LESSAY
  CC 10.08 du canton de Lessay
   
  ABBAYE DE LESSAY
     
 

Abbaye de Lessay, CPA collection LPM 1960

 

SAINTE-OPPORTUNE ou LESSAY

Sainte-Opportune, sancta Opportuna

Abbaye De Lessay. texte de 1860

 

—Vers la fin du Xeme siècle, un sentiment de douleur s'empara de tous les esprits, et une terreur indicible se répandit au sein des populations. Des prophéties circulèrent dans les cités et dans les manoirs, sur la fin prochaine du monde, qui ne devait pas vivre au-delà de mille ans; mais, quand les temps marqués pour ce grand cataclisme se furent écoulés, sans que le Seigneur, aux yeux étincelants de colère, eût appelé toutes les âmes à son jugement, aussitôt les hommes passèrent de la tristesse à la joie, et s'abandonnèrent à des sentiments d'allégresse et de bonheur. Alors, les fondations pieuses furent regardées comme le plus sûr moyen de se rendre agréable à Dieu, et de lui prouver sa reconnaissance. Partout s'élevèrent des églises et des abbayes; les rois et les princes donnèrent l'exemple; les barons et les grands vassaux les imitèrent. Chacun s'empressa de prévenir les autres dans l'accomplissement des bonnes œuvres, et de se surpasser dignement par ses libéralités et ses riches constructions religieuses. « Il n'était pas un homme puissant qui ne se crût digne de la • dérision et du mépris de ses semblables, s'il n'entretenait » convenablement, dans ses domaines, des clercs ou des » moines, pour y former la milice de Dieu. » N'était-ce pas d'ailleurs un moyen de s'immortaliser aux yeux des nommes ? Une église bâtie, une abbaye fondée et richement dotée, assuraient aux bienfaiteurs la faveur des religieux qui, dans leurs écrits, leur donnaient des éloges, et s'engageaient à prier pour eux et pour les leurs, jusqu'à la consommation des siècles. Ainsi, les hauts et puissants barons fondaient des abbayes; d'autres seigneurs moins opulents bâtissaient et dotaient des prieurés, ou même donnaient seulement la dime de leur fief, ou des rentes, chacun enrichissant les maisons religieuses, dans la mesure de ses moyens. C'est ainsi encore que nos guerriers normands, et leurs pieuses compagnes, élevèrent en Normandie, en moins de trois siècles, notamment sous le règne de Guillaume le Conquérant et pendant celui de ses trois fils, Guillaume, Robert et Henri, plus de deux cents églises ou monastères, et exécutèrent ces grandes fondations religieuses; et cependant ils bâtissaient ces redoutables forteresses dont, aujourd'hui, nous n'admirons plus que les ruines, mais qui contribuèrent à distinguer notre beau pays, et ont fait appeler la Normandie la terre classique des églises et des châteaux.

 

C'est à celte époque de ferveur et de piété que nous devons ces merveilleuses basiliques, ces monuments si grands et si poétiques. L'histoire nous apprend que c'était en chantant des cantiques et des hymnes, que nos aïeux bâtissaient ces églises, si remarquables par leur nouveau style et leurs belles proportions; élevaient ces tours aux flèches pyramidales, comme s'ils eussent voulu leur donner pour mission de porter au ciel l'hommage de leur foi, l'expression de leurs prières et de leurs vœux.

 

Ce fut dans ces grands jours d'enthousiasme religieux, qu'à Lessay, dans la paroisse de Sainte-Opportune, à quatre lieues de Coutances et autant de Saint-Sauveur-le-Vicomte, à peu de distance de la mer et sur la rivière d'Ay, en l'année 1056, suivant les uns, 1064, suivant les autres, s'éleva un monastère de l'ordre de saint Benoit, consacré à la SainteTrinité.

 

Celte abbaye eut pour fondateurs les puissants seigneurs de la Haye-du-Puils. Richard Turstin ou Tustin-Haldup, vicomte de Cotentin, et Anna ou Emma, sa femme, fondèrent cette maison religieuse, d'après les conseils et les inspirations du célèbre Geoffroy, évèque de Coutabces, et de l'assentiment de Guillaume, duc de Normandie.

 

La charte de fondation indique toutes les concessions et tous les bénéfices, dont la munificence des fondateurs dota ce nouvel établissement.

