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Granville en 1620, collection Le vieux Granville de Puel | |||||||||||||
DESCRIPTION DES COSTES DE LA NORMANDIE par M. HERON, ingénieur-géographe à Paris, 1760.
Dédié à très haut et très puissant Seigneur Le Duc de Luxembourg, Gouverneur de la Province de Normandie
Mémoire sur l'estat présent des costes de la Haute et Basse-Normandie avec celui des ouvrages qu'il convient d'y faire pour sa défense et la sureté du commerce de la Manche
Granville - Manuscrit Heron
En 1439, Thomas, sire d'Escalle d'Ancelle, capitaine anglais, vidame de Chartres et sénéchal de Normandie, prit en fief de Jean d'Argouges, écuyer, seigneur de Gratôt et de Granville, en partie le terrain où est basti Granville où il n'y avait qu'un village qui relevait de l'abbaye du Mont Saint~Michel avant les échanges que Charles VII fit avec le cardinal d'Estouteville, abbé du Mont-Saint-Michel.
Les Anglais connaissant l'importance de ce poste le fortifièrent et en firent une presqu'isle.
En 1445, Charles VII ayant chassé les Anglais de toute la Normandie accorda des privilèges à tous ceux qui voudraient y venir habiter à la condition d'en faire la garde de jour et de nuit.
Granville est située à l'extrémité de la Normandie du costé de la Bretagne, à cinq lieues d'Avranches, sept de Dol, cinq en ligne directe de Cancale, sept de Saint-Malo, sept de Coutances, neuf de Jersey, quinze de Guernesey et vingt une de Cherbourg. Elle est située sur un rocher eslevé de 10 à 12 toises au-dessus de la mer, de figure oblongue, qui forme une presqu'isle dont la moindre partie est occupée par la Ville. Son isthme qui est fort étroit forme une espèce de dos d'âne qui n'a que vingt toises de large. Du costé de l'ouest le Roc est escarpé et la mer bat au pied. Mais du costé de l'est le roc s'abat en glacis extrêmement roide jusque dans le fauxbourg où les particuliers ont fait quelques escarpements pour y faire de la place à bastir les maisons qu'ils y ont faites. La partie du rocher qui n'est pas occupée a environ 340 toises de longueur et 150 toises de largeur réduite. Elle est naturellement escarpée. Tout autour on n'y peut monter que par des petits sentiers étroits qu’il est très facile d'escarper. Tous les environs du pied sont sales et pleins de rochers jusqu'à la mer et même au-delà, de sorte que l'on n'en peut pas approcher par mer avec aucun bâtiment ni chaloupe, ni par terre avec des troupes après que la mer est retirée. Ainsi toutes les attaques se réduisent à la seule avenue qui est l'isthme et par le fauxbourg.
La Ville est petite, d'une assiette fort inégale, n'ayant que 200 toises de long et 70 toises de large, le dedans rempli de maisons fort pressées et assez mal basties. Le commerce y a tellement augmenté le nombre de ses habitants que l'enceinte n'est plus capable de les contenir. il serait du bien du service et très avantageux au commerce et à la Province de permettre à ses habitants de bastir des maisons sur la partie du roc ci-devant dite qui n'est pas occupée. Cet agrandissement de la Ville est extrêmement nécessaire pour le bien du commerce et l'augmentation des sujets et ne peut porter aucun préjudice à Sa Majesté attendu que cette partie du Roc est inaccessible de toutes parts et qu'elle n'exige aucune dépense pour mettre les habitants en sureté. Ce Roc appartient au Roy et ne sert actuellement qu'à engraisser une centaine de moutons par an et est loué par M. le Duc de Valentinois 150 liv. de rente.
Le nombre de ses habitants peut être de 5 à 6.000 dans lesquels. on pourrait trouver 800 hommes propres à porter les armes. Ils sont presque tous matelots ou négociants. | |||||||||||||
Granville coté nord en 1830, collection Le vieux Granville de Puel | |||||||||||||
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Granville en 1814, collection Le vieux Granville de Puel | |||||||||||||
Granville - Manuscrit Heron, 1760. Le commerce
Le commerce de ses habitants consiste dans la pesche qu'ils vont faire sur le banc de Terre-Neuve, des morues vertes et seiches dont ils font un grand débit tant en France qu'en Espagne et en Italie. Ils ont employé à ce commerce cette année 70 vaisseaux et en ont construit 30 qu'ils comptent mettre en mer incessamment et employer à ce même usage.
