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Saint-Jean-Le-Thomas CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||
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Thomas de Saint-Jean paraît ne pas avoir laissé d'enfans: ses neveux, fils de Roger, s'appelaient Guillaume et Robert. Ils figurent dans le Cartulaire comme devant hommage, le premier de la moitié d'un chevalier pour le fief de Saint-Jean , et le second pour le fief d'Alain dont il avait épousé la fille. Guillaume épousa Olive de Fougères, et se rendit très-remarquable par sa générosité. Une des preuves les plus éclatantes est la charte de sesdons en faveur de l'abbaye naissante de la Luzerne 2, faite par lui, Olive son épouse et son frère Robert. Il fut enterré dans l'abbaye. M. Desroches cite encore de lui un grand nombrede chartesqui attestent sa piétégénéreuse. Sa charte pour Boxgraveen est aussi une preuve». Il fut le chef de la branche d'Angleterre dont le chef-lieu était à Stanton-Saint-John, dans le comté d'Oxford : c'est de lui que descendent les Bolinbroke.
Sou successeur fut un Guillaume de Saint-Jean qu'une charte de 1226 du Gallia nous montre confirmant à la Luzerne les biens donnés par Guillaume de Saint-Jean, son prédécesseur. C'est sous lui que le château de Saint-Jean fut démoli par ordre de Philippe-Auguste: son domaine fut donné en partie au Mont et en partie à Foulques Painel; mais on continua long - temps encore à y monter la garde et à y faire le guet 4. Il y a vingt-cinq ans, le mardi gras, les paysans de Saint-Jean venaient danser au violon sous les ruines du château , souvenir d'ébats commandés comme ceux de Plessis-lèsTours, ou anniversaire de la destruction d'une forteresse oppressive. « Heureux les peuples, lorsque ces grandes machines de guerre ne sont plus qu'un sujet d'admiration et d'étude, un ornement pour la rive d'un fleuve et des pierres inoffensives que le voyageur salue en passant5! »
Les Saint-Jean se continuèrent dans la branche d'Angleterre et dans celle de Saint-Jean-du-Corail-près-Bion , paroisse appelée quelquefois le Fief-du-Petit-Saint-Jean.
L'église de Saint-Jean, posée à mi-côte, entourée du cimetière et du jardin du presbytère , offre plusieurs détails intéressans, l'absence de porte occidentale , des plaques d'opiw spicatum, et surtout un tissu d'opus reticulatum , une Piéta, et enfm une verrière mutilée qui mérite une description. Elle représente la Vierge, sans tête et sans pieds. L'encadrement extérieur est formé d'arabesques de la Renaissance, ce qui fixe la date ; l'encadrement intérieur est fait de lozanges enfermant des litanies écrites ou symbolisées, dont nous avons déchiffré quelques-unes. A a haut on lit : « Lues et macula non est. » Electa... un soleil, une lune et la légende : « Pulcra ut lima. » Sur un des côtés on lit: « Plantatio rosœ, » auprès d'un bouquet de roses. On lit : c Lilium inter spinas, » près d'un lis entouré d'épines. La légende: « Speculum sine macula », est accompagnée d'un miroir. Sur l'autre côté, on voit une tour, sans doute pour ce verset: « Turris eburnea. » Une urne, épanchant son eau, n'a qu'une litanie mutilée... « Ortorum. » On lit encore au bas: « Oliva. » En somme, cette vitre est une jolie page de peinture suave et de poésie mystique. On remarquera peut-être encore dans la nef une très-petite pierre tombale, ciselée d'une croix, sans donte celle d'un enfant. | ||||||||||||
Saint-Jean-Le-Thomas CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||
Cette église, en partie romane, est celle qui fut donnée au xn" siècle à la Luzerne par Guillaume de Saint-Jean , et qui est souvent citée dans les chartes primitives de cette abbaye '. Son if antique et caduc a peut-être abrité la chapelle et l'église qui la précédèrent. Pour les temps modernes nous avons quelques notes sur cette église : en 1648 , elle rendait 300 liv. ; en 1698 , elle valait 800 liv. et avait deux prêtres.
