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Saint-Planchers, église Saint-Pancrase CPA collection LPM 1900 |
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Avranchin monumental et historique Edouard LE HERICHER, tome II, Tostain imprimeur, Avranches, 1845 Note : Les écrits des érudits du XIX° siècle sont à prendre avec précaution.
Saint-Planchers
(Robert de Thorigny). Ecclesia S.Prancratii, patronus abbaa S. Michaelis. (Livre Noir).
Le plan de la commune de Saint-Planchers est extrêmement irrégulier, et sa forme rayonnante ne peut être géométriquement exprimée. Bornée de cinq côtés par l'arrondissement de Coutances, elle est limitée dans son côté méridional par le ruisseau de l'Oiselière et celui de Glatigny, au confluent desquels cette commune projette un coin prolongé dans Saint-Aubin-des-Préaux ; le côté de l'ouest est une ligne généralement artificielle. Le ruisseau de la Trillerie la coupe horizontalement en deux parties, et dessine le territoire en deux plateaux peu élevés. C'est un sol agréablement varié de bois, de vallons et de coteaux. Sur plusieurs points se trouve un granit mal agrégé, celui que les minéralogistes anglais appellent Pudding-stone.
Les noms de physionomie antique et étrangère sont nombreux en Saint-Planchers : il y a un nom celtique, le village de Filbec ; des noms saxons, les deux Theil, Blackmar, Catertot ; des noms latins et français, les Aumesnil, Fougeray, Beaufougeray, Meilleraye, Vesquerie ; plusieurs noms qui indiquent d'antiques voies, les Pas, les Perrières, la Perrée, la Perrière, etc. D'ailleurs une ancienne route passait sur le territoire de Saint-Planchers, celle du Repas à la mer, celle, qui est appelée dans une charte relative à une terre de Saint-Jean-des-Champs : « Queminum qui ducit Dorepast ad mare »
Saint-Planchers était encore une terre de saint Michel : l'église, le prieuré de Loiselière, les bois, et la plupart des fiefs appartenaient à l'Archange. |
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L'église était sous l'invocation de saint-Pancrace, dont le nom est devenu Saint-Planchers. Deux plaques de maçonnerie en opus spicatum, dans le côté septentrional de la nef, et sous le porche du midi, sont un reste de la primitive église de cette paroisse.
Les nombreuses statues en pierre, le Christ du Jubé, rappellent, avec ces deux parties, l'époque romane. La seconde époque qui se révèle dans cette église est le XIV° siècle : elle est représentée par deux fenêtres originales, dont la croix est le motif principal : celle du nord porte une croix à sa pointe ; celle de l'ouest épanouit son sommet en une croix fleurie. La troisième époque est la fin du XV° ou le commencement du XVI° siècle. Elle réclame les autres fenêtres, dont une porte, un reste de vitrail jaune, la fenêtre du transept, dont la lancette est surmontée d'un quatrefeuille, et la fenêtre occidentale, dont la tracerie insolite et dure se contourne de manière à figurer un triangle posé sur la pointe d'un losange, enfin le porche méridional et le bas de la tour.
Le XVIII° siècle a laissé son empreinte dans les caprices et les rocailles des boiseries des autels du centre. On lit sur une boiserie et sur un tableau : « Serel curé dedit 1751 ». |
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Les fonts sont très simples : une cuve carrée qui est dans le cimetière pourrait bien être le baptistère primitif. Un bénitier ressemble à une colonne romane. Il y a peu de dalles tumulaires : la plus ancienne est celle qui sert de seuil à la sacristie.
Le Livre Noir du diocèse, de Coutances établit le revenu de Saint-Planchers au XII° siècle : « Ecclesia S. Pancratii patronus abbas S. Michaelis percipit duas garbas et duas partes lini et canabi et xx sol. tur. in altalagio, rector totum residuum et valet l. lib.»
