GRANVILLE
  CC 05.03 GRANVILLE TERRE ET MER
   
  USINES DIOR
         
 

Usines Dior de Granville collection LPM CPA 1900

 
         
 

Usines Dior de Granville

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Les usines Dior sont une entreprise disparue de la Manche, installée à Granville. Louis-Jean Dior (1812-1874), cultivateur et maire de Savigny-le-Vieux, fonde en 1832 la Maison Dior. Celle-ci est consacrée à la fabrication et la commercialisation d'engrais, d'abord élaboré à partir du noir animal, premier engrais phosphaté employé par l'agriculture française produit par la combustion des os animaux, puis à base de boues domestiques, humaines ou animales, et d'algues.

 

Il installe une usine à Saint-Nicolas-près-Granville et à Donville-les-Bains. Pionnière de l'importation des guanos du Pérou et de la fabrication du guano dissous, elle est aussi la première à vulgariser en France l'emploi des scories de déphosphoration. Les cinq fils de Louis-Jean Dior lui succèdent, parmi lesquels Lucien, maire de Granville, et Louis.

   
         
 

Ils implantent plusieurs usines dans l'Ouest de la France comme à Landerneau (Finistère) et à Saint-Marc (Finistère), près de Brest. La troisième génération, formée de Maurice, père de Christian Dior et Lucien Dior, prend ensuite les rênes de l'entreprise  qu'elle diversifie dans la fabrication d'acide sulfurique pour les superphosphates, puis à tous degrés de concentration, d'acides nitrique et muriatique, de sulfates de soude, de fer, de plomb et de cuivre, puis la fabrication à Rennes de cristaux de soude, de lessives, dont la marque Saint-Marc, et d'eau de javel Dior.

Prospère, l'entreprise emploie jusqu'à 500 ouvriers sur son site granvillais de 11 hectares, le long du Bosq. Mais après la Grande dépression de 1929, l'entreprise éprouve de  graves difficultés qui amènent les Dior à la vendre. Sous le nom de Sofo, puis Soferti à partir de 1988, filiale de GPN Grande paroisse du groupe Elf Atochem, puis Total, l'usine poursuit son activité fabriquant l'engrais Dior 98 jusqu'au début des années 1980. L'activité de granulation est arrêtée en 1994, puis celle de fabrication d'acide sulfurique en 1996. Le site ne conserve que la formulation et l'ensachage de produits, principalement la litière pour animaux de  ferme Biosuper, jusqu'à sa fermeture définitive le 13 février 2007. Le site est déconstruit fin 2008.

 
     
   
         
 

Les Dior avant les Dior

Extraits de Les Dior avant Dior. Saga d’une famille granvillaise,

Catalogue de l’exposition proposée par les arch. dép. de la Manche

du 12 février au 30 avril 2005.

Commissaires : Selma Turalic et Janjac Leroy.

 

Le contexte agricole

 

Le XIXe siècle est au cœur de toutes les révolutions, qu’elles soient politiques, industrielles ou encore agricoles. L’agriculture française connaît au cours de cette vaste période qui s’étend de la Révolution française à la Grande Guerre, une multitude de modifications profondes qui transforment entièrement le monde paysan et les procédés de cultures et d’élevage. Jusqu’au milieu  du  XIXe siècle, le pays connaît encore les vicissitudes d’une agriculture de subsistance calquée sur le modèle d’Ancien Régime.

 

De 1850 à 1880, c’est l’apogée de la civilisation rurale. En effet, l’essor des villes et l’industrie multiplient les masses de consommateurs non producteurs de vivres : les prix agricoles flambent. De 1880 à 1914, la concurrence avec les pays neufs (Etats-Unis, Argentine), l’accélération de l’exode rural ainsi que le manque d’initiative  de la part des agriculteurs pour améliorer leurs rendements mettent à mal l’agriculture française : les crises se multiplient.

 

C’est au cours de cette période que naissent et se développent les engrais artificiels produits par une industrie chimique neuve. Engrais naturels traditionnels Dès les années 1840, la Manche, grâce à sa position maritime, connaît les phosphates naturels, principalement le guano en provenance des îles bordant les côtes du Chili et du Pérou.

