JULLOUVILLE
  CC 05.04 GRANVILLE TERRE ET MER
   
  BOUILLON ET SON POMMIER
   
 

Jullouville Eglise de Bouillon, collection CPA LPM 1900

 
       
 

Extrait de la «Revue de l’Avranchin»

Organe de la Société Archéologique Historique d’Avranches

1956 «La Chaumine» - CAROLLES (Manche)

Bouillon et son pommier

 

Sur la face nord de la tour du clocher, à une hauteur de 7 à 8 mètres, on remarque un petit pommier qui semble jaillir de la muraille et qui jouit d’une renommée due tant à sa position anormale qu’à son exceptionnelle longévité.

 

Dès 1876, le «Magasin Pittoresque» attira l’attention sur ce phénomène végétal dans les termes suivants : «Rien n’est si fréquent dans l’Inde et dans les terres chaudes de l’Amérique que de voir d’antiques constructions envahies par de puissants végétaux qui croissent au milieu des pierres et qui finissent par couvrir les ruines d’un inextricable réseau de verdure.


Le hameau de Bouillon (Manche) offre un petit phénomène de ce genre : un pommier, que les plus vieux habitants du pays se rappellent avoir vu dans le même état de croissance, s’est implanté, on ignore à quelle époque, sur le mur de la petite église, et ses racines se sont frayé un passage dans les interstices des pierres sans que l’on puisse supposer qu’elles aient rencontré aucune parcelle de terre végétale.


Ce pommier, renommé dans tout le pays d’alentour, fleurit chaque année, et, la saison venue, se couvre de pommes : elles sont petites, mais, au dire de chacun, d’un goût excellent» .


Ce texte, non signé, est accompagné d’une gravure «d’après un dessin d’Edouard Garnier», qui permet de constater que ce pommier avait déjà en 1876 un développement voisin de ses dimensions actuelles.


En 1884, M. Mauduit, dans une communication faite à la Société Archéologique d’Avranches au sujet des arbres de l’Avranchin, signale «ce pommier, remarquable par sa fraîcheur ; quoique très vieux, il fructifie assez abondamment».

Un demi-siècle plus tard, en 1936, l’abbé Briant, curé de Bouillon, décrit «ce pommier fameux, accroché au vieux mur comme un bouquet de nouvelle mariée, qui presque tous les ans produit des fruits, de petites pommes au parfum subtil» et se demande «D’où vient ce pommier ? Quel est son âge ?» . Écartant l’idée d’une semence déposée par un oiseau dans une anfractuosité de la muraille, en raison de la violence des pluies chassées par les vents du nord-ouest, il suggère une autre hypothèse : «Le pépin d’où est né le pommier a pu se trouver mélangé aux matériaux que manipulaient les ouvriers, conserver pendant des siècles sa vie latente, germer et se développer quand lui furent offertes les conditions favorables à sa croissance».

 
 
 
 
 

L’origine du pommier demeure hypothétique ; les archives révèlent que le cimetière qui entoure l’église était planté de pommiers dès le XVIe siècle : en 1553, ses pommes furent vendues 10 livres 6 sols. Et les quatre à cinq pommiers qui restaient furent vendus en 1840..

 

Quel est l’âge de ce pommier ?

 

Edouard Le Héricher - qui était professeur de botanique et qui a signalé maintes curiosités végétales dans son Avranchin Monumental et Historique publié en 1845 - n’en fait pas mention dans sa description détaillée de l’église   de Bouillon ; de même, l’abbé J. Guyot, si appliqué à décrire minutieusement son église dans le manuscrit qu’il rédigeait vers 1850, n’aurait pas manqué d’en parler si, à cette époque, ce pommier avait attiré l’attention ; or, il n’en dit rien, ce qui nous incite à penser que le Magasin Pittoresquede 1876 exagérait en affirmant que «les plus vieux» habitants l’avaient vu «dans le même état de croissance». Néanmoins il semble vraisemblable que le pommier a dû apparaître vers 1855 ; il serait donc aujourd’hui centenaire. Est-ce possible, surtout dans les conditions étranges où il se trouve ?

 

L’église de Bouillon, collection CPA LPM 1900

 
         
 

Nous l’avons demandé à l’éminent professeur L. CUNY, spécialiste de l’arboriculture fruitière, qui a bien voulu nous faire connaître son opinion autorisée : «La situation particulière du pommier de Bouillon me semble le soustraire aux incidents qui provoquent généralement une sénilité plus hâtive : maladies, troubles radiculaires, insectes, taille, greffage ; il a pu trouver dans les pierres et le mortier des murs les éléments minéraux nécessaires à sa croissance, et étant donné le climat, ses besoins en eau ont pu être couverts par l’humidité atmosphérique et celle profonde des pierres.

 

A priori, il ne me semble pas impossible que ce pommier, extraordinaire dans sa position, ait effectivement une centaine d’années ; sa ramure actuelle peut fort bien ne pas être celle originelle, mais une repousse de 2ème, 3ème, 4ème... génération, la souche seule étant partiellement celle de 1850. Les hypothèses quant à son origine sont plausibles : si le mortier employé est terreux, le pépin originel a pu se conserver apte à germer pendant de nombreuses années». 

 

Si âgé qu’il soit, ce pommier semble en parfaite santé dans sa position élevée et il continue, en 1955, à porter de nombreux fruits, comme au temps où l’on chantait à Bouillon

 

L’église de Bouillon, collection CPA LPM 1900