Alors les gentilshommes étaient Jean et Jacques Lancesseur, Jean et Isaac Tesson, et G. de La Beslière. De nos jours, M. de Poliguac, fugitif et déguisé, sortant du château de Duccy, trouva un asile dans le logis ou le presbytère de Saint-Jean, et deux jours après, trahi par les brillans de ses doigts, fut reconnu et pris à Granville, au moment où il allait s'embarquer. Le ministre des descendais de Saint-Louis était proscrit dans ce lieu où étaient venus dans leur gloire Saint-Louis et Philippe-le-Hardi '.
Il y a peu de mentions spéciales de la chapelle du château. Cependant, au xu° siècle , un Rainaldus capellanus de S. Johanne signa une charte citée par le Gallia. Un état des chapelles, dressé vers la fin du xvnr siècle , porte : « La chapelle de N. D. du chastel (de Saint-Jean-le-Thomas) unie au bénéfice cure, en totale ruine. La pierre de l'autel portée à l'église pour servir à un autel. Cette chapelle sans titre2. » Le moulin de la Haye, en Saint-Jean , est mentionné dans ce titre de l'Inventaire : « Cyrog. Rob. Murdac de molendino de Haya apud S. Joh.-le-Tkomas. »
L'affixe du nom de cette paroisse se rattache trop à notre théorie des noms topographiques pour que nous ne citions pas d'autres noms formés de la même manière et empruntés à des localités peu éloignées. Le nom propre, souvent historiquement connu, forme l'affixe de Bricqueville-la-Blouette; Saiut-Sauvcur-Lendelin (Adeline).ct le Vicomte; Hautevillcla-Guichard (Rob. Guiscard); Saint-Germain-le-Vicomte; Osmontville-la-Foliot (Roger Foliot); Saint-Germain-le Gaillard ; Rauville-la-Bigot; la Haye-Paynel, etc.
Saint-Jean est placé sur la ligne d'une voie antique, trèscavée sous son château, qui unissait Saint-Pair , Genêts et le Mont Saint-Michel, c'est-à-dire une voie montoise. Les indications de cette voie , probablement gauloise et romaine, sur laquelle on trouve un camp , les Châtelliers , et un menhir, la Pierre-au-Diable, sont fréquentes dans les titres du MoyenAge , et les noms terriens servent encore à la jalonner. Elle est citée trois fois dans nos documens sur Genêts, la première sous le nom de Viam publicam, la deuxième pour le bornage d'une propriété inter duas trias, la troisième sous le nom du « Chemin le Roy devant la colline. » C'était la direction actuelle de Genêts à Dragey : on sait que de ce côté la route longe la colline qui domine Genêts. On suit aisément la section entre ces deux localités, section que l'on élargit en ce moment. De Dragey, eHe se dirigeait sur le château de Saint-Jean , où elle serpentait sur le flanc de la montagne, puis sur Champeaux , sur Carolles, près des Châlelliers, passait en Saint-Michel' près de la Millerie, souvenir d'un milliajre, et près du Menhir de Vaumoisson en Bouillon1. Elle passait le Tiiar au pont de Lèzeaux ', et arrivait à SaintPair , ou Fanum Martis, en s'embrauchant sur la ligue qui allait de cette station a Avranches, ou Legedia -.
Il est une autre voie ou sentier qui circule sur la crête de* falaises ou dans les gorges des vallées, en suivant la ligne capricieuse du rivage : c'est celle des pêcheurs, des coquetières, des pastow» et pastouresses, et des douaniers. C'est celle que préféreront sans doute le touriste et le naturaliste, lorsque la chaleur ne les engagera pas à cheminer sur le sable humide, sur la ligne de la vague, à la fraîcheur de la mer. Le touriste s'arrêtera particulièrement sur la falaise de Saint-Jean pour jouir de la beauté du paysage ; le botaniste battra long-temps ces rochers et ces sentiers où se cachent quelques végétaux très-rares : le beau Chardon-Marie (Silybum Marianum), la Viola hirta, la Rubia peregrina, VOrobanche Hederœ, le Statice oleœfolia, YEuphorbia Portlandica, YHippuris vulgaris, des Chara, hPanicumviride, sous les ruines du château. L'antiquaire rêvera long - temps sur ce magnifique théâtre des plus grands souvenirs. | ||||||||||||
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