 

Ils lui donnèrent des églises, des mesnils, des bois, des forêts, des terres incultes et des terres cultivées, des moulins et les eaux destinées à les faire mouvoir, des pêcheries et des salines, des dîmes, des droits de passage, de pâturage, ainsi que le droit de prendre du bois, dans leurs forêts, pour les réparations des bâtiments du monastère

 

C'est ainsi qu'ils lui donnent ce qui leur appartient à Sainte-Opportune et dans les mesnils qui en dépendent, ce que, dans un lieu nommé Favières, a détenu Adelaïs de Baupte, le bois des Castiaux, la part qu'ils avaient à Urville, à Angerville, et dans les autres manoirs qui leur appartenaient à Urville; — leur part dans l'église de Saint-Georges de Tonneville, avec les dimes et autres revenus de cette église-, —l'église de Coigny, avec ses dîmes et celle des revenus de leur manoir; une terre à une charrue , et un vavasseur, avec ce qu'il tient à Coigny et à Beuzeville-au-Plain ; — ce qu'ils avaient à Àppevlile, à Ozeville, et dans leurs autres manoirs dépendant d'Appeville ; — leur part avec tous leurs droits dans l'église de Saint-Jores ; — celle de Sainte-Suzanne avec leurs droits ; — l'église de Créances, avec ses dimes et tout ce qui en dépendait; un vavasseur avec sa terre ; dans le même lieu, une terre à deux charrues, trois salines et une pêcherie dans la mer ; — la dime du marché et de la foire de Créances, celle de Cavilly, la dime du moulin de la Feuillie et de ses pêcheries; — l'église de Saint-Georges-de-la-Roque, avec ses dimes et ses droits ; — une terre a une charrue à Montchaton, avec la dime du moulin, des pêcheries et de tous les autres revenus de Jeur manoir ; — l'église d'Arganchy, avec les dimes et tout ce qui appartenait à cette église , avec la dime aussi de tous les revenus de leur manoir; — une terre à deux charrues et leur part dans l'église de Saint-Philippe de Vaussieux ;—leur part dans l'église de Sainte-Marie de Martragny ; — tout ce que Hugon de Vaussieux avait tenu à Vaussieux et à Martragny ; — leur part dans l'église de Coisnières, avec les dimes et tout ce qui appartenait à cette église. Cette charte fut signée par Guillaume le Conquérant, sa femme, ses fils Henri, Guillaume et Robert; par les évêques d'Avïanches, de Bayeux et de Coutances; par Lanfranc, archevêque de Cantorbery, Robert de Beaumont, Hugues de Grentemesnil, Anselme, abbé du Bec , Onfroy de Bohon , Guillaume du Plessis , Guillaume d'Aubigny, Renaud d'Orval, Raoul, vicomte de Bayeux; Robert de la Haye, Raoul de Gorges, Guillaume du Hommet et Mathilde, sa femme; Guillaume de Lestre, Geoffroi de Fierville, Robert des Moutiers, et plusieurs autres.

 

La charte que nous venons de rapporter avait besoin, pour être validée, de recevoir la sanction royale. Cet acte solennel se passa à Ronneville, apud Bonam villam, en Tannée 1080, en présence de la reine Mathilde, de ses fils, de l'archevêque de Rouen, de Geoffroy, évèque de Coutances, et de plusieurs autres prélats et barons.

 

Les fondateurs voulurent que leur monastère fût indépendant, et que les religieux qu'ils y appelleraient afin de desservir leur église, ne fussent soumis à aucune autre abbaye (i ).

 

La parenté assez rapprochée des barons de la Haye-duPuits avec le duc Guillaume, les domaines fort étendus qu'ils possédaient en Normandie, les grandes concessions qu'ils obtinrent en Angleterre, après la conquête, leurs alliances avec les premières familles du pays, furent autant de circonstances qui contribuèrent à enrichir l'établissement religieux de Lessay, et à lui assurer d'immenses dotations. Quelquesuns des seigneurs qui firent à cette abbaye des donations et des concessions, se montrèrent si généreux que leurs fiefs en perdirent de leur importance primitive.

 

La charte de fondation et les plus anciennes chartes de l'abbaye de Lessay furent revêtues de la signature des plus illustres barons Normands et Anglo-Normands. C'est ainsi qu'on y voit figurer les Saint-Jean, les de la Haye, les Rohon, les Especk, les d'Aubigny, lesBricqueville, les Roger.de Beaumont, les Robert de Montbray, les Roger de Montgommery. On y lit aussi les noms de Feugères et de Marchesieux.

