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Carolles Le pignon Butor CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||
Extrait de la «Revue de l’Avranchin Organe de la Société Archéologique et Historique d’Avranches 1955 Le Pignon Butor, nom de l’angle nord de la falaise à l’orée du vallon connu présentement sous le nom de «Vallée des Peintres», est parfois orthographié Butte-Or ou Butte d’Or, allusion aux richesses métalliques que la légende prétend s’y trouver ; cette légende est aussi la cause du nom de «Mines d’Or» donné aux deux excavations creusées par la mer, au niveau de la plage, dénomination fort ancienne puisque nous la trou-vons sur une carte manuscrite de MARIETTE datant d’environ 1700.
L’origine de ces appellations paraît remonter à la fin du XVIème siècle, car on lit l’ouvrage de François DESRUES
Publié en 1611 sous le titre : «Les Antiquités et singularités des places remarquables du Royaume de France» : «... On découvre maintenant des mines propres pour faire l’argent et autres métaux, savoir en la forêt de Bricquebec et à trois lieues d’Avranches en une paroisse nommée Carolles»; et en 1631, Gabriel DUMOULIN, curé de Maneval, écrit avec enthousiasme dans son «Histoire générale de Normandie» : «... la Normandie ne doit rien céder aux richesses de Potosi, de la Floride et de la Castille d’Or, car elle a ses mines et ne reste que des ouvriers, le commandement du Roy notre Duc et quelque légère dépense pour mettre au jour les trésors qu’elle enserre, puisque... en la paroisse de Carolles, trois lieues près d’Avranches, l’on a découvert depuis quelques années des mines d’argent, de cuivre et d’autres métaux».
En 1687, J. BOYER, de Cuves, adressa au Roi un mémoire suggérant diverses entreprises qu’il estimait susceptibles d’accroître la richesse de l’Avranchin et signala entre autres : «...4° Il y a une mine d’or dans la paroisse de Carolles, proche la mer, au Pignon Butor, ainsi appelé comme qui dirait Butte d’Or. Si on en croit plusieurs géographes qui en ont parlé et les habitants du pays, on en a fait l’épreuve dans ce siècle. Il serait à souhaiter que ces mines fussent mises en œuvre, ce qui serait aisé, ayant plus de bois qu’il n’en faut pour l’usage des habitants».
L’abbé EXPILLY, dans son grand «Dictionnaire Géographique des Gaules et de la France», publié en 1762, précise qu’ «il y a auprès de Carolles une mine de cuivre qui est d’un assez bon rapport». Le «Dictionnaire Géographique Universel», publié en 1825 par une Société de Géographes, affirme qu’ «il y a des mines de plomb, de fer et de cuivre dans les environs de Carolles».
Mais le rapport manuscrit du Commandant PEUTIER, chargé des levés de la carte d’Etat-Major de la région en 1839, ne fait aucune mention de Carolles dans le mémoire détaillé où, après une consciencieuse enquête sur place, il énumère toutes les exploitations minières de son secteur.
Quand Édouard LE HÉRICHER publia, en 1845, son grand ouvrage Historique», il écrivit : sur «l’Avranchin Monumental et Historique», il écrivit : «Des richesses métalliques ont valu à l’extrémité de la falaise le nom de Pignon Butor ou Butte d’Or. M. de CAUMONT dit de ce gisement : on a découvert un filon métallique dans les carrières de Pignon Butor, et tout annonce que des recherches bien dirigées feraient découvrir des filons plus riches dont l’exploitation pourrait être avantageuse». | ||||||||||||
Moins optimiste fut, en 1854, Carolles. De GERVILLE dans ses «Études Géographiques et Historiques sur le Département de la Manche» : «Il y a des filons de zinc sulfuré au Pignon Butor ; ces filons sont riches et se présentent à la surface du sol, mais on croit que le voisinage immédiat de la mer apporterait de grande difficultés à leur exploitation».
De même, l’abbé E.-A. PIGEON, dans son «Histoire du Diocèse d’Avranches, publiée en 1888, constate qu’ «il existe à CAROLLES des minerais de fer, de cuivre, de zinc et de plomb, mais trop faibles pour être utilisés ; le fer donne seulement naissance à une foule de sources minérales».
Ce qui n’empêche pas le «Dictionnaire Géographique et Administratif de la France», édité en 1892, sous la direction de Paul JOANNE, d’annoncer à l’article Carolles : «Mines d’argent et de cuivre»; si de telles mines avaient existé il y a soixante ans, le souvenir en aurait été conservé dans la commune, mais aucun témoignage dans ce sens n’a pu être recueilli. | ||||||||||||
Pour élucider définitivement cette question, nous avons prié l’éminent doyen de la Faculté des Sciences de Caen, A. BIGOT, de nous faire connaître son avis qu’il a bien voulu nous donner dans les termes suivants: «On a signalé divers minéraux dans les filons de quartz des environs de Carolles. Quand j’ai fait la révision pour la deuxième édition de la Carte Géologique de Coutances en 1928 et depuis, lors d’enquêtes dans la région, j’ai vainement cherché ces minéraux. J’ai cependant tenu compte de ces possibilités dans la rédaction de la Notice explicative de la feuille Coutances: «On a signalé des traces de sulfure de zinc dans les filons de quartz qui traversent les phyllades métamorphiques du Pignon Butor». A mon avis, s’il y avait eu réellement dans la région de Carolles autre chose que des curiosités minéralogiques, on eut recherché ces minerais.
Quant à l’or, on en signale partout: il s’agit de pyrite de fer, en rognons ou en cristaux isolés, qu’on peut trouver dans tous les terrains».
Si cette déclaration d’une personnalité aussi autorisée met fin à la légende des soi-disant «mines d’or», elle n’empêche pas les contes de fées suscités par le mystère des grottes béant à la base du Pignon Butor: une vieille carollaise nous a récemment affirmé que «dans sa jeunes» les «mines d’or» étaient bien plus profondes et qu’on croyait que les souterrains allaient jusque sous l’église (!); Charles LE BRETON rapporte que certains pensent que ces grottes «ne sont que le vestibule d’immenses galeries souterraines, remplies de magnificences et s’étendant jusqu'à Tombelaine et au Mont Saint-Michel».
M. SUVIGNY a conté naguère la légende de ces grottes «où les fées antiques ont laissé leurs descendants, les «fétiaux», proches parents des gnomes scandinaves; malgré leur âge, qui est souvent de plusieurs siècles, et leur malice, qui se plaît à jouer des tours aux pauvres mortels, ils ont parfois la naïveté des enfants, et, détail tout local, des «bénis» bouillant dans leurs coquilles à l’entrée des grottes leur causent un étonnement indicible; ils ne restent pas toujours enfermés dans les entrailles de la terre; ils aiment à voyager dans la baie, grotesquement assis sur le dos d’une pieuvre ou «minard», et la promenade aux îles Chausey est une de leurs distractions favorites».
Carolles CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||