LITHAIRE
  CC 11.09 CÔTES DES ILES
   
  LITHAIRE 1841
         
 

LITHAIRE 1841

 

Lorsque nous sommes dans un pays qui nous est inconnu , nous cherchons, autant que possible, à nous placer sur un point élevé, montagne ou clocher. Il nous semble qu'en pareille occasion, pour bien voir, il faut voir de haut. En procédant de la sorte, on s'expose, il est vrai, à perdre quelque chose des détails; mais on a l'avantage de saisir l'ensemble: il v a, selon nous, plus que compensation.

 

Nous trouvant donc, en ce moment, dans cette partie de la BasseNormandie qui forme la jonction de la presqu'île du Cotentin avec le reste du département de la Manche , nous aimons à parcourir les petites montagnes qui s'y rencontrent. Les principales sont : la montagne de Lithaire, qui porte l'église de la commune de ce nom; Montcastre , et la montagne de la Poterie. Reposant sur de larges bases , séparées par des vallées très-ouvertes, elles s'élèvent en courbes harmonieuses à l'œil. Comme elles sont les points culminants du sol, dans un rayon de plusieurs lieues, l'observateur, parvenu à leur sommet, peut embrasser du regard une immense étendue de la contrée.

   
         
 

Au couchant, la mer qui baigne une côte presque droite, jusqu'à la pointe escarpée de Carteref; et, dans le large, l'île anglaise de Jersey; au levant la mer encore, s'avançant dans les terres pour former la baie d'Isigny, qui se dessine aussi nettement que sur une carte géographique, bien qu'éloignée de plus de six lieues; au nord, au midi, de tous les côtés, une multitude d'habitations, éparses ou réunies en village aux clochers pointus; des champs cultivés, entourés de haies vives , où naissent de grands arbres ; de vertes prairies et des landes arides; de sombres massifs de bois; des marais, retraites solitaires des oiseaux aquatiques.

 

Voyez, maintenant, quels riches effets ce paysage grandiose emprunte au jeu de la lumière et des ombres! Comme tout est vie et mouvement sur ce vaste théâtre! De blanches voiles glissent au loin sur les flots; la campagne est peuplée de travailleurs; d'innombrables troupeaux couvrent les pâturages : prêtez l'oreille au souffle des vents d'été, à tous ces bruits solennels qui montent de la terre au ciel dans un beau jour, et reconnaissez humblement qu'un tel spectacle n'est pas de ceux qu'il est donné à l'homme de produire.

 

L'antiquaire n'aurait pas moins que l'artiste à recueillir dans ce quartier delà vieille Gaule Armorique. Des pierres druidiques s'y rencontrent; et tout prouve que ses avantages, comme position militaire, avaient été complètement appréciés par les Romains. Une belle ruine, évidemment romaine , connue sous le nom de Château-de-Lithaire , reste debout sur la montagne de Lithaire, et là, comme une sentinelle à son poste, semble surveiller encore les descendants de Brennus. Sur Montcastre, lequel , en dépit des siècles , a conservé son nom romain intact, moins deux lettres , on trouve concordance précieuse du mot avec la chose, qui eût transporté d'aise notre vieil ami Le Laird de Monkbarns , on trouve, disons-nous, les retranchements presque entiers d'un camp romain. L'entrée de la moins étendue des deux enceintes, et cette enceinte elle-même, offrent de remarquables proportions.

 

V. L. B.