 

Eudes ou Eudon au Capel sueccéda à son père dans la baronnie de la Haye-du-Puils. Il obtint de grandes concessions en Angleterre, où il fut connu, aussi bien qu'en Normandie, sous le nom latin A'Eudo Dapifer. Il devint le grand sénéchal de Guillaume le Conquérant, et signa, en cette qualité, presque toutes les chartes des fondations considérables que fit son souverain.

 

Pendant la vie des fondateurs de Lessay, comme après leur mort, Eudes montra tant de zèle pour leur pieuse entreprise, il prit une part si active à la fondation, mois surtout à la construction de l'église, que plusieurs auteurs contemporains, entre autres Guillaume de Jumièges (1) , le regardèrent comme le fondateur de l'abbaye de Lessay; un distique, qu'on lisait dans le cartulairc de ce monastrère, confirmait celte erreur: Anno millcno quinquageno quoque seno (1056) Eudo genus regum condidit Êxaquium.

 

Souvent, si l'on en croyait le nécrologe de quelques abbayes, ces maisons religieuses auraient eu plusieurs fondateurs. La flatterie et la reconnaissance portaient souvent les moines à donnerce titre à ceux qui n'en avaient été que les bienfaiteurs.

 

Eudes au Capel mourut le 3 février 1098; il fut enterré au milieu du chœur de l'église; il était représenté sur son tombeau avec la chape et le chaperon, tels qu'il les portait aux offices, dans l'église de l'abbaye. Ce morceau, en pierre de Caen, remarquable par la fidélité du costume du personnage, et qui offrait une idée exacte de la sculpture, sous les régnes de Guillaume le Roux et de Henri Ier, a été indignement détruit par cet esprit de vandalisme, qui, pendant plusieurs années, a malheureusement contribué à la destruction de tous nos monuments religieux ou militaires du moyen âge.

 

Un usage particulier au monastère de Lessay rappelait le souvenir du bienfaiteur Eudes au Capel, Eudo cum Capello, ainsi surnommé du chaperon avec lequel, suivant la tradition, il assistait assidûment aux offices divins. Jusqu'au moment de la suppression de l'abbaye, on vit un laïque, vassal de la maison, représenter Eudes au Capel, à l'office, le jour de la Trinité, revêtu d'une chape antique, couronné de fleurs, portant à la main droite un bâton de chantre, surmonté d'un bouquet, et tenant à la main gauche une clochette. Ce personnage, ainsi costumé, figurait pendant tout l'office patronal, depuis les premières vêpres, jusqu'à la fin des vêpres du jour de la fête. Il portait la chape d'honneur, et occupait la place du principal chantre (3). Le dernier vassal qui air ainsi figuré est mort, il y a quelques années seulement. Ce n'était pas, de la part du vassal appelé à représenter le bienfaiteur Eudes, une redevance gratuite; car il jouissait, à ce titre, d'une assez grande étendue de terre, concédée, sous cette condition, par l'abbaye.

 

Robert de la Haye , qui vivait au commencement du XIIeme siècle, ratifia et confirma toutes les donations faites par sa famille, à l'abbaye de Lessay. I1 lui fit aussi d'importantes concessions, et entre autres, il lui donna l'église d'Angoville, celle de Saint-Martin-d'Audouville , de Eudonvilla, avec une terre libre de tous droits : Et terrain Pippini liberam et quietam ab omni servitio et auxilio;—\& dime du moulin de Montaigu, de Monte acuto;—les églises de Saint-Martin-de-Brelteville et de Saint-Nicolas-de-la-Feuillie;—l'église et le manoir d'Avareville, sur lequel, plus tard, un prieuré fut établi. Il lui concéda encore de nombreuses terres et plusieurs églises, dans le diocèse de Chichester;— la principale église de Boxgrave, dans le comte de Sussex, d'où dépendait un prieuré qui était, pour ainsi dire, le chef-lieu de ces concessions. Cette église appartint à l'abbaye de Lessay, jusqu'à la fin du XIVeme siècle. L'église de Sainte-Catherine de Hamtone, sur la Tamise, fut aussi comprise dans cette donation : Et ecclesia sanctœ Catherinœ de Hamtone quœ sita est super fluvium Tamisiœ. Cet acte fut consenti, d'après les conseils de Murielle, femme du donateur, et de ses fils Richard et Raoul: Volunlale et consilio Murielis, uxoris suœ, et filiorum suorum, Ricardi videlicet et Badulfi. Il eut lieu en l'année 1105, sous le règne de Henri Ier, fils du Conquérant, duc de Normandie et roi d'Angleterre; sous le règne de Philippe Ier, roi de France; sousl'épiscopat de Radulphe, évêque de Chichester : Iiadulpho venerabili pontifice, prœsidente sanctœ Dei ecclesiœ civitalis Cisteriœ. Les témoins qui le souscrivirent furent Geoffroy de Sartilly, Radulphe de Carron, Robert, neveu du donateur, Ranfred de Sainte-Opportune. On voit, chose assez rare dans ces temps, la déclaration faite par le roi Henri, en confirmant cette donation, d'avoir souscrit cet acte de sa propre main: liane donationem confirmavit rex Henricus propria manu. Dans cet acte, Robert de la Haye se dit fils de Radulfe, sénéchal de Robert, comte de Mortain, neveu d'Eudon, le sénéchal du roi Guillaume : Bobertus de Baya filius Badulfi senescalli scilicet Boberli comitis Moritonii, nepos Eudonis dapiferi Guillelmi régis; et il ajoute homme séculier, homo secularis, mais tout catholique, sed totus catholicus. En l'année 1187, les deux petits-fils du donateur, Guillaume et Robert de Saint-Jean, approuvèrent toutes ces libéralités et les confirmèrent; ils y en ajoutèrent encore d'autres : ainsi, ils concédèrent à l'abbaye de Lessay le droit de nommer le prieur de Boxgrave .