Le Livre Blanc, Pouillé du XIV° siècle, est plus explicite : « Abbas et conventus sancti Michaelis in periculo maris sunt patroni Ecclesiae Sti Plancheii, taxata est ad sexaginta sexdecim libras. Rector eiusdem debet priori de sancto Paterno viginti solidos percipit totum altalagium exceptis decimis quas percipiunt religiosi de Monte locis quibus percipiunt decimas bladi ; item eidem rectori debentur tria quarteria frumenti, idem rector percipit totam decimam bladi in feodo de sancto Pancratio et in feodo de Aumenil et in feodo de Gastigneyo exceptis certis locis quibus dicti patroni percipiunt decimas in predicto feodo de Aumenil et in omnibus aliis percipit omnes decimas prediales. Rector habet maneriumi cum iardino et quodam modico clauso vocato clauso de forg. »
D'après le pouillé de 1648, cette paroisse rendait 600 liv., et la Statistique de 1698 renferme cette note : « La cure vaut 1.000 liv. L'abbé et les religieux du Mont Saint-Michel en sont patrons. La baronnie de Loisellière, dont le grand manoir est dans cette paroisse, leur appartient. Ils ont les deux tiers de .la dîme et le curé l'autre. Le bois du Prael, qui appartient à cette abbaye, est en partie sur cette paroisse et en partie sur celle de Saint-Aubin. »
Le prieuré de Loisellière repose dans un vallon baigné par une rivière appelée la Saigue sur la carte de Cassini, et la Venlée dans la charte du duc Richard. Il était autrefois abrité par un bois, souvent cité dans les chartes et les annales du Mont Saint-Michel, ce bois du Prael qui était à la fois en Saint-Planchers et en Saint-Aubin-des-Préaux. La rivière baignait ses fossés, qui sont devenus des prés, et dont on reconnaît encore bien l’emplacement. Le prieuré était dans une situation retirée , propre au calme de la vie intérieure et contemplative. Sous les abbés commendataires, à cette première époque de la décadence de la vie monastique, il devint le château de Loisellière, et comme cet autre manoir du XVI° siècle, le manoir de Brion où André de Laure prenait ses esbattemens, il devint une villa agréable où l'on oubliait l'austère abbaye, posée entre le ciel et la terre, au bord d'un désert de sable et de l'Océan. Aujourd'hui on reconnaît encore dans les vestiges du passé ce double caractère de Loisellière, dans le manoir proprement dit et la chapelle avec ses ogives prismatiques et ses contreforts. Toutefois, il reste peu de chose de cette chapelle, fondée au commencement du XIV° siècle d'après Thomas Le Roy, l'annaliste chronologue du Mont Saint-Michel : « Construction d'une chapelle dans Loysellière ,1321. » Dans l'Inventaire des chartes du Mont fait en ce XIV° siècle , on lit : « Concessio episcopi pro capella de Loiseliere. » Ce même chroniqueur a enregistré avec fidélité les modifications que subit le prieuré. Aussi lit-on pour une époque plus rapprochée : « Construction et augmentation des bâtiments de Brion et de Loysellière par l'abbé Guillaume de Lamps, 1509. » J. de I.amps, d'après le Gallia Christiana, n'aurait fait qu'achever les constructions commencées par son frère : « Perfecit quae frater inchoaverat apud Brionem et Loyseliere aedificia. » D'ailleurs Thomas Le Roy dit : « Augmentation des bâtimens de Brion et de Loysellière par Jean de Lamps, 1523. » C'était ainsi que s'opéraient eu même temps les développemens des deux villas du Mont Saint-Michel, celle de la baronnie de Genêts, Brion, celle de la baronnie de Saint-Pair, Loisellière. |
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Le prieuré de l'Oiselière. Xfigpower — Travail personnel |
