léonidas de Gréviile. Le marquis et la comtesse étaient à genoux au pied de l’autel, l’un à côté de l’autre, sur deux tabourets garnis de velours. Le costume du marquis de Gréviile était à peu près le même que celui des seigneurs de la cour de Henri IV. La comtesse avait le costume des dames du XVIe siècle. Elle portait une robe de riche étoffe à grands dessins, des souliers de cuir noir, des gants d’Espagne parfumés, et une cotte de damas blanc largement échancrée sur la poitrine. Ses cheveux, d’un noir d’ébène, cachés à la naissance, se relevaient vers le sommet de la tête, et étaient ornés d’une résille de soie et d’or. L’ensemble de sa toilette en un mot réalisait le beau idéal du bon goût et de l’harmonie des formes. À droite et à gauche du chœur brillait un écusson aux armes du marquis. Une foule de peuple animait cette fête par sa présence.

 

À peine la cérémonie du mariage était-elle terminée qu’on vit entrer dans l’église un chevalier armé de toutes pièces, le casque en tête, la visière baissée, la main gauche placée sur la garde de sa lance. Ses bottes pesantes et ornées d’éperons d’or retentissent sur le pavé du temple, il s’avance toujours et va se placer sur le premier degré de l’autel, du côté de l’évangile. À l’aspect de cet homme la comtesse éprouva un sentiment de terreur. Ce sentiment s’accrut bien davantage, lorsque le chevalier inconnu poussant son casque en arrière, et croisant les bras sur sa poitrine, laissa voir aux nouveaux époux et à l’assistance effrayée le visage du comte Antoine-Réné du Bel, premier mari de la comtesse, qui d’une voix pleine de menace et de courroux prononce ces paroles : Que faites-vous ici madame ? Et vous, marquis, continua-t-il en s’adressant au seigneur de Gréville, je vous annonce que ce jour va se changer en funérailles ; madame la comtesse ne peut avoir deux maris, il faut que l’un de nous disparaisse ; je vous provoque aujourd’hui même à un combat singulier. Alors se tournant vers le prêtre, il le mesure d’un regard étincelant de fureur, et lui dit : ministre d’un Dieu de paix, tu t’es constitué aujourd’hui le serviteur de Satan, maudite soit ta main qui a béni un mariage adultère  ! Et des voix répétaient dans la foule : Maudite soit ta main qui a béni un mariage adultère  !

 

Port Racine Saint-Germain-des-Vaux 1900


Port Racine Saint-Germain-des-Vaux 1960