 

Richard, baron de la Haye-du-Puits, connétable et sénéchal de Normandie, et sa femme Mathilde de Vernon, dame de Varenguebec, donnèrent à l'abbaye de Lessay, avant l'an 1126, la dime de leur froment et de leur avoine, dans la paroisse de Bretteville: Et decimam fromenti sui et avenœ de Brittevilla, l'église de Varenguebec, une charruée de terre à Angoville: Imam cartucatn terrœ in Angosvilla; environ 30 acres de terre, auprès de la Haye : Et circa trigenta acras terrœ circa Haiam; leur part dans les revenus des moulins de Surville, de Boisroger et de Sottevast, ainsi que les foires de Sainte-Croix, à Lessay : EtnundinasapudExaquium in festo Sanctœ Crucis{\).

 

Richard de Rollos, chevalier, seigneur de la Bloutière, qui épousa Isabelle, seconde fille de Richard de la Haye-duPuits, figure aussi parmi les bienfaiteurs de l'abbaye de Lessay; il lui donna l'église de Geffosses.

 

Robert des Moutiers concéda, à l'abbaye de Lessay, les églises de Glaligny et de Surville; Geffroy Estur, celle de Vesly; Roger Foliot, avec la permission de Richard d'Avareville, lui abandonna l'église d'Omonville-la-Foliot.

 

Renaud d'Orval et Murielle, sa femme, lui donnèrent l'église d'Orval (3), des dimeset la moitié de l'église deHeugueville.

 

Les seigneurs de Pirou, Guillaume et Richard, figurent aussi au nombre des bienfaiteurs de l'abbaye de Lessay. Ils lui donnèrent 44 acres de terre, près de la lande : Ai acras terrœ juxla landam; l'église de Pirou; une pêcherie dans la mer, et unatn piscariam in mari; la dime des anguilles, eldecimam anguillarum; l'emplacement où les moines bâtirent leurs maisons, et terrant in qua monachi œdificaverunt domos suas; ainsi que des jardins et un pré nommés de Broc, et hortos etpratum de Broc. Ils confirmèrent aussi toutes les donations faites par leurs prédécesseurs et dépendantes de leurs seigneuries.

 

Les fondateurs ou bienfaiteurs des abbayes et des maisons religieuses se réservaient souvent, dans les actes qu'ils concédaient, des droits bizarres et fantasques. C'est ainsi que les seigneurs de Pirou, en faisant leurs donations à l'abbaye de Lessay, s'étaient réservé le droit de faire enterrer leurs deux premiers chiens de chasse, dans le cloître des religieux.

 

Au nombre des barons normands qui firent des libéralités à l'abbaye de Lessay, on trouve encore Guillaume d'Aubigny, un des grands officiers du duché de Normandie. Ce personnage, fils de Guillaume d'Aubigny et d'Adelize, veuve du roi Henri 1er, et qui prenait indifféremment le titre de comte de Sussex ou de comte d'Arundel, confirme à l'abbaye de Lessay les églises el les dîmes de Feugères, Geffosses, Claids, Baudreville , et différents biens à Cretleville, Linverville , Laulne, Lastelle, Marchésieux, Saint-Christophe et Aubigny.