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Cette paroisse de Saint-Planchers devait avoir un intérêt particulier pour le Mont Saint-Michel auquel d'ailleurs elle appartenait. C'est de là qu'était sorti un de ses moines que Henri II avait établi sur un siège d'abbaye en Angleterre ; c'était Robert de Saint-Planchers qui devint abbé de Saint-Pierre de Cerne. Le plus grand abbé du Mont Saint-Michel, Robert du Mont, nous apprend qu'en 1158 : « Robertus de Sancto Pancratio, monachus sancti Michaelis de Monte factus est abbas Cerneliensis. » Le Gallia Christiana dit la même chose. Dom Thomas Le Roy a écrit dans ses Annales : « Robert de Saint-Planchers, moine de ce Mont, est fait abbé de Cerneliense, en Angleterre, l'an 1158. » Dom Huynes, cet historien si amoureux de son monastère, naïf au XVII° siècle comme on l'était au Moyen-Age, homme égaré dans des temps malheureux, le dernier moine du Mont Saint-Michel, donne quelques détails: « L'an 1158, selon que parle Robert du Mont en son supplément à la Chronique de Sigebert, Robert de Saint-Planchers, de moine de cette abbaye fut élu abbé de notre monastère de Saint-Pierre-de-Cerneliense, par les moines du lieu qui avoient pris connaissance de ses mérites durant le séjour qu'il en avoit fait en leur roïaume. »
Ce qui est remarquable, c'est que Robert de Saint-Planchers montait sur un siége où s'était assis un autre moine du Mont Saint-Michel, un de ces moines que le Conquérant avait appelés en foule du continent, et auxquels il avait jeté à profusion les mitres et les crosses. Le Mont Saint-Michel, qui d'ailleurs avait fourni six navires équipés, fut richement récompensé comme on le voit dans le Domesday Book. Dans cette terrible dépossession des vaincus, il reçut des biens considérables, entre autres ceux d'une saxonne : « Abbatia sancti Michaelis... quœ habuit Ydda. » Ce qui nous rappelle que le vicomte d'Avranches, Hugues-le-Loup , comte de Chester , le dompteur des Gallois, eut aussi dans sa part des biens que le Terrier appelle, dans son triste laconisme : « Quœ pulchra tenuit Eva. » Pendant que le monastère recevait des terres et des manoirs, ses moines montaient dans les chaires abbatiales. Un passage de Dom Huynes nous fera assister à cette terrible dépossession , à cette récompense généreuse du Conquérant, à cette absorption du sol par l'étranger, à ce morcellement de la terre vaincue, partagée comme une proie aux hommes du continent.
« L'an 1066, quatre des moines que l'abbé Ranulphe envoya avec six navires équipés en Angleterre pour en ramener le duc Guillaume, demeurèrent en cette île par ordre dudit duc, et quelques années ensuite ils furent tous quatre abbés dans le royaume d'Angleterre : Ruald, prieur claustral de cette abbaye, fut abbé de Hilde, près de Wincestre ; Froliand, trésorier de céans, fut abbé de Cantorbery, lequel, comme le remarque Dumoulin, en son histoire, remit la discipline régulière dans l'Angleterre en sa première splendeur. Frolo édifia le monastère de Saint-Pierre-de-Glocestre et en fut le premier abbé. Enfin le quatrième, appelé Guillaume d'Agon, fut abbé de Saint-Pierre-de-Cerneliense. »
Rappelons, pour compléter ce tableau et sans sortir de la localité, ce Nigel ou Lenoir, qui partit de l'Avranchin, à la demande de Hugues-le-Loup , comte de Chester, amenant avec lui ses cinq frères, Houdard , Edouard, Volmer, Horswyn et Volfun. Hugues leur distribua des terres dans son comté ; il donna à Lenoir le bourg de Halton, et toutes les bêtes à quatre pieds prises sur les Gallois, et l'institua son connétable et son maréchal héréditaire ; Houdard devint pour Lenoir ce que celui-ci était pour le comte Hugues : il fut sénéchal héréditaire de la connétablie de Halton. Edouard reçut du connétable deux journées de terre à Weston : deux autres frères reçurent ensemble un domaine dans le village de Runcone, et le cinquième Volfun, qui était prêtre, obtint l'église de Runcone. Ce fut avec ce lieutenant et Robert de Maupas que Hugues versa abondamment le sang des Gallois », et qu'il remporta, au cri de : Sire S. Sever ! cette terrible bataille des marais de Rhudlan dont le peuple gallois a gardé le souvenir dans un air triste qu'il chante encore et qu'il appelle le chant des Marais de Rhudlan.
Dans ce prieuré-manoir vécut et mourut un homme qui réunit le double titre d'abbé du Mont Saint-Michel et d'évêque de Coutances, Arthur de Cosse. Nous esquisserons sa vie qui, en illustrant Saint-Planchers, rappellera quelques traits de la grande époque où il vécut.
