LINGREVILLE
  CC 08.06 du canton de MONTMARTIN SUR MER
   
  FAITS HISTORIQUES
         
 

Lingreville, CPA LPM 1900

 
     
 

 

Revue monumentale et historique de l’arrondissement de Coutances

Renault, « Annuaire du département de la Manche » 1853 et additif de 1861

 

Lingreville, Ingressus villa, Lingrevilla.


— D'après les rôles normands, on voit qu'aux assises de l'échiquier qui se tinrent en l'année 1195, sous le règne de Richard, Guillaume de Saint-Jean rend compte de 70 sous du restant sur l'ancienne ferme des Oiseleurs, connue aussi sous le nom de l’Oiselière, et de sept livres de la nouvelle. Il s’acquitte de ces deux dettes en versant au trésor dix livres dix sous. : Willelmus de Sto Johanne reddit compotum de 70 sol. de rémanente veteris firme de terra aucupum in Lingrevilla. Et de 7 lib. de nova firma ejusdem terre, in thesauro 10 lib. 40 s. et quietus est.

 

Le registre des fiefs de Philippe-Auguste nous apprend que Foulques Paynel avait à Lingreville, aux droits de sa femme, un fief qui ne l'obligeait qu'envers le connétable de Normandie : Fulco paganellus tenet de constabulario Normanie dimidium lorice apud Poteres et Lingrevillam de maritagio uxoris sue unde non respondet nisi domino constabulario.

 

Ce fief avait sans doute appartenu à la famille Meurdrac ; car, on trouve que Jean Meurdrac de Poterel, qui avait dans ses armes un bâton d'azur, accompagna Robert Courte-Heuze à la conquête de Jérusalem.

 

On voit aussi que Henri de Poterel donna aux chanoines de la Luzerne pour le repos de son âme, de celle de Guillaume son frère et de Raoul de Poterel son père, deux boisseaux de froment, à prendre chaque année à la Saint-Michel sur son moulin de Lingreville : Dedi... duos busellos frumenti.... singulis annis, ad festum S. Michaelis in molendino meo de Lingrevilla.

 

Ce fut à Lingreville, que pendant les guerres de religion, qui désolèrent le pays dans le XVI° siècle, on vit débarquer une armée de protestants, sous la conduite de Bricqueville, marquis de Colombières et de Rabodanges, alors que Montgommery descendait à la Hougue avec une autre armée.

 

Lorsque dans le cours du XIII° siècle, Jeanne de Saint-Plancher donna une partie de l'église de Lingreville à l'abbaye du Mont-Saint-Michel, le curé de Lingreville était Pierre de Maisières, Petrus de Maceriis. On le voit figurer au nombre des juges qui terminèrent un procès existant entre l'évêque et le chapitre de Coutances : Petrus de Maceriis rector ecclesiœ de Lingrevilla.

 

Un de ses successeurs. Geoffroy Meslier, fut curé de Lingreville en l'année 1305 ; il résigna sa cure du consentement de l'évêque.

 

La résignation de la cure se fit au profit de Guillaume Meslier, chanoine de Bordeaux ; mais l'évêque de Coutances, Robert d'Harcourt, la conféra à son procureur, Nicolas Badin, et il est à remarquer qu'il l'en investit par son anneau pastoral, per annulum nostrum pontificatem investimus. Cet acte est daté de Bonfossé, le vendredi d'après l'Annonciation, l'an 1305.

 

Guillaume, évêque de Porphyre, qui possédait dans la paroisse de Lingreville le personat ou la cure de Poterel, le permuta avec le curé de Bricqueville-la-Blouette. Cette mutation se fit du consentement de Jacques Paynel.

 

Pendant une partie du XVIII° siècle, l'abbé Vincent fut curé de Lingreville pour la première et grande portion.

