CAROLLES
  CC 04.03 GRANVILLE TERRE & MER
   
  LE "TRAIT DE NERON"
         
 

Carolles bourg, CPA collection LPM 1900

 
         
 

Extrait de la Revue de l’Avranchin

Organe de la Société Archéologique et Historique d’Avranches 1955

Le «Trait de Néron» et «Les Champs de Néron»

 

Quittant la «Cabane Vauban» et franchissant la porte présumée du «Camp Romain», nous continuons à suivre le sentier sinueux qui contourne les diverses anfractuosités de la falaise, bordant un vaste plateau où sont des champs cultivés dont l’ensemble est connu sous le nom de «Trait de Néron» ou «Champs de Néron» du plan cadastral de Carolles dressé en 1827.

 

Les auteurs ont émis diverses hypothèses sur l’origine de cette dénomination; on trouve dans d’anciennes chartes du Mont Saint-Michel mention d’un Bois de Néron, d’une Terre de Néron, d’un Fieu de Néron; le cadastre de 1827 enregistre les lieux-dits «Croûte de Néron», «Clos de Néron», «Hamel de Néron». C. DE GERVILLE pensait que le Trait de Néron devait être un Trait de Dîme (du latin Trajectus, contrée, canton) ; mais CHARLES LE BRETON suggérait une origine celtique rappelant l’idée de rivage (de l’armoricain «Trect, treiz, traez»), d’où le sens de «Rivage de Néron», ce dernier nom étant peut-être celui d’un chef ayant commandé le Camp des Chateliers .

 

Mais VICTOR BRUNET présume que Néron est ici un dérivé du grec Néros (source, petit cours d’eau) qui expliquerait aussi le nom d’un «village» de la commune de Champeaux, «Nérée», situé dans un «Bois de Néron» d’où sort le «Crapot» .

 

Par contre, CHEVREL prétend qu’il s’agit tout bonnement de «neirons» ou «noirons», nom ancien de petites baies noires (myrtilles ou prunelles) qu’on trouvait en abondance sur ce plateau.

 

Sans prendre parti dans cette contestation d’étymologie, science éminemment conjecturale, nous nous bornerons à rappeler que sous l’ancien régime le «Trait de Néron» ne faisait pas partie de la paroisse de CAROLLES, mais dépendait de l’Abbaye du Mont Saint-Michel; après la Révolution et jusqu’en 1828, ces terrains furent considérés comme relevant de la commune de Saint-Michel-des-Loups, et ce fut une ordonnance royale du 6 février 1828 qui les rattacha à la commune de Carolles

 

Les landes de cette partie de la côte furent revendiquées par la «Compagnie du Cotentin», concessionnaire de la famille d’Orléans, et en 1836, le Conseil Municipal de Carolles consentit à une transaction par laquelle il versa à un sieur COMBETTE, agent de cette Compagnie, une somme de 150 francs une fois payée contre l’abandon en faveur de la commune de Carolles de tous les droits afférents à ces terrains.

 

Néanmoins, en 1847, s’éleva un litige entre la commune de Carolles et celle de Saint-Michel-des-Loups devant le Tribunal Civil d’Avranches. Aucune des deux parties ne put produire de titres écrits; les témoins entendus au cours d’une vaste enquête furent contradictoires; les uns dirent que leur père ou leur grand-père appelait ces lieux «la Falaise de Saint-Michel »  et que la commune de Saint-Michel fixait elle-même la date de la coupe du varech à l’emport depuis la carrière de Colin jusqu’au Port du Leu ; d’autres affirmèrent que de temps immémorial, les Carollais avaient recueilli les produits des terrains en litige, fait dépouiller l’herbe par leurs bestiaux, pris depuis plus de trente ans pour leurs besoins des terres, de la pierre, de la marne et des gazons, que ces actes de possession étaient les seuls que comportait la nature du terrain, que non seulement ils n’ont donné lieu à aucune protestation de la part de la commune de Saint-Michel, mais qu’ils ont eu lieu à son exclusion.

 

Le tribunal d’Avranches rendit, le 23 août 1851, un jugement en faveur de la commune de Saint-Michel-des-Loups, jugement qui fut confirmé en 1854 par un arrêt de la Cour d’Appel de Caen devant laquelle s’était pourvue la commune de Carolles, outrée de ce qu’elle considérait comme un déni de justice. Déboutée en appel, la commune de Carolles dut, pour payer les frais de ce désastreux procès, aliéner, le 5 mai 1857, une certaine étendue de terrains communaux vains et vagues  et transférer à la commune de Saint-Michel les terrains revendiqués qui comprenaient notamment la «Cabane Vauban».

 

La dispute avec Saint-Michel-des-Loups reprit en février 1890, le Conseil Municipal de Carolles ayant protesté contre le fait que la Municipalité de Saint-Michel-des-Loups, contre toutes les lois, fixe et arrête les jours de coupe du varech et goémon de rive sur une certaine étendue du rivage de la commune de Carolles. Par ce fait..., plus de 500 personnes ne possédant aucun terrain cultivé sur le territoire de Carolles viennent enlever ce qui appartient aux habitants de Carolles

 

La vulgarisation des engrais chimiques et le travail pénible exigé par la coupe et le transport du varech de rive ont fait perdre une grande partie de son importance à cette question (bien que la date de cette coupe continue à être fixée chaque année par les municipalités, comme l’avait prévu l’ordonnance d’août 1681) et le conflit avec Saint-Michel-des-Loups n’est plus qu’un souvenir historique.

 
     
 

Carolles bourg, CPA collection LPM 1900