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La legende de Tombelaine 1926 - Etienne Dupont
La nuit était claire et douce et le croissant très fin de la lune déclinait rapidement vers la côte bretonne, dans un ciel limpide ; déjà flottaient au-dessus de la rive normande de pâles lueurs, qui éteignaient les petites étoiles, en annonçant l’aube prochaine.
A une demi-lieue du Mont Bélénus, son autre frère de granit, le Mont Saint-Michel, se profilait, large et régulier, dominant les terres du sud qui s’étageaient vers le Dol en un crique voilé par la brume des lointains.
— « Eh ! ma mie, m’amour, répétait doucement Montgommery en de consolantes paroles, tout homme qui part en guerre n’y meurt point. J’ai le cœur bon, le bras solide, l’âme fière et mon épée est en acier de Vienne. Son pommeau est plus riche que celui de Durandal ; Roland y baisait quatre reliques ; j’ai mieux : ne m’avez-vous pas donné, ma mie, une mèche blonde et soyeuse ?... » — « Et cependant, mon chevalier, soupirait Hélène, vous me quittez, préférant le grand fracas des armes au bruit de nos baisers ?... » — « Que dites-vous là, mon cœur . Vous savez bien que vous êtes mon seul trésor ; mais préféreriez-vous qu’un chevalier se parjurât comme Harold, le saxon que le duc Guillaume s’apprête à punir ? » — « Ah ! que notre duc est cruel d’avoir rassemblé pour cette conquête tous ses vassaux de Normandie !
Voilà tantôt quatre mois que Montgommery est parti en guerre et, pas un jour Hélène n’a manqué de se rendre au Mont Bélénus, qui lui rappelle tant de souvenirs.
Dans le source claire, filtrant goutte à goutte du rocher aux mousses veloutées, elle revoit l’image chérie de son chevalier ; elle retrouve même sur le sable, en haut de la petite grève abritée des vents du nord, les empreintes de ses pas ; elle découvre dans les broussailles les brisures encore fraîches des troënes, dont il lui offrait les tiges souples, aux jolies baies noires et elle prend un plaisir infini à s’étendre sur le sable blond de la plage étroite qui s’enfonce entre deux grands rochers, couverts de lierre et où tremblotent de pâles centaurées ...
Un matin, Hélène s’était attardée plus que de coutume dans ses rêveries faites d’espérance et d’abattement ; tout-à-coup, elle aperçut au pied du Mont Saint-Michel, un long cortège s’aventurant sur les grèves dans la direction de Beauvoir ; mais la distance l’empêchait de distinguer si c’était une troupe armée qui s’acheminait ainsi ou bien si c’était les moines faisant, suivant la coutume, une procession votive à l’une de leurs chapelles de la côte.
Du doigt, elle montrait la foule joyeuse qui, à travers les sables, s’égrenait vers Beauvoir.
— « Ah brave homme, dites-moi vite ? Des gentilshommes normands ont-ils péri dans la bataille ? » — « Las, Madame, la liste est longue des chevaliers qui sont tombés près d’Hastings et pour l’âme desquels on a prié hier, à l’abbaye, durant l’office des morts. » — « De grâce, répondez : le nom de Montgommery fut-il prononcé ? » — « Il le fut, Madame !... Mais comme vous pâlissez ! Grand Dieu, ne serait-ce pas votre époux ? »
Et Hélène de Terregatte, ayant poussé un grand cri, tomba morte sur la grève, juste au pied du roc où elle avait reçu de son chevalier le premier baiser d’amour !
Elle fut enterrée sur l’îlot sauvage, au fond de la petite crique, appelé aujourd’hui l’anse à Cassecou, et les pêcheurs de la côte normande affirmant que, tous les ans, le treize octobre, journée mémorable où, en 1066, se livra la bataille de Senlac près Hastings, une colombe, portant dans son bec une fleur de genêt, arrive des brumes du rivage, dépose sur le sommet de Tombelaine ce pieux emblème du souvenir fidèle et s’envole, seulement, le lendemain matin, à l’aurore, du rocher solitaire, mausolée gigantesque, dont le nom rappelle la douloureuse histoire de l’amante infortunée.
Tombelaine Etienne Dupont
Pour Elaine qui iloc fut,
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Le rocher de Tombelaine, photo 2010 |
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Le rocher de Tombelaine, collection CPA LPM 1900 |
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Tombelaine en 1846Decrit par monsieur Le Héricher, un archéologue :Une base de rescifs, jaunes et noirs, rongés par la vague marine, une ceinture d'un ton glauque, tachetée de blanc, entrelacis serré de troènes, et enfin une couronne d'or, formée de jacobées, de macerons, d'orpins et de millepertuis.
Le sommet est bosselé de sept monticules, dont le principal est appelé la Folie. Deux roches écroulées ont formé une voûte qu'on appèle la Caverne. Une cavité du roc, dite le Bénitier, offre une cuvette qui reçoit et conserve l'eau de pluie. Un bloc carré, détaché, calé à sa base, et projeté comme un canot prêt à recevoir le flot, semble avoir été posé là par une main humaine, et fait penser à un dolmen et à une religion pour laquelle Tombelaine semble admirablement prédestiné. Une crique triangulaire, pavée de galets, l'Anse-à-Casse-Cou, s'enfonce dans le flanc de la montagne, comme le port de cette île. |
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