Ce commerce peut produire 2 millions de liv. de nouvel argent dans le Royaume, outre la quantité de matelots qu'il forme pour la mer, ce qui fait que le département de Granville pour les matelots est le plus fort du Royaume aujourd'hui.
Des juridictions
Il y a quatre juridictions dans la Ville, à savoir :
Corps de Ville
M. le Duc de Valentinois, Gouverneur de Granville et de Cherbourg, M. de Fratine, commandant. Le magistrature est composée de trois échevins que les habitants nomment et choisissent tous les ans. La Ville n'a pour tout revenu que 60 l. de rente que le Roy lui donne tous les ans.
Métiers
Il y a 21 maitres de différents corps de métiers et 14 garcons ou apprentis. Les bourgeois sont obligés à la garde de la Ville et du Port au moyen des privilèges qui leur ont été accordés.
Privilèges des bourgeois
Les privilèges dont jouissent les bourgeois et qui leur ont été accordés, par Charles VII pour encourager ses sujets à venir habiter ce lieu sont l'exemption de taille et de tous impots. La bourgeoisie est distribuée en sept compagnies de 60 hommes chaque qui montent la garde journellement. | |||||||||||||
Granville le fort et la batterie de la Roche Gautier en 1870, collection Le vieux Granville de Puel | |||||||||||||
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Granville les chantiers de constructions en 1850, collection Le vieux Granville de Puel
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Granville - Manuscrit Heron, 1760. Fours
Il y a sept fours qui peuvent cuire 100 rations de pain chacun par fournée.
Il n'y a aucun moulin dans la Ville ; ceux du voisinage sont plus que suffisants pour sa consommation.
Eglises
Il y a deux églises paroissiales dans la Ville de Granville, l'une qu'on appelle Notre-Dame de Lihou et qui est dans la Ville. Elle a esté bastie en 1550 sur un fonds qui a été donné par un seigneur laïque et depuis augmentée on 1603 et 1623 par les soins et la libéralité des habitants. Elle peut avoir 7 à 800 liv. de revenu année commune.
L’autre paroisse nommée Saint-Nicolas censée être dans la Ville quoiqu'elle en soit à trois quarts de lieue est à peu près du même revenu, de 800 liv. année commune.
Hopital
Il n'y a qu'un hopital qui est hors de la Ville dans le faux-bourg établi par ordre du Roy en 1683 qui peut contenir 25 à 30 malades. La chapelle a été bastie en 1700 des libéralités d'un bourgeois de la Ville.
Le revenu de cet hopital consiste en un droit de 3 liv. sur chaque tonneau de vin et 20 sols sur chaque tonneau de cidre qui entre dans la Ville, que le Roy lui a accordé et qui peut monter à 11 ou 1200 liv. par an.
Fontaines
Il n'y a pas de fontaines en cette Ville, mais il y a des puits creusés dans le roc dont un qui est commun et au milieu de la Ville et 15 dans des maisons bourgeoises: L'eau n'en est pas bonne à boire et ils asseichent dans les grandes chaleurs de l'été, de sorte que les habitants sont obligés d'en aller chercher à 3 ou 400 toises aux environs de la Ville.
Il serait à désirer que l'on pût procurer une ou plusieurs fontaines de bonne eau dans cette Ville, ce qui pourrait ne pas être impossibIe si l'on examine bien les montagnes voisines. | |||||||||||||
Granville l'ancien pont de bois de la tranchée en 1840, collection Le vieux Granville de Puel | |||||||||||||
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Granville en 1780, collection Le vieux Granville de Puel | |||||||||||||
Granville - Manuscrit Heron, 1760. Fortifications
La fortification de cette Ville n'est rien autre chose qu'un ancien mur d'enceinte flanqué de quelques redans et tours qui est en fort mauvais ordre.