 

Anquelil de Claids donna à l'abbaye de Lessay les églises de Baudreville, et ecclesiam sancte Marie de Baudrevilla; de Claids, et ecclesiam sancli Palricii de Clediis; et de,Portbail, et ecclesiam sancte Marie de Porlebalio.

 

Raoul de Sottevast lui concéda l'église de Sottevast, ex dono Badulphi de Sotlevast: Robert Bertrand, seigneur de Bricquebec, lui concéda tous ses droits sur la même église.

 

La famille de Bricqueville compte au nombre des bienfaiteurs du monastère de Lessay : Guillaume, et Robert, son fils, lui firent des donations.

 

Cette abbaye avait encore le patronage et la quatrième gerbe de la dîme de Grouville, à Jersey. Elle possédait aussi des dîmes et des droits de présentation, dans plusieurs paroisses en Angleterre, entre autres, dans le diocèse de Lincoln, à Karleton. Elle reçut successivement des chartes de confirmation de Henri Ier, duc de Normandie et roi d'Angleterre, et de Henri II, aussi roi d'Angleterre. Celle de Henri Ier énumère toutes les donations faites à l'abbaye, et les confirme : Elle porte la date de 1126, anno ab incarnatione domini m. c. xx. vi.peracla féliciter. Les témoins qui la souscrivirent avec le Roi furent Jean, évéque de Séez; Audin, évèque d'Evreux; le comte de Glocester, Jourdain de Say, Hamon de Falaise, Hugues d'Orval, et Guillaume, fils d'Odon.La charte de Henri H, de l'année 1185, fut aussi souscrite par plusieurs seigneurs et barons.

 

Les religieux de Lessay obtinrent plusieurs bulles, une entre autres du pape Urbain III, qui énumère toutes les possessions de l'abbaye, à la fin du xne siècle. Par celle-ci, le pape confirme l'abbaye dans les privilèges que lui ont concédés les papes, ses prédécesseurs, les rois, princes et barons. Elle est datée de Vérone, la deuxième année du pontificat d'Urbain, l'an 1086.

 

Si l'on voit les églises, les abbayes et toutes les maisons religieuses, attacher une grande importance à obtenir ainsi de nombreuses chartes de confirmation , non seulement des donateurs et de leurs descendants, mais aussi des rois , des princes, des papes et des évèques, c'est que, dans ces temps de guerres et d'abus, on craignait toujours d'être violemment dépouillé; c'est ainsi qu'en parcourant les grands rôles de l'échiquier de Normandie, on voit, d'aprè6 le rôle normand des oblats, que les barons et les grands seigneurs faisaient des dons au roi, afin d'être maintenus en jouissance de leurs terres, franchises et privilèges.

 

Les religieux de Lessay, dans le XIVeme siècle, représentèrent à Charles IV que la charte qu'ils avaient obtenue de Henri Ier, roi d'Angleterre, était fort ancienne, que l'écriture en était presque effacée; et ils prièrent le roi de leur en octroyer une autre. Le roi la leur accorda à Saint-Germain-en-Laye, au mois de mai : Data apud sanctum Germanum in Laya, mense maio, anno domini 1326.

 

D'après des aveux des années 1423 et 1424, l'abbaye de Lessay avait les produits d'une foire qui se tenait le jour Saint-Gilles, dans la paroisse d'Anneville-en-Saire, ainsi que d#s droits sur les revenus de deux foires séantes à Bolleville, le jour de la Madelaine et le jour de la Saint-Barthélémy. Henri II, roi d'Angleterre, lui confirma la dime du marché d'Aubigny, la dime et la foire d'Orval qui figure sur les rôles de l'échiquier de 1198 à 1203; la dime de la foire Saint-Christophe. Cette dernière dîme fut convertie en une rente; car, dans des aveux de l'année 1424, les religieux de Lessay déclarent avoir droit de prendre, sur la foire de saint Christophe, quatre livres tournois de rente par chacun an, et qui se paient par la main du coustumier de ladite foire.

 

Il paraît que, primitivement, l'abbaye de Lessay fut exempte de toute juridiction et de tous subsides; on lit, en effet : « Le » lieu ou est assise labbee de Lesse et les hostes et prioures » deppendentes dicelle abbee par leur fondacion est amorly » franc exempt de toute jurisdicion séculière et les religieux « dicelle avecques leurs serviteurs et familiers semblablement » francs et exemps de toutes subsides et exacsions royaulx.

 

Abbaye de Lessay, CPA collection LPM 1900

 
 
 

 Abbaye de Lessay, CPA collection LPM 1900