Quand il prit possession de son siège épiscopal (1562), la guerre civile régnait dans la presqu'île dans toute sa violence: Saint-Lô, Carentan, Valognes, venaient d'être pris par les protestans. Ce fut le tour de Coutances : la ville épiscopale fut prise d'assaut, et livrée au pillage; la cathédrale fut dépouillée et mutilée : les guerres de religion sont les plus ardentes de toutes, parce que rien n'est énergique comme la croyance religieuse. Arthur de Cossé , prisonnier, assistait forcément à toutes ces dévastations. Quand tout fut fini, on le garrotta, on le plaça sur un âne avec la queue dans sa main, on le coiffa d'une mitre de papier et on le couvrit d'un jupon en guise de chappe : sous cet accoutrement il fut conduit à Saint-Lô, le boulevart du calvinisme bas-normand. Dans cette ville, il fut le jouet de la populace et fut abreuvé d'ignominies. Cependant il parvint à s'échapper déguisé en valet de meunier, conduisant un âne ; quelques cavaliers qui l'attendaient au pont de Vire, le conduisirent à Granville où il fut bien accueilli : cette ville, Cherbourg et le Mont Saint-Michel furent les seuls points de la Basse-Normandie où les calvinistes ne pénétrèrent point. Granville fut bientôt menacé par les protestans : Arthur s'embarqua pour la Bretagne où il trouva un refuge dans son abbaye de Sainte-Melaine. Quand l'édit de pacification fut publié, il revint dans son diocèse. En 1570, il échangea son abbaye de Sainte-Melaine contre celle du Mont Saint-Michel. Il en prit possession le 6 juin, et fit peindre son portrait « vêtu de violet », et ses armes sur la vitre du chœur, auprès et un peu au-dessous de celles du cardinal d'Estouteville.
On peut dire que de l'institution des abbés commendataires date la décadence des monastères en général et de celui du Mont Saint-Michel en particulier. Arthur de Cossé vécut en mauvaise intelligence avec ses moines, surtout avec le prieur claustral, Jean de Grimouville qui, comme nous allons le voir, en vint même aux voies de fait, et qui conserva son animosité contre lui, lorsque Arthur, pour s'en débarrasser, l'eut fait nommer abbé de la Luzerne.
« …. Arthur de Cossé chercha les moyens de paier la taxe de son abbaïe sans quil luy en coustat rien et pour laisser a la postérité un tesmoignage insigne de sa haute piété, il jetta incontinent sa pensée sur les saintes reliques et argenterie de la thrésorerie.... Il amena donc un orfeuvre en ce mont et fist marché avec luy pour la belle croix a dix mille escus, dun grand calice dor de labbé Jolivet... Le prieur claustral sopposa aux intentions de ce loup ravissant sous le nom de pasteur et sestant joint avec quelques uns des moynes se prit de parolles audit Cossé proche la thrésorerie et dans la chaleur luy donna un si grand soufflet au vénérable abbé que le pavé luy en donna un autre, adjoustant que le diable emporteroit plutot labbé que labbé la crosse, tellement que tous les moynes se rallièrent avec le prieur et le pauvre Artur tout espouvanté prit la fuite avec son orfeuvre... Ainsi cette imposition de main nous a confirmé notre croix et le reste que nous avions en la thrésorerie. »
Cependant Arthur de Cossé entreprit un procès contre les moines devant le parlement de Rouen, pour se venger de l'affront qu'il avait reçu dans la trésorerie... Il fut obligé de rendre ce qu'il avait pris, et pour le faire il fut obligé de vendre quelques terres de la mense abbatiale : il mit en vente le manoir et collège que l'abbaye avait dans la ville de Caen, appelé collège du Mont.
« Ce commendataire ainsy inquiété et maltraitté de ses moynes nosoit se monstrer en cette abbaye, ainsi fesoit sa résidence ordinaire au chasteau de Loisellière dépendant de ce monastère à six lieues de la ville de Constances. »
Arthur de Cossé mourut à Loisellière en 1587 « sans avoir rien fait digne de louange » dit dom Huynes. Il fut inhumé dans la cathédrale de Coutances. L'on peut juger de l'état moral du Mont Saint-Michel, du temps d'Arthur de Cossé, lorsqu'on lit les statuts que fit de son temps le prieur Jean de Grimouville : " il ordonna que les religieux ne garderaient point en l'enclos de l'abbaïe leurs chiens de chasse, qu'ils ne porteroient point de dentelles aux colets et aux poignets de leurs chemises, de porter des habits de soye, d'aller aux champs sans scapulaires, de porter moustaches et cheveux longs, de jurer le nom de Dieu, etc. »
Outre la chapelle de Loisellière, il y avait en Saint-Planchers, au village de Malicorne, une chapelle consacrée à saint Jacques, aujourd'hui détruite. Dans un carrefour, entre Loisellière et l'église, est un tronçon de croix ronde, qu'on appelle la Croix rompue.