Il n'y a dans la ville qu'un petit corps de casernes où à peine on peut loger deux compagnies d'infanterie. Il serait nécessaire de l'augmenter par un bâtiment en marteau (proposé au projet de 1750) que l'on peut construire au bout de ce premier et dans lequel on pourrait pratiquer les logements pour un demy bataillon. Cette Ville mérite par son commerce et les avantages qu'on en peut retirer une attention particulière. Son voisinage des isles de Jersey et Gernesey a fait appréhender que dans un tems de troubles il leur prit envie de se rendre maître de ce poste ou d'en ruiner ses habitants. Tous ces motifs ont donné lieu à différentes représentations et engagé à proposer les ouvrages que l'on croit utiles à la sûreté du lieu qui sont :
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Granville le port vu de la jetée en 1776, collection Le vieux Granville de Puel | |||||||||||||
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Granville Le port collection Le vieux Granville de Puel 1820 Granville - Manuscrit Heron, 1760. Du Port
Le port est aussi ancien que la ville et est fermé par une jettée d'environ 82 toises de longueur qui a esté faite par les bourgeois, il y a plus de 150 ans. Quoiqu'elle n'ait été construite qu'en pierres seiches, elle n'a pas laissé que de résister aux efforts de la mer depuis ce tems au moyen de quelques réparations que l'on y fait de tems en tems. L'espace de terrain que cette jettée renferme est appelé le port. Il est d'autant moins considérable que depuis son milieu il va en montant en glacis jusqu'au pied des quays de sorte que les vaisseaux ne peuvent arriver au quay que pendant les vives eaux, ce qui cause une grande incommodité et il résulte de là qu'étant obligé de les tenir dans la partie basse, il n'y a que le quart au plus de la place nécessaire pour contenir les vaisseaux de Granville dont le nombre augmente tous les jours. Il y a eu cette année 70 vaisseaux qu'ils ont envoyé à Terre-Neuve et ils en ont fait construire sur le bord de la mer le long du fauxbourg vis à vis de ce port 28 qu'ils comptent mettre en mer incessament sans compter nombre qu'ils ont acheté à Caen et autres lieux de sorte que ses habitants auront l'année prochaine plus de 100 vaisseaux en mer du port de 80 jusqu'à 400 tonneaux, qu'ils ne sauront où retirer, le port n'en pouvant contenir que le quart, sans compter nombre de barques. Ceux qui sont obligés de s'écarter de l'abry de la jettée se trouvant à découvert sont exposés aux violences de la mer laquelle étant poussée par les vents du sud leur cause des avaries considérables et les met en danger de périr.
Il n'y a pas d'autre lieu plus propre à caréner les navires que le port même. Si malheureusement le feu prenait à un pendant ce travail, tous les autres seraient en danger d'être brûlés.
Il ne monte actuellement dans la partie basse du port que 10 à 12 pieds d'eau en pleine mer de morte eau et environ 23 pieds pendant les vives eaux, ce qui est très incommode pour les grands navires qui ne peuvent entrer ni sortir de morte eau et leur départ est souvent retardé des mois entiers pour le peu que les vents soient contraires. | |||||||||||||||||
Granville Le port collection Le vieux Granville de Puel 1820 | |||||||||||||||||
Comme il y a 12 à 13 pieds de pente depuis le port jusqu'à la basse mer de vive eau, il serait aisé de remédier à ce désordre, puisqu'il ne faut pour ce faire qu'approfondir le port jusqu'à la basse mer de vive eau ; pour lors les vaisseaux sortiraient et entreraient dans ce port à marée haute de morte eau comme dans les autres marées.
Ce port est défendu à son entrée par quelques pièces de canon qui sont sur la teste de la jettée et par des batteries disposées le long de l'escarpement du Roc. Il serait cependant aisé d'y arriver de nuit et les corsaires pourraient venir facilement brûler les vaisseaux dans le port sans qu'il soit possible de les en empêcher.
Pour mettre ce port en bon état et en défense, il serait nécessaire :
Estimation des ouvrages ci-devant énoncés pour mettre le port en bon état :
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Granville Le port collection Le vieux Granville de Puel 1820 | |||||||||||||||||