 

Cet engrais est le résultat de la décomposition des déjections et des dépouilles d’oiseaux marins. C’est probablement par la vente de ce produit que Louis-Jean Dior, alors marchand dans le sud de la Manche, à Saint-Hilaire-du-Harcouët, fait, vers  840-1850, sa  première rencontre avec les produits d’amendement. La France, comme les autres pays d’Europe, produit par ailleurs des engrais naturels, notamment les engrais urbains et les noirs. Pour une raison que nous ignorons, Louis-Jean Dior s’engage dans la fabrication d’engrais naturels. Bien qu’habitant toujours la commune de Savigny-le-Vieux, il obtient en 1861 le marché des boues domestiques de la ville de Granville. Ce travail n’était pas exécuté par lui-même mais par des hommes de mains qui, avec un tombereau, circulaient de rue en rue. Les boues ainsi récoltées étaient, après transformation et fermentation, revendues sous la forme d’engrais urbains. Louis Dior opère ce travail dans une double logique: - le besoin pour les agriculteurs de produits d’amendement, - une logique hygiéniste, particulièrement forte au milieu du XIXe siècle

 

Dès le milieu du XIXe siècle, le maire de Granville, Le Campion, prend des dispositions légales concernant l’état sanitaire des rues. En effet, on craint beaucoup dans les ports de voir le développement d’épidémies de choléra, dont on sait  déjà à cette époque que la prolifération est due aux eaux usées. Le marché confié à Louis-Jean Dior est donc stratégique pour la ville.

 

La Révolution du super

 

On a souvent réduit la révolution agricole au simple remplacement des jachères par des prairies artificielles. Dans les faits, il s’agit plutôt de la mise en œuvre d’un ensemble de perfectionnements et d’innovations techniques (amendements,  déchets urbains puis engrais industriels, machines) et cela dans le cadre d’une évolution de la société et de l’économie caractérisée par l’ouverture. C’est en devenant cliente et fournisseur de l’industrie que l’agriculture a pu effectuer sa révolution.

 

Pour reconstituer au sol les éléments qui lui sont retirés par les récoltes, il y a plusieurs procédés. Les Dior, au sein des usines Saint-Nicolas, utilisent les techniques les plus modernes et avant-gardistes que le développement de la chimie leur permet. Ils produisent surtout du « superphosphate» et des engrais d’origine naturelle. Les engrais phosphatés ont été les premiers largement utilisés en France. En 1900, ils représentent 75% de la consommation totale. Les usines, et c’est le cas de celle des Dior, sont implantées au cœur des régions consommatrices et à proximité des ports où débarquent les matières premières.

Les phosphates naturels n’étant pas solubles, ils sont mélangés à de l’acide sulfurique produit par la collecte des émanations de la combustion de pyrites de fer, afin de leur donner cette propriété. Ce mélange est ensuite séché puis ensaché pour être vendu aux agriculteurs.

 

Les usines Saint-Nicolas En 1868, une plainte est déposée contre les frères Dior,  car sur « les terrains du sieur Angé [le beau-père de Lucien Dior] au Val-es-Fleurs, se trouve un lavoir de noir animal» sans autorisation.

 
         
 

Il s’agit de la première mention de production et de fabrication par les Dior d’engrais, encore exclusivement d’origine animale. En 1870, le conseil municipal de Granville rejette la demande des sieurs Dior pour « construire un dépôt de résidus et une fabrique d’engrais artificiels» Le projet est suspendu par la guerre franco-allemande, puis, en 1873, il est transféré sur des terrains de la commune de SaintNicolas-de-Granville, apparemment moins défavorable à cette construction. C’est l’acte de naissance des usines Saint-Nicolas et de la production des engrais artificiels Dior.

   
         
 

Parallèlement, Louis et Lucien Dior poursuivent et renouvellent le marché de vidanges de la ville de Granville. Celle-ci est particulièrement propice à l’installation et au développement d’une activité industrielle liée aux engrais artificiels, le port accueillant les navires de matières premières, phosphates et pyrites.

 

Le chemin de fer, alors en plein développement, assure les transports depuis les quais du port jusqu’à l’usine. Les Dior tissent des liens étroits avec la Société des chemins de fer de l’Ouest qui  relie  ses  voies  à  celles  de l’usine et du port (elle sont d’ailleurs utilisées  par d’autres entreprises et par la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest elle-même dans le cadre de ses activités de fret).

 

Le développement des activités chimiques de Granville est ainsi étroitement lié à celui du chemin de fer, ce dernier permettant de  transporter les  matières  premières  au  site  de transformation, puis de ce dernier à l’ensemble de la région pour la commercialisation