Cette paroisse renfermait un grand nombre de fiefs cités dans les diplômes, spécialement dans ceux du Mont Saint-Michel et de la Luzerne.
Le bois du Prael est un des biens du Mont Saint-Michel le plus souvent cités. D. Le Roy le place positivement en Saint-Planchers, près de Loisellière; mais la note de M. Foucault le place sur Saint-Planchers et sur Saint-Aubin. Il paraît qu'il n'existe plus, au moins sous ce nom. Il existait encore en 1686, car il figure sur la carte de Mariette. Les religieux du Mont le possédaient au moins dès 1297, car on lit dans D. Le Roy : « Sentence arbitralle entre un gentilhomme et les moines pour le bois du Prael en Saint-Planchers. 1297. » Il fut vendu en 1622, selon le même annaliste : « Vente du bois du Prael dépendant de S. Paer. 1622. » Cependant à la date de 1646, on lit : « Consentement du chapitre pour abattre le bois du Prael près de la terre de Loysellière. »
Il y avait encore en Saint-Planchers un petit bois qui appartenait au Mont Saint-Michel, qui fut l'objet d'une transaction entre ce monastère et celui de la Luzerne : « Echange avec la luzerne d'un petit bois avec 14 vergées de terre en Saint-Planchers. 1273. » Quelques années après : « Don de la terre des Angles en Saint-Planchers. 1294. » Et en 1311, le Mont fit : « l'acquisition du moulin brûlé en S. Planchers de la seigneurie de Beuron. »
Le Mont Saint-Michel possédait beaucoup d'autres biens en cette paroisse, comme on peut le voir d'après les pièces suivantes , extraites de l'Inventaire des titres de l'Abbaye : « Terra P. le Graverenc de venditione quinque buss. frumenti in parochia S. Pancratii. — Carta as perdriaus de S. Pancracio. — Littera donationis G. Bernardi in parochia S. Pancracii. — Littera Rob. de S. Pancracio pro ecclesia S. Pancracii. — Carta P. Pag. de S. Pancratio de venta quam fecit W. filio Fulconis de Gastign.—Concessio episcopi pro capella de Loiselliere. — Excambium Petri de Champeaux et Thom. de S. Pancratio apud Belfouger. — Littera Rob. de Aumesnil de 7 buss. fr. in parochia S. Pancracii. — Littera donationis de ecclesia de Lingreville, quam nobis dedit dominus Joh, de S. Pancracio. »
A la limite d'Anctoville, Anschetilvilla, et de Saint-Planchers , mais en cette dernière commune, sont le village et la terre de Beaufougeray. Elle fut l'objet d'une contestation en 1159, sous l'administration de Robert de Thorigny, qui enrichit tellement son monastère qu'une dizaine de pages du Cartuiaire sont consacrées à l'énumération de ses acquisitions ou de ses transactions : « Eodem anno Ansgotus decanus in sacrario ecclesie Constanciensis, presente Ric. episcopo et Rotberto abbate.... W. de S. Pancratio, W. de Verdun, Th. de Leisax et aliis multis renunciavit calumnie quam faciebat supra decimam de Belfegerei et fuit recognitum quod terra de Belfegerei erat S. Pancratii, non de parrochia Anschitilville. »
C'est ainsi que cette commune de Saint-Planchers est toute pleine des souvenirs du Mont Saint-Michel : l'église, le prieuré, le sol appartenaient à l'Archange ; aujourd'hui l'église est modernisée, le prieuré est une ferme, les bois sont abattus, les terres sont divisées, les noms seuls sont restés. |
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Saint-Planchers, église Saint-Pancrase SANSON50 — Travail personnel | ||||||||||||
Cette paroisse de Saint-Planchers devait avoir un intérêt particulier pour le Mont Saint-Michel auquel d'ailleurs elle appartenait. C'est de là qu'était sorti un de ses moines que Henri II avait établi sur un siège d'abbaye en Angleterre ; c'était Robert de Saint-Planchers qui devint abbé de Saint-Pierre de Cerne. Le plus grand abbé du Mont Saint-Michel, Robert du Mont, nous apprend qu'en 1158 : « Robertus de Sancto Pancratio, monachus sancti Michaelis de Monte factus est abbas Cerneliensis. » Le Gallia Christiana dit la même chose. Dom Thomas Le Roy a écrit dans ses Annales : « Robert de Saint-Planchers, moine