JULLOUVILLE
  CC 05.04 GRANVILLE TERRE ET MER
 
  SAINT-MICHEL-DES-LOUPS
     
 

 Saint-michel-Des-Loups Eglise , collection CPA LPM 1900

 
 

 

 
 

Actuellement, Saint-Michel-des-Loups qui compte 1420 hectares de superficie, est associée depuis 1973 avec Bouillon formant ainsi la Commune de Jullouville.

 

Monsieur Armand Jullou qui donna son nom à la nouvelle Commune, avait été, en 1874 Conseiller Municipal de Saint-Michel-des-Loups !

 
 

 

 
 

Avranchin monumental et historique, Volume 2

Par Edouard Le Hericher 1845

 

Silvam que dicitur Bivia cum ùlvuli quibusdam aspicientiùus ad eam teitieet Crapout et Neiron.

 (Chatte du duc Robert).

 

Cette vaste commune est comme un désert, un gast, 'jeté au milieu des bocages : sa surface , unie ou mamelonnée , est coupée de longues routes en ligne droite: des bruyères vagues, des clos sans culture , des haies sans arbres , tels sont la nature et l'aspect du centre de la commune. Quelques villages apparaissent a la circonférence, les Épinettes, le Ronbisson, la Motte, Glatigny, les Norgeottières, le Defant, Longraye , le Tertre, le Rocher, la Millerie , Langoterie , les Perrières, le Bosc, le Placil-de-Chavoy, la Fontaine, les Bougonnières, la Blancherie, et l'église avec son presbytère , comme un phare au bord de cette vaste plaine. Au centre , c'était le repaire des loups ; aux rebords sont les rares et timides habitations des hommes : aujourd'hui, il n'y a plus de repaire de bêtes fauves: il n'y a plus, que de vastes terrains qui attendent la fécondité de l'agriculture et de l'industrie. En attendant qu'elles plantent et ensemencent ce sol vierge , c'est un magnifique point de vue pour l'amateur de paysages, et l'intéressante patrie de végétaux dont la civilisation est l'ennemie, le Trèfle d'eau, la Gentiane pneumonanthe, la Bruyère ciliée , l'Illécèbre verticillé , qu'on appelle FauxThym , les Rossolis, les Exacum.

 

L'église est pauvre et nue comme la nature qui l'environne, et ne rachète guère cette indigence par l'antiquité : une jolie croix ronde, de plus de cinq mètres, est le seul témoin de l'époque romane , et de cette église citée dans la bulle d'Alexandre In et celle d'Adrien: « Ecclesia S. Michaelis de Lupis cum burgelto 1178 et 1155. » Le reste date du xvi", du xvn', et du xvnr siècle: la nef est de 1750. Au xiv e siècle , cette église , qui appartenait au Mont Saint-Michel, était taxée à 30 liv. 10 s.' En 1648, elle rendait 300 liv.; en 1698 , 500 liv.; alors elle avait deux prêtres; 98 taillables payaient 459 liv. Les nobles étaient les Martin , les La Beslière, etc.

 

La 'forêt de Bivie, aujourd'hui disparue avec les autres bois précités , était la particularité, l'illustration de cette paroisse. Elle fut donnée au Mont, selon notre épigraphe , par Robert-le-Libéral, au commencement du xr siècle '. Sou nom venait sans doute d'une double route qu'on y observe encore aujourd'hui, celle de Ronthon et celle de Champeaui. Elle avait pour appendice deux bois dits de Crapout, nom à peu près oublié, et de Neron, nom qui est resté à un quartier de Carolles. Il y avait aussi deux landes : « Fief de 20 acres des landes de Bourgueil et de Courtil en Saiut-Michel-des-Loups, 45752. » A cette forêt se rattachent deux intéressans épisodes racontés dans le Cartulaire.

 

L'année de la Conquête, Gerber de Poterel, deprimentepauperie, pria l'abbé Ranulphe de recevoir parmi ses religieux son fils Drogon, et d'accepter la moitié de sa terre de Poterel. Un certain Roger, qui possédait l'autre moitié, la vendit à l'abbaye, et se retira sur une autre terre qu'il préférait, appelée Herengardville. « Peu de temps après, ce même Roger, poussé par le diable , trouvant un jour , dans les bois de Bivie, les porcs de Saint-Michel, porcos S. Michaelis, tua , avec fraude et perversité, le porcher. L'abbé Ranulphe informa de ce crime le duc de Normandie, et Roger fut chassé de la province. Après avoir long-temps erré de ville en ville , « exterminium ferre non valens, » il demanda à rentrer en grace avec les religieux et le duc de Normandie. Il reconnut le droit du Mont Saint-Michel, et, devant le duc et ses seigneurs et la reine Mathilde, il souscrivit la charte de convention 3. »

 

L'antre épisode, nous l'avons raconté dans l'Histoire du Mont, a laquelle nous renvoyons , ajoutant ici quelques citations locales sur les ravages de Thomas de Saint-Jean: « Adnemus Bivie occupavit Thomas de proprio ecclesie mantionem W. Nigri et aliam que fuit Dublelli forestarii et totum nemtu consumpsit ad edificationem castri sui et burgensium suorum.... Notum sit quod Thomas de S. Johanne incepto  castello suo eepit nemora de Nerim et de Crapalt omnino in edificationem sui castelli dissipare et destruere quod et opere complevit. Deinde insatiabili cupiditate succensus transmit ad nemus Bivie et simili modo cepit devastare... » Quand Thomas reconnut ses torts, et promit d'être l'homme de Saint-Michel, il stipula entr'autres choses pour cette forêt :• Si patrem meum et matrem meam meque ac fratres meos in beneficio hujus sacratissime ecclesie reciperetis.... nemus vestrum quod omnino aestruitur ad horam et ad tempus fideliter custodirem... et omne frumentum quod in circuitu nemoris est concederem et de hominibus qui circa nemus morantur et de landis.... »