 

Un aveu de l'année 1327 nous offre des détails intéressants sur un fief de Lingreville. « Gieffroy Dine tient un membre d'un fieu de haubert en la paroisse de Lingreville du roy nostre sire et en rent 14 s. de laide au comte a la mycaresme et 14 s. es prévôts de Cerences pour leclusage des moulins de Cerences et 14 s. à la Saint-Michel auxdits prévôts pour lesdites escluses et quant le roi va son corps propre en ost est ledict escuyer tenu lui faire un chevalier et aller à lui o ses propres dépens le terme de 40 jours partant de la place allant et venant et 26 de ses aisnés ou aisnesses sont tenus à garder chacun an une fois les foires de Montmartin et par ce sont quittes de leurs coustumes de leurs estorements par toute Normandie és foires et ès marchés du roy et vant audict escuyer chacun an bon an mal an 100 livres de revenus ou environ tant en rentes moulins eaux terres preys et autres choses. »

 

Aujourd'hui les aisnesses des familles de Lingreville ne sont plus obligées d'aller garder les foires de Montmartin.

 

Lors de la rédaction de l'état des fiefs du baillage de Coutances, dans le cours du XVII° siècle, on comptait deux fiefs nobles à Lingreville. Celui de Lingreville appartenait à Adrien Belin, escuyer sieur de Tourneville.

 

Le fief de Meurdrac, qui, sans doute, avait été possédé par l'ancienne et puissante famille de Meurdrac, se divisait en deux parties : une moitié appartenait au sieur de Tourneville, et l'autre à Gabriel Fremin. Alors, la famille Fremin était déjà citée comme fort ancienne dans le pays. Après Gabriel Fremin, ou trouve Pierre-lsaac Fremin, sieur du Mesnil, seigneur de Lingreville, ancien capitaine au régiment de Bretagne, Conseiller Secrétaire du roy, maison et couronne de France, et colonel électif de la milice bourgeoise de la ville de Coutances. Il épousa Marguerite Pasquier, dont le père, Joseph Pasquier, était Conseiller du roy et trésorier général de ses finances.

 

Il eut deux fils qui se firent remarquer l'un et l'autre par une haute intelligence et les services qu'ils rendirent à leur pays.

 

Nicolas Fremin de Beaumont de Lingreville fut avocat au parlement de Paris, l'un des présidents du Conseil supérieur de Bayeux, puis maire et sous-préfet de Coutances. Député au Corps législatif, il devint ensuite préfet. Dans toutes ces fonctions, il fit preuve d'une grande capacité et d'un esprit éclairé. Ami de la littérature étrangère et de celle de son pays, il se livra à l'étude des lettres avec succès, et cultiva avec la même facilité les sciences exactes et les arts d'agrément. A sa mort, il mérita les éloges comme les regrets de ses concitoyens.

 

Son frère, Gabriel-Charles-François Fremin, baron du Mesnil, fit ses premières armes sous Louis XV. Il passa trois ans sur les vaisseaux du roi. Il devint ensuite capitaine des grenadiers du régiment de Penthièvre. A peine âgé de 24 ans, il avait déjà, par ses services, mérité la croix de Saint-Louis. Plus tard, et pendant les mauvais jours qui affligèrent sa patrie, il vécut presque toujours dans les prisons ; mais quand des jours plus heureux vinrent à luire pour son pays, il prit part aux affaires publiques. Il fut membre et président du Conseil-Général de la Manche, devint maire de Coutances, chevalier de la légjon-d'honneur, baron de l'empire et député.

 

Cet homme de bien, que la nature avait doué d'une grande bonté de cœur, d'une intelligence supérieure et d'un caractère loyal, a laissé à Coutances les plus honorables souvenirs, et les habitants de Lingreville n'en parlent qu'en termes pleins de respect et de vénération . M. du Mesnil avait épousé Jeanne-Henriette Le Courtois de Sainte-Colombe.

 

CHATEAU.

 

— Le château de Lingreville appartient aujourd'hui à M. le baron Ernest Fremin du Mesnil, ancien capitaine d'artillerie, et membre du Conseil-Général de la Manche. Ce château m'a paru appartenir à l'époque de Louis XIII. On remarque dans la cour une petite chapelle, et des portes offrant des linteaux avec des accolades, signes caractéristiques du XVI° siècle. A droite et à gauche de la cour on voit deux énormes colombiers. C'était là évidemment que se trouvait le principal fief noble de Lingreville.

 

Lingreville est une commune voisine de la mer, et dont les habitants se livrent, sur une vaste échelle, à la culture des légumes. L'industrie maraîchère y est d'un grand produit.

 
   
 

Lingreville, CPA LPM 1900