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CPA de 1910 collection LPM 1900 | ||||||||||||
Avranchin monumental et historique, Volume 2 Par Edouard Le Hericher 1845
Alanus de S. Pelro. (Charles).
Dessinée en forme d'ellipse, cette commune est à peu près ceinte de limites naturelles : le Thar, et le ruisseau du Pont-à-la-Rosée forment le segment du nord; la rivière d'Allemagne celui du sud. Cette situation lui donne plusieurs ponts: le Pont-du-Thar, sur la route royale, le Pont-de-Guygeois, sur la voie de Fanum Martis à Legedia, le Pont-à-la-Rosée , le Pont-Vigour, sur la rivière d'Allemagne , et plusieurs moulins, de Conical, souvent cité dans les chartes, de Brequigny, à la limite de Sartilly, des Montcels, du Clos-Rosette, de la Mécanique , du Pignon. Trois bois, une corne de celui de la Luzerne, celui de la Miette, celui du Château , s'élèvent sur une surface couverte de hameaux, parmi lesquels on distingue la Vallée, la Croix-Saint-Pierre, le Manoir, Monteil et Chantore, cités dans l'Aveu de Cenalis et les chartes, le Mont-Daniel, les Rochers, les Montcels, etc.
Quand M. de Gcrville visita l'église de Saint-Pierre , vers 1820 , elle avait, un portail roman. Il a été remplacé par une mauvaise porte, qui a encore dévoré une partie de la fenêtre supérieure. De cette époque restent des vestiges au nord : la corniche de la nef, un contrefort, et une porte. En seconde ligne , dans l'ordre du temps , viennent les contreforts du pignon oriental. La tour est insignifiante. Dans l'intérieur régnent l'ordre froid et la nudité glaciale : c'est la propreté dans le vide. Un assez joli tableau , d'une Vierge à la fleur ou à la cerise , est là comme une fleur dans une steppe du nord. Les fonts ont un caractère d'antiquité : c'est une lourde cuve carrée , portée sur cinq colonnettes grossières, dont le chapiteau est taillé dans les angles de la cuve elle-même. Il y a une vieille tombe sur laquelle on lit : Bouillon; une du cimetière est de 1584. Un beau bloc de marbre noir, veiné de blauc, y sert d'échalier.
La cure de cette église appartenait dans le principe au Mont Saint-Michel; « mais, dit D. Huynes, elle nous fut ôtée l'an 1440 , par Catherine de Thieuville, dame de Thorigny, qui donna au lieu la cure de Saint-Martin-des-Bois, en l'évêché de Coutances. » Elle formait un double bénéfice : en 1648 , la part, pro majori, appartenait au seigneur du lieu , et rendait 300 liv.; la part, pro minori, appartenait à un autre seigneur , et rendait la même somme. En 1698 , les deux cures valaient chacune 400 liv. Il y avait deux autres prêtres. La chapelle de Saint-Pierre-Langers est citée dans la Statistique d'alors comme taxée à 40 liv. C'est sans doute la chapelle de Saint-Martin-aux-Rochers, ou celle de Guigeois, que M. Desroches cite au nombre des chapelles romanes de l'Avranchin.
Les seigneurs de Saint-Pierre occupèrent un rang élevé parmi ceux du pays, et se distinguèrent par leurs alliances et leurs dons envers les monastères. Nous les avons représentés dans notre épigraphe par le plus célèbre, Alain de SaintPierre.
Un de Saint-Pierre était à la Conquête: « S. Petrus » apparaît dans le Domesday huit fois, une fois comme Tenant en chef. M. de Gerville le fait sortir de Saint-Pierre-Langers: « J'ai balancé long-temps entre cette paroisse et celle de Saint-Pierre, arrondissement de Cherbourg, pour y placer le berceau des Saint-Pierre d'Angleterre, dont est descendu, dit-on, sir T. Bunbury, baronnet du comté de Suffolk; elles ont eu chacune leur ancien château et des églises bâties dans le siècle de la Conquête. Ce qui m'a décidé en faveur de la paroisse qui fait l'objet de cet article, c'est que le Saint-Pierre, réclamé par sir T. Bunbury pour l'ancêtre normand de leur famille, vint à la Conquête à la suite de Hugues, comte d'Avranches '. »
Ses fils furent sans doute Henri et Philippe : en 1146 <* Henricus de S. Petro » signa une charte de la Luzerne2; et Philippe de Saint-Pierre, en 1158, donna à cette abbaye la moitié des dîmes de la paroisse « de S. Petro Langier *. »; c'est ce seigneur qui se rangea du parti de Geoffroi d'Anjou 4.