 

L'abbé Robert et Guillaume de Saint-Jean firent, en 1172, une convention relative à cette forêt : « Concessimus W. de S. Johanne forestariam for este nostre de Beveia.... quant antecessores ejus habuerant... ncc clamabit aliquid in foresta nec in terris que adjacent foreste vel in eis que forte de boscho in vastum devenerint exceptis pasturagiis non de foresta, sed de landa extra forestam. » Aujourd'hui, cette prévision est réalisée, et la forêt « in vastum devenu': » cette vastité2 inculte, et le nom de Saint-Michel-des-Loups, font penser au vers de Virgile:

 

• Qui lenantt, nom incutta vldet, homines ne ferœ ne! •

 

Une autre charte établit que les difficultés qui pourraient s'élever seraient portées à la chapelle de Saint-Michel-desLoups, sans doute la chapelle Saint-Biaise, dont nous avons parlé à Champeaux, qui existait encore en 1744, époque où Cassini la marqua sur sa carte.

 

En 1251, un forestier ou garde fut établi dans cette forêt: « Odo de Gisors in assisiis Abr. saisivit Rie. abbatem Montis S. Michaelis de custodia nemoris sui de Beveia... et fecit  custodetn abbas dicti nemoris ipsum armigerum sut videlicet Rad. Anglicum'. •

 

En 1579, dit Doni Le Roy, « Fief de partie de la Lande de Bivays an sieur de la Rochelle par l'abbé de Cossé. »

 

« A présent, dit-il encore, la forest de Bevays est en lande et totalement déserte : monsieur l'abbé de ce Mont prend par famille des villages circonvoisins certaine somme d'argent moyennant quoy il donne permission d'y faire pajstre les bestiaux. »

 

Vers la fin du dernier siècle « MM. de Polignac se prétendirent concessionnaires de la lande de Bevais » mais la Révolution, en abolissant la noblesse et les monastères, termina la contestation. Après celle de Juillet, un autre Polignac passa sur la lisière de cette lande, prosciit, déguisé en domestique.

 

A ces documens positifs on peut ajouter, pour les temps anté-historiques, des hypothèses qu'autorisent la position naturelle, l'état du sol, et les débris enfouis, ces fossiles de l'archéologie, avec lesquels aussi on peut reconstituer des mondes.

 

Ce site élevé, cette forêt profonde, cet entourage austère et religieux, les bois et la mer, convenaient parfaitement an culte druidique , qui a d'ailleurs laissé des souvenirs positifs et des monumens dans le voisinage. Si la table du sacrifice, l'obélisque de la sépulture, ne se voient pas sur cette terre ravagée et dénudée par la main humaine ou sanctifiée par un autre culte, le sol a des secrets que le hasard a révélés ou révélera encore. On a découvert en 1837 un gisement d'objets gaulois, coins, amulettes, ustensiles, bronzes encore inexpliqués2. Récemment on a trouvé des objets en pierre, espèce de jade, plus mystérieux encore : ce sont deux disques largement percés, semblables ù des rondelles, dont un dessin a été envoyé au Comité historique, qui n'a pas encore donné sa réponse sur leur signification '. Des inductions générales établissent aussi la présence des Romains sur ce point; des faits particuliers les confirment. On est frappé en parcourant cette lande des énormes levées de terre qui la sillonnent: sans doute elles pourraient donner lieu à des hypothèses téméraires , si certains noms ne venaient les légitimer. Ainsi on nous a indiqué un retranchement, près d'un mamelon et d'une croix brisée, appelée Croix-Chatel. Il y avait encore une enceinte en terre dont la tradition garde souvenir sous le nom de Chatel-aux-Moi nes, sur l'emplacement de laquelle on remarque des pierres. Une fosse profonde, espèce de puits, s'y remarque. Une autre enceinte de ce genre, avec sa fosse ou puits , se voit encore, et porte le nom de Fosseaux-Cinq-Portes. Nous allons parler de celle du Domaine.

 

M. de Gerville, trouvant dans l'Échiquier l'indication d'un château de Champcaux, en a cherché les vestiges, et, ne pouvant le localiser, a émis quelques suppositions qui nous ont mis sur la voie. Ainsi il dit : « Une motte Bourelle est marquée sur la même carte (Cassini). On m'a parlé d'un autre retranchement daus la Lande de Bevays sur Champeaux. On voit que de nouvelles recherches sont indispensables...3 * En effet, sur la terre de la Motte, à la limite de Champeaux, appartenant à M. Dairou , de qui nous tenons ces renseignemens, il y avait, il y a 50 ans, un de ces tertres artificiels, .qu'il a vu détruire, et qui avait environ alors « nn quarteron » ou vingt-cinq pieds d'élévation. Il était de forme à peu près carrée : ses lignes se dessinent encore , et chacun des côtés mesure environ vingt-cinq mètres. Un ruisseau , atfluent du Passour, coule auprès. Ce château devait être entouré d'un retranchement ou ouvrage avancé, dont on voitdes vestiges qui entourent le champ appelé le Petit-Domaine. Cette levée , quoique usée par le temps et l'homme , a , en quelques endroits, plus de cinq mètres d'élévation et plus de trois d'épaisseur. La tradition établit en ce lien l'existence d'un château. Aussi nous croyons qu'il y avait là une de ces forteresses normandes du ixa et du x' siècle, posée sur un tertre artificiel ou motte, entourée par des lignes de retranchemens, dont le plus avancé était la levée du Petit-Domaine, et nous retrouvons-là le castrum' et le ballium des premiers Normands.

 
 
 

 La mairie et l’école de Saint Michel des Loups en 1909