de ce Mont, est fait abbé de Cerneliense, en Angleterre, l'an 1158. » Dom Huynes, cet historien si amoureux de son monastère, naïf au XVII° siècle comme on l'était au Moyen-Age, homme égaré dans des temps malheureux, le dernier moine du Mont Saint-Michel, donne quelques détails: « L'an 1158, selon que parle Robert du Mont en son supplément à la Chronique de Sigebert, Robert de Saint-Planchers, de moine de cette abbaye fut élu abbé de notre monastère de Saint-Pierre-de-Cerneliense, par les moines du lieu qui avoient pris connaissance de ses mérites durant le séjour qu'il en avoit fait en leur roïaume. »
Ce qui est remarquable, c'est que Robert de Saint-Planchers montait sur un siége où s'était assis un autre moine du Mont Saint-Michel, un de ces moines que le Conquérant avait appelés en foule du continent, et auxquels il avait jeté à profusion les mitres et les crosses. Le Mont Saint-Michel, qui d'ailleurs avait fourni six navires équipés, fut richement récompensé comme on le voit dans le Domesday Book. Dans cette terrible dépossession des vaincus, il reçut des biens considérables, entre autres ceux d'une saxonne : « Abbatia sancti Michaelis... quœ habuit Ydda. » Ce qui nous rappelle que le vicomte d'Avranches, Hugues-le-Loup , comte de Chester , le dompteur des Gallois, eut aussi dans sa part des biens que le Terrier appelle, dans son triste laconisme : « Quœ pulchra tenuit Eva. » Pendant que le monastère recevait des terres et des manoirs, ses moines montaient dans les chaires abbatiales. Un passage de Dom Huynes nous fera assister à cette terrible dépossession , à cette récompense généreuse du Conquérant, à cette absorption du sol par l'étranger, à ce morcellement de la terre vaincue, partagée comme une proie aux hommes du continent. | ||||||||||||
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« L'an 1066, quatre des moines que l'abbé Ranulphe envoya avec six navires équipés en Angleterre pour en ramener le duc Guillaume, demeurèrent en cette île par ordre dudit duc, et quelques années ensuite ils furent tous quatre abbés dans le royaume d'Angleterre : Ruald, prieur claustral de cette abbaye, fut abbé de Hilde, près de Wincestre ; Froliand, trésorier de céans, fut abbé de Cantorbery, lequel, comme le remarque Dumoulin, en son histoire, remit la discipline régulière dans l'Angleterre en sa première splendeur. Frolo édifia le monastère de Saint-Pierre-de-Glocestre et en fut le premier abbé. Enfin le quatrième, appelé Guillaume d'Agon, fut abbé de Saint-Pierre-de-Cerneliense. »
Rappelons, pour compléter ce tableau et sans sortir de la localité, ce Nigel ou Lenoir, qui partit de l'Avranchin, à la demande de Hugues-le-Loup , comte de Chester, amenant avec lui ses cinq frères, Houdard , Edouard, Volmer, Horswyn et Volfun. Hugues leur distribua des terres dans son comté ; il donna à Lenoir le bourg de Halton, et toutes les bêtes à quatre pieds prises sur les Gallois, et l'institua son connétable et son maréchal héréditaire ; Houdard devint pour Lenoir ce que celui-ci était pour le comte Hugues : il fut sénéchal héréditaire de la connétablie de Halton. Edouard reçut du connétable deux journées de terre à Weston : deux autres frères reçurent ensemble un domaine dans le village de Runcone, et le cinquième Volfun, qui était prêtre, obtint l'église de Runcone. Ce fut avec ce lieutenant et Robert de Maupas que Hugues versa abondamment le sang des Gallois », et qu'il remporta, au cri de : Sire S. Sever ! cette terrible bataille des marais de Rhudlan dont le peuple gallois a gardé le souvenir dans un air triste qu'il chante encore et qu'il appelle le chant des Marais de Rhudlan.
Dans ce prieuré-manoir vécut et mourut un homme qui réunit le double titre d'abbé du Mont Saint-Michel et d'évêque de Coutances, Arthur de Cosse. Nous esquisserons sa vie qui, en illustrant Saint-Planchers, rappellera quelques traits de la grande époque où il vécut.
