MONTCHATON
  CC 08.07 CANTON DE MONTMARTIN-SUR-MER
   
  FAITS HISTORIQUES 1
         
 

Montchaton Le PontNeuf, collection CPA LPM


Revue monumentale et historique de l’arrondissement de Coutances

Source : Renault, « Annuaire du département de la Manche » 1853 et additif de 1861

 

— Suivant quelques écrivains, le lieu appelé aujourd'hui Montchaton, Mons-Catonis, aurait reçu son nom d'un lieutenant, nommé Caton, qui commandait un corps d'armée, et occupait le fort de la Roque, quand César fit la conquête des Gaules. On pense que le château de la Roque de Montchaton était l'œuvre des Romains, qui établissaient ainsi des camps ou retranchements militaires afin de contenir et de surveiller les contrées qu'ils soumettaient à leur domination. Celui de Montchaton auquel, dans le pays, on donne le nom de Camp de César était, sans doute, un de ces camps littoraux placés sur une hauteur, près des baies ou de l'embouchure des rivières, pour découvrir au loin l'arrivée de l'ennemi et s'opposer à son débarquement dans le pays.

 

Son enceinte extérieure est connue dans la contrée, sous le nom de Sangle du Castel ; elle formait un carré long dont la largeur s'étendait du sud au nord. Cette forme, subordonnée à la localité, se rapprochait autant que possible de celle des camps romains, qui présentaient toujours un carré.

 

L'emplacement où était le château est très escarpé, surtout vers la rivière ; cette partie s'appelait la Poterne ; à l'ouest le terrain présente une déclivité sensible, à l’est et au sud, où il est moins élevé, on voit encore des traces de fossés ou de tranchées considérables, qui s'étendaient aussi vers le nord et défendaient cette partie de la forteresse par où, vraisemblablement, l'invasion était plus à craindre. Les terres jetées vers l'intérieur y formaient un rempart très élevé et très épais ; si on pratiquait des fouilles, peut-être découvrirait-on la nature et la forme des constructions qui existaient, et devaient contenir les logements destinés aux chefs et aux soldats de la garnison. C'était là, sans doute aussi, qu'était le château fort, car ce point est entouré d'un fossé de défense ou de circonvallation.

 

La largeur du plateau situé à l'est, est d'environ cent pieds ; au-delà, et vers l'ouest, est un autre plateau d'une grande étendue et où, sans doute, se tenaient les troupes; il a environ 500 pieds de l'est à l'ouest et 700 du sud au nord. De là, par des signaux, on pouvait correspondre avec plusieurs autres positions élevées.

 

Une tradition constante dans le pays donne une origine romaine au pont de la Roque, qui existait au pied du camp de César, et qui a été remplacé par celui qu'on voit aujourd'hui.

 

Il est certain que, sous la domination romaine, la multiplicité des routes nécessita l'établissement d'un grand nombre de ponts sur les rivières, et que les Romains en firent construire dans toutes les parties de l'empire et des provinces dont ils faisaient la conquête.

 

D'après les renseignements que j'ai recueillis dans le pays, les arcades étaient cintrées ; les piles offraient, du côté de la mer, une saillie triangulaire, dans le but, à n'en pas douter, de donner ainsi moins de prise au flux de la mer. La maçonnerie était à bain de mortier, et la solidité en était si grande qu'on a pu établir les piles du nouveau pont sur les bases des anciens piliers. L'état des fiefs de l'élection de Coutances, rédigé en l'année 1327, par Leblond, bailli du Cotentin, donne sur le pont de la Roque les détails suivants :

 

« Guillaume Corbet, ecuyer, tient de Jehan Corbet, ecuyer, en parage, et ledit Jehan tient du roy notre sire, par hommage, un quart de fief de haubert, à gage plège, cour et usage à Montchaton ; et rent ledit tenement au roy, notre seigneur, VIII livres à la Saint- Michel, sur quatre des vavasseurs dudit tenement ; et aussy s'il venoit guerre au pays, ledit Guillaume ayderoit à garder dix jours la maistre arche du pont de la Roque, et aussy les hommes dudit Guillaume doibvent ayder à garder les foires et marchés de Montmartin, et vaut ledit tenement de revenu bon an et mal an 30 livres.... »

 

Le pont de la Roque est traversé chaque année par des milliers de voitures qui fréquentent le havre, une des principales sources de la richesse agricole du pays. Il est difficile de se faire une idée du mouvement et de l'activité des innombrables voitures qui se rendent dans le havre du pont de la Roque pour y prendre ce sable précieux, cet engrais si estimé dans le pays et connu sous le nom de tangue.

 

L'usage de la tangue, pour fertiliser les terres, existait dès le XII° siècle ; son enlèvement n'était pas absolument libre.— Le souverain et les seigneurs avaient le droit de le restreindre dans l'étendue de leurs fiefs.

 

On voit qu'en l'année 1395, Michel de Villaines déclarait pouvoir et devoir, à raison de sa seigneurie, prendre ou faire prendre de la tangue aux lisières du pont de la Roque.

 

Plusieurs chemins portent le nom de chemins tangours ou chemins sablonnours.

 

© Marie-Thérèse MAROCCO