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Carolles Le port du Lude CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||
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Extrait de la «Revue de l’Avranchin Organe de la Société Archéologique et Historique d’Avranches 1955 En continuant notre promenade, nous arrivons devant une brusque solution de continuité dans la falaise, une entaille d’une soixantaine de mètres de profondeur, aux parois escarpées, constituant le débouché vers la mer d’une vallée encaissée au fond de laquelle coule un petit ruisseau: c’est le «Port du Lude», l’un des points les plus pittoresques de Carolles.
Le Port du Lude, vu du Nord
L’orthographe de ce nom est controversée; les panneaux indicateurs apposés dans la localité par la Municipalité, en 1950, écrivent LUD tandis que ceux érigés quinze ans auparavant par le Syndicat d’Initiative orthographient LUDE.
Nous reportant aux textes anciens pour tenter d’élucider cette question, nous n’avons trouvé aucune mention de cette dénomination dans les documents antérieurs au XIXème siècle, ni sur la carte de l’Etat-Major, ni sur le plan cadastral.
L’état de section des propriétés bâties et non bâties de 1829 désigne sous le nom de «Lande du Port du Leud» la parcelle sise au nord du ruisseau (Arch. de la Mairie de Carolles); cette orthographe est adoptée par BITOUZE-DAUXMESNIL sur la carte du canton de Sartilly éditée en 1836.
LE HÉRICHER écrit Lud qu’il estime être dérivé du latin «Pallus» (marais) et son opinion est partagée par Victor BRUNET dans son étude Étymologie des noms de lieux de l’Avranchin, publiée en 1814. Mais Charles LE BRETON estime que l’on doit écrire «Port du Leuh», du celtique «Luh», rivière ou marais (qu’on retrouve dans Lutèce) .
Si l’abbé E.-A. PIGEON (dans son Histoire du Diocèse d’Avranches 1888), l’abbé BERTOT (dans son Petit Guide de Carolles, 1814) et le maître Jacques SIMON (dans Carolles, 1949), ont adopté la forme LUD, l’orthographe LUDE se rencontre dès 1840 dans le Registre des Délibération du Conseil Municipal de Carolles ce qui atteste que telle était déjà la prononciation du mot et a été vulgarisée dans le public par les divers éditeurs de cartes postales illustrées et par des enseignes commerciales; elle est en harmonie avec l’usage de notre langue qui n’admet qu’exceptionnellement la prononciation de consonnes finales non suivies d’ «e» muet.
Nous penchons donc pour l’adoption de la forme LUDE, qui existe d’ailleurs officiellement pour désigner «le Lude» en d’autres régions: quartier de Granville, chef-lieu de canton dans la Sarthe, commune dans le Loiret, château près de Saint-Sauveur-le-Vicomte, etc...
Le ruisseau qui a son embouchure au Port du Lude est parfois désigné de nos jours sous le nom de «Lude» (notamment sur le Plan de Carolles, édité en 1933, par le Syndicat d’Initiative), mais c’est là une extension que nous estimons abusive et qui ne résulte d’aucun des documents que nous avons pu consulter.
Carolles Le port du Lude 2010 Son véritable nom semble être le «Crapot», désignation qu’on rencontre dès 1669, dans «l’Aveu de Messire Hervieu de la Ferrière» et qui figure dans les ouvrages de Ch. LE BRETON et du Docteur OLIVIER («Guide de Carolles», 1922).
Ce ruisseau est dénommé «R. de Néron» sur une carte manuscrite de Mariette de la Pagerie, vers 1700 (B.N. - GE DD 2897). «Ruisseau du Moulin de Carolles »sur le Plan Cadastral (1827) et la Carte cantonale de BITOUZE-DAUXMESNIL (1836), et «Rivière de Carolles »dans l’ouvrage de LE HÉRICHER (1845).
Mais les vieux habitants de Carolles et de Champeaux lui donnent toujours le nom de «Crapot», qu’il convient de ne pas confondre avec le ruisseau du «Crapeu» arrosant la Vallée des Peintres, les deux noms ayant d’ailleurs vraisemblablement la même origine.
Comment s’est formée cette étrange vallée? Comment la falaise abrupte s’est-elle entr’ouverte pour livrer passage à ce cours d’eau si faible?... Il est probable qu’au sortir de l’époque glaciaire cette vallée s’est, comme tant d’autres, creusée sous l’effet d’un cours d’eau impétueux qui a roulé jusqu'à son embouchure ces cailloux lisses et arrondis restés en si grand nombre dans le port du Lude, tandis que le granit du sommet résistant au frottement des eaux a formé les blocs pittoresques couronnant cette vallée qu’arrose aujourd’hui l’inoffensif Crapot
Il convient de ne pas se méprendre sur la signification du mot «port» lorsqu’on parle du «Port du Lude»: il n’y a ici aucune jetée, aucun quai, et le chaos rocheux qui bord le littoral n’offre guère de possibilités d’accostage dans cette étroite crique de galets bordés de roches noires sur lesquelles le flot se brise, seul portelet ouvert dans la falaise entre le Pignon Butor et Saint-Jean-le-Thomas, port sinistre, entouré d’écueils, uniquement fréquenté dans les nuits sombres et sans étoiles par des contrebandiers qui au péril de leur vie et à la faveur des ténèbres et du mugissement des flots, tentent parfois d’y déjouer la vigilance des douaniers».
Le Port du Lude, vu du Sud.
Au temps de la chouannerie, ce lieu fut l’un de ceux où, à l’écart des habitations, venaient aborder clandestinement des barques provenant de JERSEY (où s’étaient installés nombre d’émigrés normands), soit pour échanger des correspondances, soit pour déposer ou embarquer quelque contre-révolutionnaire; on a conservé le nom d’une fille de pêcheur, Marie Letourneur, surnommée «Pipette», qui fut un des agents actifs de ces transmissions de courrier pour lesquelles elle trouvait des complicités dans divers châteaux de la région .
Le site du Port du Lude offre aux artistes et aux touristes un puissant intérêt: Quand le flot poussé par le vent, à marée haute, s’engouffre dans le Port du Lud avec un bruit effrayant, brisant ses vagues sur les rochers et les couvrant d’écume à une hauteur prodigieuse, le spectacle est d’une beauté incomparable, et l’impression est d’autant plus forte qu’on la ressent en pleine campagne, dans une sorte de désert au milieu des rochers .
En escaladant, par un sentier fort roide, le flanc de la falaise au sud du Port du Lude, falaise abrupte et sauvage qui porte les noms significatifs de «Rocheplatte» et «Casse-Cou», on parvient à une crête rocheuse d’où l’on domine le vallondu Crapot, et le Port du Lude, appelés «la grande abîme».
D’après une légende populaire faisant l’objet d’un conte recueilli à Carolles en 1888 par SARLIN, la grande abîme a été formée par un coup d’épée de Saint-Michel sauvant du diable la belle Hélène, fille du sire de Champeaux, qui se retira dans une île déserte où elle fut enterrée, d’où le nom de Tombe d’Hélène, devenu Tombelaine. | ||||||||||||
Carolles Le port du Lude CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||