Quand il prit possession de son siège épiscopal (1562), la guerre civile régnait dans la presqu'île dans toute sa violence: Saint-Lô, Carentan, Valognes, venaient d'être pris par les protestans. Ce fut le tour de Coutances : la ville épiscopale fut prise d'assaut, et livrée au pillage; la cathédrale fut dépouillée et mutilée : les guerres de religion sont les plus ardentes de toutes, parce que rien n'est énergique comme la croyance religieuse. Arthur de Cossé , prisonnier, assistait forcément à toutes ces dévastations. Quand tout fut fini, on le garrotta, on le plaça sur un âne avec la queue dans sa main, on le coiffa d'une mitre de papier et on le couvrit d'un jupon en guise de chappe : sous cet accoutrement il fut conduit à Saint-Lô, le boulevart du calvinisme bas-normand. Dans cette ville, il fut le jouet de la populace et fut abreuvé d'ignominies. Cependant il parvint à s'échapper déguisé en valet de meunier, conduisant un âne ; quelques cavaliers qui l'attendaient au pont de Vire, le conduisirent à Granville où il fut bien accueilli : cette ville, Cherbourg et le Mont Saint-Michel furent les seuls points de la Basse-Normandie où les calvinistes ne pénétrèrent point. Granville fut bientôt menacé par les protestans : Arthur s'embarqua pour la Bretagne où il trouva un refuge dans son abbaye de Sainte-Melaine. Quand l'édit de pacification fut publié, il revint dans son diocèse. En 1570, il échangea son abbaye de Sainte-Melaine contre celle du Mont Saint-Michel. Il en prit possession le 6 juin, et fit peindre son portrait « vêtu de violet », et ses armes sur la vitre du chœur, auprès et un peu au-dessous de celles du cardinal d'Estouteville.
On peut dire que de l'institution des abbés commendataires date la décadence des monastères en général et de celui du Mont Saint-Michel en particulier. Arthur de Cossé vécut en mauvaise intelligence avec ses moines, surtout avec le prieur claustral, Jean de Grimouville qui, comme nous allons le voir, en vint même aux voies de fait, et qui conserva son animosité contre lui, lorsque Arthur, pour s'en débarrasser, l'eut fait nommer abbé de la Luzerne.
« …. Arthur de Cossé chercha les moyens de paier la taxe de son abbaïe sans quil luy en coustat rien et pour laisser a la postérité un tesmoignage insigne de sa haute piété, il jetta incontinent sa pensée sur les saintes reliques et argenterie de la thrésorerie.... Il amena donc un orfeuvre en ce mont et fist marché avec luy pour la belle croix a dix mille escus, dun grand calice dor de labbé Jolivet... Le prieur claustral sopposa aux intentions de ce loup ravissant sous le nom de pasteur et sestant joint avec quelques uns des moynes se prit de parolles audit Cossé proche la thrésorerie et dans la chaleur luy donna un si grand soufflet au vénérable abbé que le pavé luy en donna un autre, adjoustant que le diable emporteroit plutot labbé que labbé la crosse, tellement que tous les moynes se rallièrent avec le prieur et le pauvre Artur tout espouvanté prit la fuite avec son orfeuvre... Ainsi cette imposition de main nous a confirmé notre croix et le reste que nous avions en la thrésorerie. »
Cependant Arthur de Cossé entreprit un procès contre les moines devant le parlement de Rouen, pour se venger de l'affront qu'il avait reçu dans la trésorerie... Il fut obligé de rendre ce qu'il avait pris, et pour le faire il fut obligé de vendre quelques terres de la mense abbatiale : il mit en vente le manoir et collège que l'abbaye avait dans la ville de Caen, appelé collège du Mont.
