SAINT-PAIR-SUR-MER
  CC 05.06 GRANVILLE TERRE ET MER
   
  CAHIER DE DOLEANCES
         
 

Saint-Pair-Sur-Mer vers 1907, CPA collection LPM 1900

 
 
 
 
Procès-verbal d’Assemblée

 

(Le procès-verbal authentique n‘a pu être retrouvé)

 

Date de l'assemblée : 25 février – Nombre de feux : 280 - Députés : M° Joseph-Bertrand-Agathe LARCHER, avocat, ancien haut-justicier de Villedieu (6 jours, 18 l. et 19 jours 74 l., Ref.) ; Laurent ALLAIN, laboureur (4 jours, 12 l., Ref.) ; Pierre DAUPHIN, laboureur (4 jours, 12 l., Ref.).

 

Cahier de doléances


(Ms. Greffe du Tribunal de première instance de Coutances pièce N° 437. Original signé. Inédit.)


Remontrances des habitants de Saint-Pair.

 

Les habitants composant le tiers état de la communauté de Saint-Pair, élection de Coutances, font, en conséquence de la permission du Roy, les représentations ci-après :

 

La majeure partie des biens du royaume est possédée par le clergé et la noblesse, fait si notoire qu'il serait inutile de s’arrêter pour le prouver.

 

Le clergé et la noblesse ne payent pas ensemble la moitié des impôts que le tiers état paye seul; le clergé et la noblesse ne payent point de taille, taillon, corvées, et ne contribuent point au logement des troupes; les commis des fermes, dont le nombre est considérable, jouissent également des exemptions .

 

La capitation que la noblesse paye n'est rien en comparaison de celle du tiers état, en outre les autres impôts. Ceux d'entre les nobles qui ont des places dans le militaire ou autrement ne la payent que sur les appointements de leurs emplois, et par un abus qui s'est pratiqué, mettent leurs biens à couvert; de toute; contribution à la capitation.

 

Le clergé qui possède des biens considérables ne contribue en rien à la capitation, parce qu'il paye le don gratuit qui est peu de choses en comparaison dés-impositions du tiers état.

 

Les impositions dont ces deux corps ont pu jusqu'à présent s'exempter, et à leur exemple les commis des fermes, sont rejetées sur le tiers état, qui paye la majeure partie des impositions, quoi qu'il n'ait que de petites possessions en les comparant à celles du clergé et de la noblesse, lesquelles passent même chaque jour du tiers état â la noblesse.

 

Si un membre du tiers état devient facultueux (sic), et en état de supporter une certaine contribution aux impôts, ses biens en sont bientôt à couvert.

 

S'il n'a que des filles, des nobles les épousent ; s’il a des garçons, il achète une charge qui l'exempte, ainsi que sa postérité, d'impôts, il augmente le nombre des nobles et ses biens deviennent exempts de la contribution que le tiers état supporte.

 

Dans la Normandie, le nombre des anoblis s'est tellement multiplié depuis un certain nombre d'années, que s'il ne s'effectue pas une réforme en cette partie, il ne restera dans le tiers état que les disgraciés de la fortune, auxquels il sera impossible de supporter la masse d’impôts de toute espèce dont il est chargé.

 

Quiconque a un peu dé fortune, et par conséquent est en état de payer un impôt, pour s'en mettre à couvert achète une charge qui le tire du tiers état; le fait passer en la classe des nobles et des exempts; souvent, c'est un vieillard, dont les enfants vendent aussitôt qu'il est mort l'office à un autre, qui à son tour acquiert les mêmes exemptions Et ces gens, sans avoir servi l'Etat; sans avoir fait de sacrifices, puisqu'ils trouvent dans la vente de l’office le prix qu’il avait coûté, deviennent nobles et exempts d'impôts ; on peut [les] dire inutiles à l'Etat, puisqu'ils ne contribuent plus à supporter les charges. On peut donc dire que le tiers est le support de l'État et le corps le plus utile au royaume.

 

Le grand nombre d'exempts et privilégiés fait les malheurs du tiers état, et rend la perception des impôts difficile, et il n'y a qu'un seul remède à y apporter, c'est de faire contribuer au payement des impôts tous les sujets du royaume, sans aucune distinction d'état ou de condition, soit du clergé, de la noblesse ou du tiers.

 

Ce point d'équité effectué, il ne s'agirait plus que de la répartition, qui suivant la justice, doit se faire eu égard aux possessions de chaque particulier ; l’opération en est facile à faire.

 

Pour faire une juste répartition des impôts, il n'y a qu'à imposer dans chaque communauté les contribuables à raison des possessions qu'ils y ont, car si on les imposait pour toutes leurs possessions aux lieux des domiciles, on ne pourrait avoir connaissance exacte des possessions qui seraient en différents lieux, en différentes provinces et peut-être d'un bout à l'autre du royaume.

 

Les habitants de Saint-Pair font encore une observation : leur paroisse, dont le sol est très mauvais, est accablée de rentes seigneuriales, qu'elle paye à l'abbaye du Mont Saint-Michel ; les habitants ne pouvant y vivre sont dans la nécessité de prendre le dur et ingrat métier de la navigation. Dès qu'un garçon a atteint l'âge de douze ans, il prend le parti de la mer, souvent il y périt. Pendant la dernière guerre, plus de cent de ses habitants ont perdu la vie au service. Mêmes pertes avaient arrivé dans chacune des deux précédentes guerres.

 

Cette paroisse trouvait ci-devant une ressource, dont elle est privée depuis peu. Il y venait de différents cotés des jeunes gens ; depuis la levée qu'on a faite, l'année dernière, de canonniers auxiliaires de marine , en outre la levée ordinaire de canonniers de la côte, il n'y en vient plus. Cette levée de canonniers de marine est préjudiciable à la paroisse, mais elle est en outre nuisible au commerce de la marine et au service de la marine royale, parce que ces jeunes gens au bout d'un an ou de deux, se trouvaient engagés par ceux du lieu, et prenaient également que eux le parti de la mer, augmentaient le nombre des matelots, devenaient utiles au commerce et servaient sur les: vaisseaux de Sa Majesté lorsqu'ils en recevaient les ordres.

 

Les habitants de Saint-Pair, qui mettent leur confiance dans les lumières et dans les sentiments patriotiques des personnes qui représenteront la nation aux États généraux, espèrent qu’on aura égard à leurs doléances.

 

Le présent arrêté en délibération et souscrit double après lecture, ce 25 février 1789.

LARCHER DE LA MARGUENÉE, Jean ALLAIN, P. DAUPHIN, Joseph GARDIN, Jacques RICHARD, J. BEAUMONT, H. DUCHESNE, Jacques BOUTMER, Joseph BEUST, Louis PIEL, Julien TOUZÉ, V. LEFEBVRE, Laurent ALLAIN, Thomas DERVIÉ, L. CHEVALIER, Louis SOREL, François GARNIER, L. TOLLIER, François BRY, Jean ROSCE, Julien-Jean-Baptiste COQUET, Henry BEUST, Michel BLOUET, illisible, C. RABOT, Thomas COQUET.

 
 
 
 

Saint-Pair-Sur-Mer vers 1907, CPA collection LPM 1900