Alain, le frère et l'héritier de Philippe, vivait dans la seconde moitié du xir siècle : sa fille épousa llobert de SaintJean , le frère de Guillaume, ce grand bienfaiteur de la Luzerne. Robert rendait hommage au Mont Saint-Michel pour le fief de son beau-père : « Roberto de S. Johanne de feudo Alani cujus fdiam habehat'*. » Une charte du Mont atteste qu'Alain était frère de Philippe : la charte de Saint-Jean fut souscrite par Philippe de Saint-Pierre et Alain son frère * « Philippo de S. Petro et Alanno fratre ejus. » Alain vivait encore en 1180; car, dans un rôle de l'Échiquier pour cette année, on lit: » Atanus de S. Petro debet x l. pro recognitione versus Rog. de S. Georg. «. » Alain avait fait des dons au Mont Saint - Michel, car vers cette époque, Martin, abbé du Mont, concéda à la Luzerne « quamdam piscariam ad mare quant Alanus de S. Petro miles nolris dederat '. » Une autre charte où figure Alain donne le nom de ses ancêtres et plusieurs détails locaux : Rob. Murdac et Havis, son épouse, confirmèrent à la Luzerne : « Elemosinas quas antecessores Havis, Philippus, Henricus et Alanus de S. Petro dederunt, scilicet decimas molendinorumsuorum de S. Petro Langier... de Cornical... et dimidiam decimam de tota sua in parrochia S. Petri Lansgier...*. » Alain fit encore une transaction avec le Mont dont le titre est resté : « Littera Alani de S. Petro de portione Biviœ 3; » et une renonciation du Livre Vert : « Decime de Cantoriis. «
Cette charte de 1194 établit que Havise était fille et héritière d'Alain, et épouse du seigneur de La Meurdraquière. Après cette dame , la série des de Saint-Pierre nous échappe et nous ne pouvons que citer nos documens sans les enchaîner. Toutefois comme on voit reparaître les de Saint-Pierre avec les droits paroissiaux, il faut en conclure que Havise n'eut pas d'enfans, à moins qu'ils n'eussent pris le nom maternel, ce qui arrivait quelquefois4. Mais il est plus probable que les de St-Pierre subséquens venaient d'une autre branche.
En 1195 , Henri de Saint-Pierre avec sa femme Gondrea5 de Soliers fil des dons à la Luzerne ', et l'Échiquier cito « de catallo Ôurandi de S. Petro. » Un Ranulf de Saint -Pierre et un maître Richard de Saint-Pierre figurent dans les chartes pour la fin de ce siècle. Une charte de 1223 rétablit la séria généalogique des Saint-Pierre : Guillaume de Saint-Pierre cite des aumônes de son père et de son aïeul: « Ex dono Rannulfi de S. Petro avi mei, a Stephano pittre rnco et a me... En 1250 , Robert de Saint - Pierre, Dominus de S. Petro Langier, concéda du blé « in molendino quod dicintr Cornical », et en 1253 Philippe de Saint-Pierre fit aussi un don sur le même moulin. En 1276 , Nicolas de Saint- Pierre concéda, pour le salut de l'âme de son père , Ranulphe de Saint-Pierre, du blé: « In molendino suo et moula de Ponte in parrochia de S. Petro Langier » , et confirma des dons faits: « In feodo suo lorice in parrochia dicta S. Pétri Langier. » On voit combien les de Saint-Pierre étaient généreux envers la Luzerne : aussi avaient-ils leur chapelle dans l'église abbatiale. Une dame de Saint-Pierre , de la famille de Subligny, fut aussi une bienfaitrice de Montmorel.
Ghida , muliai habens facilitates, Gunnilda , pulcherrima fem'marum , Lefleda , Lcneva , abbalissa, Ell'giva , montait», Ulueva, Commendala Stigando. .
Après les de Saint-Pierre, les principaux seigneurs de cette paroisse sont dans les familles de Gourfaleur, de la Bellière, de Boisyvon , de Lempereur.
L'ancien château n'existe plus : c'était une forteresse accostée aux quatre angles de tourelles crénelées, et entourée d'eau. Sur son emplacement s'est élevée récemment une habitation intermédiaire entre la maison et le château, près de laquelle on remarque un beau chêne antique qu'on appelle le Chêno des Plaids. En 1440 , selon M. Séguin, les Anglais renversèrent les châteaux de Saint-Pierre-Langers et de Saint-Denislc-Gast, qui valaient plus de 20,000 écus d'or, parce qu'ils étaient fortifiés et qu'ils ne pouvaient les garder. Cenalis, dans son Aveu de 1635, dit que Saint-Pierre était le centre d'un fief de haubert appartenant aux évêques d'Avranches: ce fief qui résidait à Saint-Pierre, où il comprenait les fiefs de Chantore et de Monteil, s'étendait dans les paroisses voisines. En 1698 , les gentilshommes à Saint-Pierre étaient Jacques Lempereur, G. et René Delancize, de Pierre, Gilles de Poilvilain.
A Saint-Pierre est né Philippe Badin, célèbre abbé de la Luzerne '.
Le nom de Saint-Pierre-Langers se compose du nom patronal et d'un nom propre essentiellement normand, Anger, Ansgarus, et Saint-Pierre-le-Anger a été formé par le même procédé que Saint-Jean-le-Thomas, et tant d'autres. | ||||||||||||
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