« Ce commendataire ainsy inquiété et maltraitté de ses moynes nosoit se monstrer en cette abbaye, ainsi fesoit sa résidence ordinaire au chasteau de Loisellière dépendant de ce monastère à six lieues de la ville de Constances. »
Arthur de Cossé mourut à Loisellière en 1587 « sans avoir rien fait digne de louange » dit dom Huynes. Il fut inhumé dans la cathédrale de Coutances. L'on peut juger de l'état moral du Mont Saint-Michel, du temps d'Arthur de Cossé, lorsqu'on lit les statuts que fit de son temps le prieur Jean de Grimouville : " il ordonna que les religieux ne garderaient point en l'enclos de l'abbaïe leurs chiens de chasse, qu'ils ne porteroient point de dentelles aux colets et aux poignets de leurs chemises, de porter des habits de soye, d'aller aux champs sans scapulaires, de porter moustaches et cheveux longs, de jurer le nom de Dieu, etc. »
Outre la chapelle de Loisellière, il y avait en Saint-Planchers, au village de Malicorne, une chapelle consacrée à saint Jacques, aujourd'hui détruite. Dans un carrefour, entre Loisellière et l'église, est un tronçon de croix ronde, qu'on appelle la Croix rompue.
Cette paroisse renfermait un grand nombre de fiefs cités dans les diplômes, spécialement dans ceux du Mont Saint-Michel et de la Luzerne.
Le bois du Prael est un des biens du Mont Saint-Michel le plus souvent cités. D. Le Roy le place positivement en Saint-Planchers, près de Loisellière; mais la note de M. Foucault le place sur Saint-Planchers et sur Saint-Aubin. Il paraît qu'il n'existe plus, au moins sous ce nom. Il existait encore en 1686, car il figure sur la carte de Mariette. Les religieux du Mont le possédaient au moins dès 1297, car on lit dans D. Le Roy : « Sentence arbitralle entre un gentilhomme et les moines pour le bois du Prael en Saint-Planchers. 1297. » Il fut vendu en 1622, selon le même annaliste : « Vente du bois du Prael dépendant de S. Paer. 1622. » Cependant à la date de 1646, on lit : « Consentement du chapitre pour abattre le bois du Prael près de la terre de Loysellière. »
Il y avait encore en Saint-Planchers un petit bois qui appartenait au Mont Saint-Michel, qui fut l'objet d'une transaction entre ce monastère et celui de la Luzerne : « Echange avec la luzerne d'un petit bois avec 14 vergées de terre en Saint-Planchers. 1273. » Quelques années après : « Don de la terre des Angles en Saint-Planchers. 1294. » Et en 1311, le Mont fit : « l'acquisition du moulin brûlé en S. Planchers de la seigneurie de Beuron. »
Le Mont Saint-Michel possédait beaucoup d'autres biens en cette paroisse, comme on peut le voir d'après les pièces suivantes , extraites de l'Inventaire des titres de l'Abbaye : « Terra P. le Graverenc de venditione quinque buss. frumenti in parochia S. Pancratii. — Carta as perdriaus de S. Pancracio. — Littera donationis G. Bernardi in parochia S. Pancracii. — Littera Rob. de S. Pancracio pro ecclesia S. Pancracii. — Carta P. Pag. de S. Pancratio de venta quam fecit W. filio Fulconis de Gastign.—Concessio episcopi pro capella de Loiselliere. — Excambium Petri de Champeaux et Thom. de S. Pancratio apud Belfouger. — Littera Rob. de Aumesnil de 7 buss. fr. in parochia S. Pancracii. — Littera donationis de ecclesia de Lingreville, quam nobis dedit dominus Joh, de S. Pancracio. »
A la limite d'Anctoville, Anschetilvilla, et de Saint-Planchers , mais en cette dernière commune, sont le village et la terre de Beaufougeray. Elle fut l'objet d'une contestation en 1159, sous l'administration de Robert de Thorigny, qui enrichit tellement son monastère qu'une dizaine de pages du Cartuiaire sont consacrées à l'énumération de ses acquisitions ou de ses transactions : « Eodem anno Ansgotus decanus in sacrario ecclesie Constanciensis, presente Ric. episcopo et Rotberto abbate.... W. de S. Pancratio, W. de Verdun, Th. de Leisax et aliis multis renunciavit calumnie quam faciebat supra decimam de Belfegerei et fuit recognitum quod terra de Belfegerei erat S. Pancratii, non de parrochia Anschitilville. »
C'est ainsi que cette commune de Saint-Planchers est toute pleine des souvenirs du Mont Saint-Michel : l'église, le prieuré, le sol appartenaient à l'Archange ; aujourd'hui l'église est modernisée, le prieuré est une ferme, les bois sont abattus, les terres sont divisées, les noms seuls sont restés. | ||||||||||||
CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||